Alexandre Lunel La Maison médicale du Roi - XVIe-XVIIIe siècles - Le pouvoir royal et les professions de santé (médecins, chirurgiens, apothicaires) Champ Vallon - Epoques 2008 / 29 € - 189.95 ffr. / 442 pages ISBN : 978-2-87673-481-4 FORMAT : 15,5cm x 24cm
Préface de Jean-Louis Harouel.
L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye poursuit une thèse consacrée au fils de Louis XIV, sous la direction du professeur Joël Cornette à lUniversité Paris-VIII Imprimer
Le livre dAlexandre Lunel consacré aux professions de santé à lépoque moderne est de ces ouvrages dont on débute la lecture sans enthousiasme avant de se laisser convaincre peu à peu par la pertinence du propos. La rhétorique un peu aride de ce docteur en droit se trouve vite compensée par labondance des sources dépouillées, la précision de son analyse et surtout lampleur de la thèse défendue : du XVIe au XVIIe siècle, la maison médicale du roi aurait permis à lÉtat monarchique de contrôler les praticiens contre la Faculté de médecine de Paris.
En effet, jusquau XVIIe siècle, cette institution possède lexclusivité de lenseignement et de la pratique médicale à Paris. Particulièrement conservatrice, elle défend jusquà labsurde la médecine intellectuelle de Galien contre la révolution scientifique des XVIIe et XVIIIe siècles fondée sur lexpérimentation. De même, elle veille à limiter linfluence des facultés de province tout en surveillant les médecins du roi qui revendiquent une tutelle toujours plus importante sur les professions de santé.
Non sans raisons dailleurs car lauteur montre comment, auréolés du prestige de soigner le corps du souverain, ils permettent à lÉtat de court-circuiter insidieusement lautorité de la faculté de médecine. La création du jardin du roi actuel jardin des plantes -, par le premier médecin en 1635 devient très vite le cheval de Troie de cet État toujours plus centralisateur. Linstallation dune chaire danatomie en 1671 commence à tailler en pièces le monopole denseignement de la Faculté avant que linstitution dune société royale de médecine en 1778 ne labatte définitivement.
Pour justifier son offensive, la monarchie développe un puissant discours sur la nécessité dharmoniser lexercice de la médecine et de la chirurgie dans le royaume. Ainsi, Fagon, larchiatre de Louis XIV, réussit par lédit de Marly en 1707 limpensable : uniformiser les études et la pratique médicale. Tocqueville avait déjà remarqué en son temps le curieux paradoxe de cet État aristocratique, défenseur contre nature de légalité des sujets contre les corporations ; il finira par en mourir.
Alexandre Lunel, par lexemple des professions médicales, nous livre les recettes dune réforme réussie. Il sagit dabord de stigmatiser larchaïsme de son adversaire, ensuite le ménager tout en le privant de la réalité de son autorité, enfin profiter de son immobilisme pour le détruire. Ces vieux réflexes nont pas disparu. Aussi ce livre permet-il de mieux comprendre de quelle manière lÉtat ou tout pouvoir public procèdent pour simmiscer un peu plus chaque jour dans la vie sociale.
Matthieu Lahaye ( Mis en ligne le 14/10/2008 ) Imprimer |