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Les Stuarts se meurent, les Stuarts sont morts !
Michel Duchein   Les Derniers Stuarts
Fayard 2006 /  26 € - 170.3 ffr. / 527 pages
ISBN : 2-213-62794-0
FORMAT : 14 x 22.0 cm

L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat, agrégé d'histoire, est enseignant dans le secondaire. Il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles.
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Dans son introduction, Michel Duchein, inspecteur général honoraire des Archives de France, souligne qu’il aurait pu intituler ce livre La Chute de la maison Stuart, allusion à la fameuse nouvelle d’Edgar Allan Poe. C’est dès son avènement sur le trône d’Ecosse en 1371 que la dynastie Stuart connaît un destin tragique : avant 1649, un roi Stuart est mort accidentellement et un autre est tué au combat ; deux souverains sont assassinés et Marie Stuart, reine d’Ecosse et de France, est exécutée en 1567. L’exécution de Charles Ier Stuart, roi d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande, en 1649, peut donc faire croire à la fin de la dynastie, mais il n’en est rien. L’auteur montre que le destin des cinq derniers Stuarts, s’il est moins sanglant, n’en connaît pas moins une issue peu heureuse après un retour sur les trônes des îles britanniques.

De fait, l’histoire des Stuarts à partir de 1649, peu connue du public français à l’exception des lecteurs d’Alexandre Dumas qui auront poussé à son terme la trilogie des mousquetaires, ressemble à celle des Bourbons au lendemain de l’exécution de Louis XVI. Un peu moins de chauvinisme obligerait à dire que c’est l’histoire de France qui ressemble à celle de l’Angleterre. L’Histoire se répète parfois.

Renversée par la révolution qui instaure une République en 1649, la famille Stuart connaît un premier exil, avant de recouvrer son trône en 1660 en la personne de Charles II, fils du roi déchu, le premier des derniers Stuarts dépeints par Michel Duchein et le seul à mourir au pouvoir en 1685. La Restauration ne dure que le temps des règnes de Charles II (1660-1685) et de son frère Jacques II (1685-1688). La Glorieuse Révolution de 1688, dont les trois journées de juillet 1830 se font l’écho français, vient y mettre un terme. De rois, les Stuarts deviennent des prétendants à la triple couronne, condamnés à l’errance en Europe.

Commence donc la troisième partie de leurs vies, celle de l’exil en France d’abord, à Saint-Germain-en-Laye sous la protection du Roi-Soleil qui n’hésite pas à les utiliser dans sa guerre contre l’Angleterre. Jacques II y meurt en 1701. Vers la fin de la guerre de succession d’Espagne, c’est à Bar-le-Duc, en Lorraine, que le nouveau prétendant, Jacques-Edouard Stuart (Jacques III) trouve refuge avant de gagner Avignon, puis Rome. C’est pendant cet exil que se déroule l’épopée jacobite qui nourrit abondamment l’imaginaire poétique et romanesque écossais et romantique, notamment Walter Scott dans son Waverley

Refusant d’abandonner leurs prétentions, les Stuarts tentent à de multiples reprises de récupérer leurs trônes, aidés en cela, et même vivement incités, par la France qui y voit le moyen de planter une épine dans le pied de l’ennemi héréditaire anglais en organisant des soulèvements par les partisans de Jacques Stuart, les jacobites. Si l’imaginaire poétique a fait de ces expéditions des moments de gloire où s’illustre le prince Charles-Edouard (Bonnie Prince Charlie) tentant d’échapper à ses poursuivants, l’Irlande et l’Ecosse en retiennent surtout les défaites de La Boyne (1er juillet 1690) et de Culloden (14 avril 1746) marquant la fin d’une possible indépendance, notamment pour la catholique Irlande. En 1807, à Frascati, près de Rome, Henry-Benedict, le dernier descendant mâle en ligne directe, arrière-petit-fils de Charles Ier, rend son âme, pensionné par le roi d’Angleterre George III et dans la robe d’un cardinal de l’Eglise catholique romaine à laquelle s’est converti son grand-père Jacques II, ce qui lui a en partie coûté ses couronnes. Il est le seul à ne pas être représenté sur la couverture.

L’histoire des derniers Stuarts ne se limite pas toutefois à une épopée tragique, ni même à une comédie dramatique comme pourrait le faire croire Jacques II, lâché par ses nerfs et fuyant l’Irlande au lendemain de La Boyne, ou Charles-Edouard, alcoolique et mari brutal, errant à travers l’Europe. Elle illustre parfaitement les grands débats politiques et religieux qui façonnent aux XVIIe et XVIIIe siècles la Grande-Bretagne contemporaine. Les prétentions de Charles II, Jacques II et de leurs partisans (les Tories) à renforcer le pouvoir royal achoppent à l’opposition du Parlement et de ses partisans (les Whigs). Après plusieurs siècles de gestation de l’histoire anglaise, la Restauration Stuart accouche du bipartisme britannique entre les libéraux whigs et les conservateurs tories, qui perdure jusqu’à la fin du XIXe siècle.

C’est d’ailleurs une historiographie whig, incarnée par Thomas Macaulay au XIXe siècle, qui contribue à façonner la légende noire des Stuart, celles de princes débauchés ou rigides cherchant à établir une monarchie absolue et à restaurer le catholicisme. Plus d’un lecteur restera étonné du fanatisme anti-catholique de l’Angleterre de cette époque. Sous la plume de Michel Duchein, le pari de la modernité, de la tolérance religieuse préfigurant le siècle des Lumières, est celui de Charles II et de Jacques II. Leur échec renvoie à 1829 la légalisation du catholicisme romain outre-manche.

Constituante de l’histoire britannique, la geste stuart éclaire aussi la politique extérieure française dont la dynastie constitue une pièce importante, liée à la monarchie française par les relations matrimoniales traditionnelles de la diplomatie de l’époque moderne. A la cour de Louis XIV, Henriette-Anne Stuart, fille de Charles Ier, épouse du duc d’Orléans, frère du roi, illustre ces relations. Sa mort en 1670 permet à Bossuet de livrer une de ses plus fameuses oraisons : «Madame se meurt, Madame est morte !». Dans un registre moindre, Les Derniers Stuarts est aussi une contribution à l’histoire de la noblesse européenne du XVIIIe siècle avec ses réseaux et son mode de vie.

Reposant sur des études principalement britanniques, rarement traduites, l’ouvrage a ce premier mérite d’offrir une synthèse réfléchie en langue française, qu’il ne faudrait pas confondre avec une biographie familiale manifestant une nostalgie dynastique quelconque. L’arbre généalogique de rigueur est présent mais figurent aussi une chronologie et une orientation bibliographique assez dense dont les notes rejetées en fin de volume montrent l’utilité. Que Michel Duchein éprouve un vif intérêt pour les Stuarts n’est pas nouveau : trois autres biographies consacrées à Marie, Jacques Ier et Charles Ier Stuarts l’ont déjà manifesté, sans compter la biographie dévolue au duc de Buckingham, favoris des deux derniers rois cités. Vingt ans après, Les Derniers Stuarts vient donc achever une œuvre de longue haleine.


Hugues Marsat
( Mis en ligne le 27/04/2006 )
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