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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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''J’ai pleuré et j’ai cru'' | | | Emmanuel Fureix La France des larmes - Deuils politiques à l'âge romantique (1814-1840) Champ Vallon - Epoques 2009 / 30 € - 196.5 ffr. / 501 pages ISBN : 978-2-87673-497-5 FORMAT : 15,5cm x 24cm
L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye poursuit une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction du professeur Joël Cornette à lUniversité Paris-VIII. Imprimer
Cette fameuse sentence de Chateaubriand pourrait à elle seule résumer le brillant travail dEmmanuel Fureix qui sest proposé - sur les conseils dAlain Corbin - il y a maintenant une petite dizaine dannées de consacrer ses recherches de doctorat à la mort publique sous la Restauration et la Monarchie de juillet. Avec un réel talent décriture et une force dévocation assez rare chez un jeune historien, lauteur parvient à montrer comment le culte des morts en pleine période du romantisme français réussit à cristalliser les imaginaires politiques morcelés de la société post-révolutionnaire.
Dès le début de son livre, lauteur montre comment à son retour en France en 1814, Louis XVIII, pour simposer, tient à recréer un consensus politique entre les Français. Pour ce faire, dans le Paris des années 1820 - qui occupe surtout lauteur -, Louis XVIII nhésite pas à théâtraliser sa tristesse et son horreur devant lassassinat de son frère Louis XVI, le 21 janvier 1793. Il croit ainsi pouvoir inscrire son régime dans une continuité dynastique et dans le même temps canaliser autour du culte du sang royal supplicié le ressentiment des familles victimes de la révolution, tentées par une surenchère commémorative. Aussi, le 21 janvier 1815, la translation des cendres de Louis XVI et de Marie-Antoinette à labbaye de Saint-Denis saccompagne-t-elle dune interdiction pour les particuliers dériger des stèles à lemplacement des charniers révolutionnaires afin de ménager la susceptibilité des nostalgiques de la Révolution et de lEmpire.
Cependant le manque de représentativité du gouvernement censitaire, labsence de liberté de la presse et le contrôle policier obligent les mémoires concurrentes à semparer des funérailles publiques pour sexprimer. En effet, la plupart du temps, les deuils des figures révolutionnaires, impériales ou libérales se transforment rapidement en véritable «deuil dopposition» contre le régime. Cest le cas en novembre 1825 où lenterrement du général Foy - lun des chefs du parti libéral -, donne lieu au rassemblement de plus de cent mille personnes aux revendications diverses, mais avec en toile de fond lopposition à un régime qui se refuse à instituer une véritable souveraineté populaire.
Il faut dire que le raidissement du régime après lassassinat du duc de Berry, neveu de Louis XVIII, en février 1820, exacerbe cette compétition mémorielle. Le Panthéon, lieu de sépulture des grands commis de lÉtat révolutionnaire et impérial retourne ainsi au culte catholique en 1822 alors que dès 1821 les tombeaux de Rousseau et de Voltaire sont soigneusement dissimulés à la vue de la foule. Lavènement de Louis-Philippe en 1830 et la volonté de ce fils de régicide de fonder une monarchie nationale en mettant un terme aux luttes civiles infléchissent sensiblement ce combat des mémoires et des deuils. Le retour des cendres de Napoléon à Paris le 15 décembre 1840 constitue lapothéose des rites funéraires dans ce premier XIXe siècle dans la mesure où le pouvoir tente - en vain - de fonder un deuil consensuel, un deuil national.
Par cette étude consacrée à lutilisation politique des deuils à lâge romantique, Emmanuel Fureix nous permet de mieux apprécier une époque encore trop peu en faveur auprès des historiens : la Restauration et la Monarchie de Juillet. Mais plus que cela, lauteur renouvelle les approches de lhistoire politique dans la lignée de Pierre Nora en se détachant des institutions pour se concentrer sur les expériences politiques concrètes des Français. En somme, il serait bien injuste de ne pas recommander vivement la lecture de cet ouvrage, lun des plus vivifiants de ces dernières années.
Matthieu Lahaye ( Mis en ligne le 24/02/2009 ) Imprimer | | |
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