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Histoire & Sciences sociales -> Période Moderne |
| Cédric Michon La Crosse et le sceptre - Les prélats d'Etat sous François Ier et Henri VIII Tallandier 2008 / 25 € - 163.75 ffr. / 383 pages ISBN : 978-2-84734-336-6 FORMAT : 14,5cm x 21,5cm
L'auteur du compte-rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Les exemples ne manquent pas. Les Richelieu, Mazarin, Dubois et autres Fleury illustrent à merveille le service de la monarchie auquel se consacrèrent quelques prélats ici tous distingués par la pourpre cardinalice et servant aussi leurs intérêts. A leurs époques, ces quelques cas tendent à constituer des exceptions, mais il nen a pas toujours été ainsi. Ceux que Cédric Michon désigne sous le terme de prélats dÉtat parce que leurs compétences et leurs ressources sont mises au service de leurs souverains de manière tout à fait intéressée pour lune et lautre des parties, savèrent particulièrement nombreux sous les règnes de François Ier (1515-1547) et dHenri VIII Tudor (1509-1547). Dans ce qui est la publication issue de sa thèse de doctorat, lauteur sinterroge tant sur cette pratique et ses variantes nationales que sur les implications qui en résulte pour la crosse comme pour le sceptre.
Parce quil nentendait pas se livrer à une étude strictement prosopographique, la première question à laquelle Cédric Michon cherche à répondre ne porte pas sur les origines et la carrière des prélats mais sur la manière dont ils servent leurs maîtres royaux. Aux compétences propres à nombre de dignitaires ecclésiastiques comme le droit, canon ou pas, et la théologie tous deux bien utiles en cas dun divorce ardemment désiré - sajoutent les talents spécifiques à chacun dentre eux et leurs réseaux de relations qui concourent à en faire parfois des diplomates hors pair, à linstar du cardinal Jean du Bellay.
Cest ensuite seulement que la question du cursus de nos pontifes, une trentaine par pays, est posée. La réponse apportée est des plus intéressante puisquelle souligne la profonde différence entre les deux royaumes envisagés. Alors que dans la France du Valois les évêques pourvus par ses soins en vertu du concordat de Bologne (1516), sont presque tous dextraction nobiliaire, parfois très haute au regard du cardinal Jean de Lorraine, fils et frère des ducs lorrains, ce qui leur assure une intégration assez aisée à la cour, les prélats du Tudor sortent tous au mieux de la petit noblesse sinon de la roture des propriétaires terriens ou de la bourgeoisie urbaine et ne parviennent pas du tout à sintégrer au sein de lélite nobiliaire qui siège pourtant aux côtés de certains dentre eux à la Chambre des lords. Il y a dans ces logiques différentes de quoi faire réfléchir le lecteur quant aux évolutions ultérieures des sociétés et des événements politiques respectifs aux deux pays
Cédric Michon sinterroge dans une dernière partie sur les conséquences de lappartenance à deux appareils, lun étatique, lautre ecclésiastique, dont les intérêts divergent parfois. La question de la fidélité est bien sûr accrue en ce qui concerne les évêques anglais, loption schismatique se précisant dans la volonté dHenri VIII. Clairement, le prélat dÉtat soutient le plus souvent son souverain dans ses relations avec le Saint Siège mais pas systématiquement. Si elle pose problème, la double appartenance fournit par ailleurs un avantage financier certain en allégeant le trésor royal de dépenses non négligeables soit dans la formation dun personnel compétent comme dans le cas anglais, soit dans la rétribution par la provision de bénéfices souvent sans sinquiéter des cumuls.
Et la compétence est sans aucun doute un élément majeur du processus, que lauteur analyse comme une étape dans la construction de lÉtat qui satisfait ainsi ses besoins en un personnel compétent et plus fiable que la noblesse ne peut souvent en fournir. Dautant plus fiable que ces évêques ne peuvent transmettre leurs charges à une filiation théoriquement inexistante ou à des proches sans laccord pleinement marqué des rois. Les prélats constituent ainsi une ressource précieuse et peu coûteuse pour Henri VIII comme pour François Ier, mais cette pratique va sur son déclin.
En effet, laccroissement des exigences religieuses au temps des Réformes et celui de la complexité des affaires dÉtat ne tardent guère à précipiter la fin du prélat dÉtat, rendu à ses tâches pastorales et remplacé par des personnels laïcs plus pointus dans leurs domaines. Leur disparition manifeste donc sur un plan pratique la séparation encore naissante du politique et du religieux. Néanmoins, si le devenir est envisagé, les origines ou les antécédents ne le sont pas. Travaux de thèse, les recherches à la racine du livre impliquaient sans aucun doute de faire un choix et celui de la comparaison géographique se prêtait sans doute mieux que la comparaison chronologique, ne serait-ce quen raison de la périodisation universitaire. Il évitait aussi le périlleux écueil de la délimitation.
Chose très satisfaisante, La Crosse et le sceptre na pas la lourdeur inhérente à de nombreuses thèses publiées, mais se lit avec fluidité, tout en conservant des annexes fort intéressantes sous forme de tableau, comme un récapitulatif des prélats dÉtat anglais, et des notes rejetées en fin de volume mais qui ne sont pas toutes archivistiques ou bibliographiques. Sagement et les lacunes documentaires laidant quelque peu, Cédric Michon a privilégié lexemple illustrant son analyse sur lexposition exhaustive du cas par cas. Le résultat nétait pas acquis par avance car les méthodes et les approches utilisées, notamment la description et létude de réseaux ou la prosopographie, ne se prêtent pas aisément à une exposition claire tout en étant à la pointe de lhistoriographie actuelle. Comme souvent, la qualité de la plume prévaut.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 02/09/2008 ) Imprimer
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