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Au cimetière des empires
Jacques Piatigorsky   Jacques Sapir    Collectif   Le Grand Jeu - XIXe siècle - Les enjeux géopolitiques de l'Asie centrale
Autrement - Mémoires/Histoire 2009 /  21 € - 137.55 ffr. / 252 pages
ISBN : 978-2-7467-1088-7
FORMAT : 15cm x 23cm

Les auteurs du compte rendu :

Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban : l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.).

Jean-Pierre Sarmant est inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale.

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Il y a une vingtaine d’années, l’expression «Grand Jeu» n’était guère familière que des lecteurs de Kipling. Depuis l’effondrement de l’URSS, la presse tend à ressusciter la métaphore pour décrire les luttes d’influence dont l’Asie centrale est à nouveau le terrain.

Au XIXe siècle, on entend par «Grand Jeu» un affrontement global des empires russe et britannique. Son terrain privilégié est l’Asie centrale proprement dite où, descendant de la Sibérie et remontant de l’Inde, se rencontrent les axes d’expansion des deux puissances. Il s’étend également à ses périphéries que sont les empires Ottoman et Perse, tous deux vermoulus et convoités, ainsi qu’au «Far West» chinois (Xinjiang et Tibet), où la suzeraineté de Pékin n’est le plus souvent que nominale. Cet affrontement, souvent comparé à la Guerre froide du XXe siècle, reste le plus souvent feutré. Il n’en est pas moins un axe majeur de la géopolitique du XIXe siècle.

Des crises successives manquent plusieurs fois de dégénérer en affrontement ouvert, et la guerre éclate pour de bon en 1853. Elle est connue sous le nom de «Guerre de Crimée», mais on oublie souvent qu’elle ne se limite pas à cette péninsule et que par exemple la flotte anglo-française attaque le Kamtchatka. L’antagonisme des États, accompagné par l’anglophobie et la russophobie des opinions publiques, renaît à plusieurs reprises dans la seconde moitié du siècle. Il s’exprime une dernière fois en 1904 au cours de la guerre russo-japonaise, rendue possible par l’alliance anglo-japonaise de 1902. En 1907, un accord anglo-russe, qui partage l’Eurasie en zones d’influence, met fin au Grand Jeu. C’est pour une part le succès d’une habile diplomatie française ; sur le fond, l’Angleterre craint désormais davantage une Allemagne en pleine ascension qu’une Russie affaiblie autant par les troubles intérieurs que par sa défaite récente. On peut aussi estimer que les protagonistes ont finalement compris que «le combat de l’éléphant et de la baleine» était par nature sans issue.

Le Grand Jeu est riche en personnages hauts en couleur : jeunes officiers des frontières rêvant d’en découdre, faux marchands, faux savants, espions qui seront désavoués au moment opportun… Ce vrai roman d’aventures a inspiré de nombreuses œuvres de fiction auxquelles une section du présent ouvrage est consacrée.

Le livre s’ouvre sur un véritable précis de l’histoire de l’Asie centrale. Résumer en 54 pages le destin de territoires qui s’étendent de la Hongrie à la Mandchourie et sur une période qui va d’Alexandre le Grand à George W. Bush peut sembler extravagant. L’entreprise est pourtant réussie autant qu’elle puisse l’être. L’information donnée est de qualité, le lecteur pourra toutefois se sentir accablé par l’avalanche des noms propres, cités à bon droit sous leurs diverses forme (Qipchaks = Coumanes = Polovtses…), d’autant plus que manquent les cartes précises auxquelles il faudrait se reporter.

Après avoir consacré le cœur de leur ouvrage au Grand Jeu proprement dit, les auteurs passent à la description de ce qu’ils appellent le «renouveau du Grand Jeu». Après un XXe siècle au cours duquel l’Asie centrale semble être sortie de l’histoire, cette région est en effet, depuis la décomposition de l’empire soviétique, le terrain de nouvelles rivalités. Les auteurs soulignent le caractère limité de l’analogie. Certes, si l'on se restreint à la compétition qui se joue autour des ressources énergétiques du bassin de la Caspienne, on peut considérer que le Grand Jeu continue, les États-Unis ayant, là comme ailleurs, pris la succession de l’Empire britannique. Il ne faut toutefois pas oublier que les peuples d’Asie centrale ne sont plus, comme à l’époque coloniale, de simples objets du conflit mais qu’ils en sont devenus, à travers les États indépendants qu’ils ont fondés, pleinement les acteurs.

Dans cette dernière partie, l’interprétation des évènements les plus récents peut prêter à controverse. Les auteurs manifestent à l’égard du point de vue russe une empathie rarement représentée dans les publications occidentales. Même pour qui ne sera pas pleinement convaincu, il est intéressant de prendre connaissance de cette vision d’une Russie qui se sent agressée et mal récompensée par l’Amérique de sa coopération loyale après le 11 septembre 2001.

Voilà donc un petit ouvrage très documenté, dont la lecture permet d’éclairer bien des points d’une actualité complexe. Il n’est par exemple pas indifférent de savoir que de vastes étendues des actuelles Républiques d’Asie centrale ont reconnu à plusieurs reprises des formes de souveraineté chinoise. De même, le passé de l’Afghanistan, terre farouche et jamais unifiée, mérite d’être connu : il est bon de savoir qu’en 1842, à l’apogée de la puissance britannique, une armée anglaise réduite à un unique survivant revint de ce cimetière des empires… même si l’histoire n’est pas nécessairement un recommencement.


Jean-Pierre et Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 31/03/2009 )
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