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Quand deux faibles souverains tentent de sauver la monarchie… | | | Evelyne Lever Les Dernières noces de la Monarchie - Louis XVI, Marie-Antoinette Fayard - Les Indispensables de l'Histoire 2005 / 20 € - 131 ffr. / 993 pages ISBN : 2-213-62619-7 FORMAT : 14,0cm x 20,0cm
L'auteur du compte rendu : Elève-conservateur à lEcole nationale supérieure des sciences de linformation et des bibliothèques (Enssib), Cécile Obligi prépare un DEA sur lhistoriographie de la Révolution française. Imprimer
La nouvelle collection «Les indispensables de lhistoire» de Fayard nous donne loccasion de relire les biographies de Louis XVI (publiée pour la première fois en 1985) et de Marie-Antoinette (1991), écrites par Evelyne Lever. La lecture croisée des deux ouvrages se révèle utile pour cerner ce couple royal. Lauteur sattache à brosser un portrait des deux souverains qui explique assez bien leur échec (pour des raisons différentes) face à lampleur des enjeux auxquels les confrontent la monarchie agonisante et la Révolution française naissante. Louis XVI, qui nétait pas destiné à régner (il avait un frère aîné visiblement bien plus brillant que lui) a été élevé dans lidée quil nétait pas, de ses frères, le plus digne dêtre roi. Ce sentiment de culpabilité a semble-t-il mis longtemps à le quitter. Au moment où il devient roi, le jeune homme, bigot, mal aimé et faible, nest pas prêt à exercer les fonctions qui lui incombent. Le règne du «prince de faible caractère soumis à une morale castratrice» ne sannonce pas très bien.
On la marié, quelques années plus tôt, à une fille de Marie-Thérèse dAutriche, Marie-Antoinette, dans le cadre de la politique du retournement dalliance. Dans lesprit de Marie-Thérèse, sa fille était destinée à devenir la conseillère de Louis XVI, et surtout, à servir les intérêts de lEmpire. Cest pourquoi elle lui a choisi comme conseiller son ambassadeur à Paris, Mercy dArgenteau, chargé de lui transmettre ses consignes, ou plus exactement ses ordres. Ce quelle navait pas prévu, cest que sa fille, au demeurant quasiment non éduquée à son arrivée en France, ne manifeste pas le moindre intérêt pour les affaires publiques, ny comprend absolument rien et ne souhaite pas faire leffort de sy intéresser. La jeune reine, paresseuse et légère, ne pense quà samuser, organiser des bals et acheter force robes et bijoux occasionnant des dépenses inconsidérées que Louis XVI règle à chaque fois. Facilement manipulable, Marie-Antoinette devient sans vraiment sen apercevoir le centre dun coterie favorable à Choiseul et plus généralement aux réformes de la monarchie, contre la coterie des dévots qui ont des idées politiques opposées et qui sont paradoxalement obligés de se rallier à la favorite de Louis XV, la comtesse du Barry.
Louis XVI, cest bien connu, est en réalité fort peu intéressé par la politique et aurait préféré sadonner tranquillement à la serrurerie et à la géographie, et plus encore à sa grande passion (ou plutôt obsession), la chasse. Profondément indécis, il est incapable de régner sans le soutien dun ministre à qui il délègue le pouvoir de décision, tout en continuant à le soupçonner. «Marionnette impuissante entre les mains de ses ministres qui voudraient lui donner la réalité du pouvoir dont, malgré eux, ils disposent à sa place, Louis XVI se défie autant de lui-même que des hommes quil a choisis» (p.108). Cest ainsi quil sappuie successivement sur Maurepas, qualifié par E. Lever de «Mentor», puis sur dautres ministres, le dernier étant Vergennes. A la mort de ce dernier début 1787, Louis XVI, visiblement désemparé, ne sait plus sur qui sappuyer. Cest de ce moment que E. Lever date lentrée en politique de Marie-Antoinette, juste là fort peu impliquée, sauf pour exécuter les ordres trop pressants de sa mère ou réclamer des pensions pour ses favoris. Elle manifeste alors, contraste saisissant avec les décennies précédentes, lucidité et esprit dinitiative.
Quant à Louis XVI, on laura compris, il est complètement dépassé par la situation au début de la Révolution. Il reste, comme durant le reste de son règne, attaché à un unique principe : la conservation de la monarchie. «Paradoxalement, ce même roi sur le point dêtre dépouillé de son pouvoir, dun fardeau quil a si péniblement supporté au cours des quinze dernières années, va tenter de le défendre avec le ténacité de limpuissant et lénergie du désespéré qui se sait pourtant perdu, comme pour aller jusquau bout de son échec et vérifier linéluctabilité du sort qui lattend» (p.365). Refusant de fuir, comme len pressait Marie-Antoinette, Louis XVI senglue dans une duplicité (acceptation timide mais officielle de la Révolution et préparation du rétablissement de son pouvoir perdu en sous-main) qui lui sera fatale.
En définitive, ces deux biographies ont des qualités indéniables : E. Lever a réalisé une intéressante étude de la correspondance et mis en évidence les relations de Marie-Antoinette avec la cour de Vienne, ainsi que le rôle joué par Mercy depuis son arrivée en France. Cependant, les sources utilisées semblent très partielles : la moitié de la bibliographie est faite déditions de correspondances de contemporains ou de protagonistes des événements. Plus précisément, le Journal de labbé de Véri, confident de Maurepas, semble être la source principale dE. Lever. Ce genre de biographies répond dévidence et fort honnêtement, il faut le souligner à la demande dun public friand de récits de vie de souverains. Et de fait, lauteur sait très bien capter lintérêt de son lecteur (les deux biographies commencent par un début in medias res haletant) et a des talents de romancière.
Cependant, le style même adopté (objectivité, commentaires rares) laisse le lecteur sur sa faim. En choisissant de faire un récit linéaire, lauteur se prive de la possibilité de donner une vue globale de certains problèmes. Lexposé (succession de tous les changements de ministères, de toutes les intrigues de cour) nuit parfois à la clarté du propos : on peine à distinguer laccessoire de lessentiel. Enfin, on regrette vraiment labsence de partie sur la postérité des deux souverains, particulièrement intéressante dans le cas de Louis XVI.
Enfin, le principe même, la réédition sans modifications ni introduction, semble très contestable : vingt ans se sont écoulés depuis la parution de la biographie de Louis XVI. Or dans lintervalle, de nombreux travaux intéressants ont paru, notamment sur le rôle des reines de France, sur la presse révolutionnaire, sur la figure du roi, sur la popularité du couple royal : autant de sujets qui intéressent les travaux létude des deux souverains. A défaut dune mise à jour (puisque ce nest pas lesprit de cette nouvelle collection), la présence dune introduction prenant acte des apports de lhistoriographie récente serait très utile.
Cécile Obligi ( Mis en ligne le 05/05/2006 ) Imprimer
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