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Histoire d’un couple baroque | | | Alain-Gilles Minella Pour l'amour de l'enfant roi - Anne d'Autriche-Jules Mazarin Perrin 2008 / 20 € - 131 ffr. / 435 pages ISBN : 978-2-262-02316-4 FORMAT : 14,0cm x 21,0cm
L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié : Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (Champ Vallon, 2003). Imprimer
Peu de couples ont autant déplu à leurs contemporains que celui formé par la reine Anne dAutriche et le cardinal Jules Mazarin. Cette détestation a nourri les fameuses «mazarinades» et elle imprègne les souvenirs de bien des témoins du temps. Elle a aussi transmis comme un fond de malaise dans les jugements que portent les historiens sur cet attelage gouvernemental, dautant que lamour, considéré comme ressort des évènements, leur est toujours désagréable. Pour y regarder de plus près, Alain-Gilles Minella ne sest pas borné à la seule Fronde ni même à la seule régence dAnne dAutriche, il a tenté une «biographie de couple», un peu comme Jean-Denis Bredin sétait essayé, il y a quelques années, à une «biographie de famille», embrassant les Necker et Mme de Staël.
Lauteur suit donc ses héros depuis leur naissance respective à Valladolid en 1601 pour lune, à Pescina en 1602 pour lautre jusquà leur mort à Vincennes en 1661 pour le cardinal, à Paris en 1666 pour la reine. Si lentreprise est originale, les matériaux mis en uvre le sont moins : Alain-Gilles Minella puise généreusement dans les Mémoires du temps, surtout Tallemant des Réaux, La Rochefoucauld, La Porte, Mme de Motteville, la grande Mademoiselle et le cardinal de Retz. La bibliographie nest ni plus étendue, ni moins convenue (Simone Bertière, Georges Dethan, Claude Dulong, Madeleine Laurain-Portemer). Le lecteur averti des gens et des choses du XVIIe siècle retrouvera donc bon nombre de morceaux de bravoure, de scènes et de «mots historiques» souvent reproduits : «Vous laimerez, Madame, il a lair de Bouquinquant», «la reine avait, plus que personne que jaie jamais vu, de cette sorte desprit qui lui était nécessaire pour ne pas paraître sotte à qui ne la connaissait pas», «une seule chose est nécessaire, cest que les Français soient pour la France», «il faut quitter tout cela», etc. Mais A.-G. Minella a du métier, plus que beaucoup duniversitaires : il a le sens du récit, de lintrigue, des retours en arrière, et on le lit comme si l'on ignorait la fin de lhistoire.
A partir déléments déjà connus, Pour lamour de lenfant-roi a le mérite de proposer une analyse psychologique cohérente, sinon tout à fait originale, des relations entre les personnages. Comment la reine espagnole et le cardinal italien sont-ils devenus français de cur ? Lune en devenant mère du roi, lautre en devenant son parrain, répond lauteur. Cest du jour où ils ont investi ces rôles, quils ont rompu sans esprit de retour avec leur première patrie. Quelle fut la nature de leur relation ? Ni mariage secret, ni adultère scandaleux, mais plutôt amour platonique et qui nen était pas moins ardent. Tout bien pesé, A.-G. Minella conclut avec la duchesse de Chevreuse «quil ny avait entre eux quune liaison intime de lesprit». Passionnés qui de théâtre qui dopéra, Anne dAutriche et Mazarin sont entièrement dans ladéquation au rôle. La pieuse et romanesque reine a sublimé son tempérament dans lexercice du pouvoir et dans laffection dun homme qui «avait lair de Bouquinquant» ; le souple et cynique cardinal sest dépassé lui-même en se faisant le continuateur de Richelieu.
Ce que lauteur raconte, mais ce quil nexplique pas entièrement, cest comment Mazarin, homme du dehors, sans appuis en France, sest fait admettre en si peu de temps au sein de la classe dirigeante : naturalisé (ou peu sen faut) en 1639, cardinal en 1641, premier ministre en 1642 ! Pour avoir su trouver grâce à la fois aux yeux de Richelieu, de Louis XIII et dAnne dAutriche, personnalités si contraires, il faut que le second des cardinaux-ministres ait eu beaucoup dhabileté et beaucoup de séduction. Il faut aussi que son étoffe dhomme dÉtat soit apparue assez vite à ses protecteurs.
Il subsiste tout de même dans cette subite ascension une part dirrationnel. La mesurer, cest comprendre combien lalchimie du gouvernement, comme celle du couple, reste un mystère, à lâge baroque comme dans les autres siècles.
Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 04/04/2008 ) Imprimer
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