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Dossier LE SOLEIL ET SES RAYONS
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Couleuvre ou vipère : les ambiguïtés de la grandeur
Daniel Dessert   Colbert ou le serpent venimeux
Complexe - Questions à l'histoire 2000 /  16.79 € - 109.97 ffr. / 168 pages
ISBN : 2-87027-851-9
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Dans la galerie des illustres de l’histoire de France, Colbert occupe une place à part. Il est le grand homme par excellence, théoricien et homme d’action, réformateur et législateur, véritable Hercule de l’ancienne monarchie: le plus grand ministre du plus grand des rois. Lui-même a beaucoup travaillé à laisser ce souvenir flatteur à la postérité. Les hommes de lettres qui furent contemporains se sont volontiers prêté au jeu et les historiens des siècles suivants ont suivi sans rechigner la trace de leurs devanciers.


Ici comme dans ses précédents ouvrages, M. Dessert prend le contre-pied de cette historiographie courtisane. À ses yeux, la grandeur colbertienne est un vaste bluff, comme l’est celle de Louis XIV, une pose de théâtre qui a trompé l’Europe du XVIIe siècle comme elle nous trompe encore. Dans Argent, pouvoir et société au Grand Siècle, publié en 1984, Daniel Dessert avait disséqué le milieu complexe des financiers louisquatorziens et démontré l’existence d’un "lobby Colbert", attaché au ministre par les liens les plus divers. Le Serpent venimeux va plus loin : c’est le procès du grand Colbert que l’auteur instruit, comme une réponse ou une revanche au procès de Fouquet, l’encombrant rival.


M. Dessert plante d’abord le décor. Tout a commencé avec l’entrée de la France dans la guerre de Trente Ans, entre 1630 et 1635. La croissance sans précédent de l’armée monarchique, ce "géant du grand siècle" a pour corollaire une explosion de la pression fiscale. Mais cette charge accablante ne peut suffire à nourrir le Moloch. L’État est contraint de recourir au crédit de financiers auxquels il confie le recouvrement des impôts directs et indirects. Ces "traitants" et "partisans" - nom tiré des "traités" ou "partis" conclus entre les financiers et le pouvoir royal - forment une classe d’hommes nouveaux enviés et haïs. De là vient la figure du "laquais-financier" si présente dans la littérature d’Ancien Régime. En fait, les traitants ne sont qu’une façade : derrière ces intermédiaires se cachent les élites traditionnelles, noblesse, clergé, grande robe, qui sont les véritables bailleurs de fonds de la monarchie.


L’auteur détruit ensuite le mythe d’une ascension colbertienne due au seul mérite. Sans appartenir à la meilleure société, Colbert n’est pas un self made man. Né en 1619, il appartient à un puissant lignage de marchands champenois. Son père, Nicolas Colbert, n’est que payeur des rentes, mais son cousin Saint-Pouange est premier commis du département de la guerre. Commissaire des guerres en 1640, le jeune Colbert n’est d’abord qu’un satellite de ce parent bien placé, qui le fait entrer dans les bureaux de la guerre. C’est encore Saint Pouange qui, en 1648, lui fait obtenir un brevet de conseiller d’État au moment de son mariage avec Marie Charron.


La chance se présente en 1651, quand Michel Le Tellier, secrétaire d’État de la guerre, offre Colbert à Mazarin pour lui servir de factotum et d’homme d’affaires. Dans l’ombre, le jeune homme croît et prospère, et fait sa fortune tout en gérant celle, fort mal acquise, du cardinal-ministre. En dix ans, il s’insinue dans la familiarité du roi et, le 8 mars 1661, peu avant la mort de son patron, obtient enfin une grand emploi officiel avec une commission d’intendant des finances.


C’est le moment où le jeune Louis XIV se dispose à "gouverner par lui-même". Depuis quelque temps, Colbert a dénoncé au roi la dépendance où l’État se trouve vis-à-vis d’un groupe restreint de financiers, liés au surintendant Fouquet, et le faste outrancier de ce ministre, qui porte ombrage au pouvoir royal. Le 5 septembre de la même année, la foudre tombe enfin : Fouquet est arrêté Colbert triomphe et sort de l’anonymat. Une chambre de justice est instituée pour poursuivre les financiers. Des taxes se substitueront bientôt aux condamnations : les traitants proches de Fouquet seront proprement tondus, ceux amis de Colbert curieusement épargnés. Tout au long de ses années d’ascension, le personnage peint par Daniel Dessert se révèle serviteur zélé mais sans affection, ennemi impitoyable, particulier avide d’argent et de puissance.


Simple intendant des finances en 1661, Colbert est cependant membre du Conseil royal des finances qui exerce les fonctions jadis dévolues au surintendant. Il en est la cheville ouvrière et donc le véritable successeur de Fouquet. La suite est bien connue: surintendant des bâtiments en 1664, il reçoit le "ministère de la gloire" et de la propagande royale, contrôleur général des finances et ministre d’État en 1665, il est installé au grand jour dans la succession de l’ancien surintendant. Secrétaire d’État en 1669, il dirige les départements de la marine et de la maison du roi. En 1670, il ajoute à ce palmarès la surintendance des mines et minières. En 1679, son frère Croissy est secrétaire d’État des affaires étrangères.


Daniel Dessert nous montre à l’oeuvre les hommes du "lobby Colbert" : les Berryer, Foucault, Ranchin, Coquille, Bechameil, Bellinzani, Bartillat, Du Metz, Samuel Dalies de La Tour, François Berthelot, Nicolas Desmarets, son neveu, Henri Pussort, son oncle, Alexandre de Sève, son cousin. À eux les grands offices comptables de la monarchie, à eux les places, à eux les "partis".


Théoricien dogmatique, amoureux des textes normatifs, Colbert apparaît en définitive à l’auteur comme "le fossoyeur de la monarchie absolue" (p. 95). Ses hommes sont plus à l’aise dans la fiscalité que dans l’entreprise capitaliste. "Son système, écrit D. Dessert, vit des dépouilles de l’État, et, poussé à l’extrême, loin de le fortifier, le consume". (p. 92). Bien des fautes du règnes seraient à son actif: Colbert a poussé à la guerre contre la Hollande (1672-1678).


Dès le départ, le ministre a pris soin d’écrire une histoire officielle, en plaçant sous son contrôle la Bibliothèque du roi, en créant sa propre bibliothèque et son propre dépôt d’archives. Il a accordé aux sciences, aux arts et aux lettres une protection toute intéressée, en espérant que les savants feraient retentir la gloire du roi et la sienne propre. La postérité s’y est laissé prendre.


Daniel Dessert dévoile enfin un Colbert affectant la subordination modeste et l’obscurité pour mieux manipuler ses maîtres successifs. La couleuvre qui figure sur les armes du ministre est l’emblème du venin qu’il sécrète. Tartuffe d’honnêteté, il se crée une réputation d’intégrité et d’efficacité toute artificielle. Entre ses mains, Louis XIV ne serait qu’une "marionnette royale" (p. 37). On reconnaît le vieux fantasme saint-simonien: chambré par l’entourage, enfermé dans le brillant décor de Versailles, le despote est esclave de son propre orgueil.


L’acte d’accusation dressé par l’auteur s’appuie sur les Mémoires sur les affaires de finances de France pour servir à l’histoire, plaidoyer pro domo rédigé par Colbert en 1663 et reproduit en annexe, en suivant l’édition qu’en avait donné Pierre Clément au XIXe siècle. Daniel Dessert retourne ce "morceau d’histoire immédiate" contre le ministre et lui arrache son masque de vertu pour faire apparaître le vrai visage de l’homme d’argent. Déjà auteur d’une biographie de Fouquet, il continue la réhabilitation du flamboyant surintendant face à son illustre adversaire.


Malgré la vigueur de l’attaque, la thèse n’emporte pas l’adhésion. La démonstration de M. Dessert s’affaiblit à mesure que l’on s’éloigne de 1661 : il nous convainc lorsqu’il dépeint l’ascension de Colbert par des voies assez troubles et l’iniquité du sort fait à Fouquet, mais oublie les brillantes suites de ces douteux commencements. Les années 1670 et 1680 sont à peu près escamotées. Faute d’avoir étudié directement l’administration de Colbert, l’auteur s’en tient alors à des considérations très générales. Après Colbert conspirateur, il fallait nous montrer Colbert ministre ; Richelieu a commencé valet de Concini, Bonaparte fait antichambre chez Barras, de Gaulle tenu la plume du maréchal Pétain. En France, tous les grands hommes ont de ces médiocres débuts. Ce n’est pas là qu’il faut les juger.


Surtout, M. Dessert confond intégrité personnelle et talent ministériel. Que Colbert n’ait pas brillé par la première, on le croit volontiers : en cela, il n’est pas différent de bien des ministres qui furent ses contemporains… et de bien des nôtres. Quant au second, on ne peut qu’avouer qu’il l’a possédé au suprême degré.


Vertu de ministre, Virtù machiavélienne, qui est davantage caractère qu’honnêteté, davantage volonté que sagesse, la vertu de Colbert se calque sur la vertu du roi, en épouse les contours et doit, à l’heure du jugement, se mesurer à l’aune d’un monarque qui, toujours, est demeuré le maître.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 30/04/2001 )
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