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''Pensez à moi comme à un vivant''
Anne Hogenhuis   Des savants dans la Résistance - Boris Vildé et le réseau du Musée de l'Homme
CNRS éditions - CNRS Histoire 2009 /  20 € - 131 ffr. / 222 pages
ISBN : 978-2-271-06735-7
FORMAT : 14cm x 22cm

L'auteur du compte rendu : Grégory Prémon est agrégé d'histoire-géographie.
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Loin de nous décrire les liens qui ont uni la communauté scientifique avec la résistance, Anne Hogenhuis choisit un exemple - celui de Boris Vildé – pour écrire son histoire et celle du réseau du Musée de l’Homme. La méthode est originale : l’ouvrage n’est ni une biographie ni l’histoire d’un mouvement de résistance mais il relate comment le parcours d’un homme l’a conduit à participer pleinement et activement à la Résistance.

Malgré la commémoration du centième anniversaire de la naissance de Boris Vildé à l’occasion d’une exposition sur Germaine Tillion au Musée de l’Homme, un silence relatif entoure la mémoire de ce membre d’un des premiers réseaux de résistance. Pourquoi Anne Hogenhuis s’est-elle intéressée à lui ? Son intérêt trouve son origine dans une Europe de l’Est en quête de héros, qu’il s’agisse de la création en Estonie par Tardu d’un opéra-ballet intitulé «Mont-Valérien» dans les années 1970 ou de la fondation d’un musée dans la ville natale du résistant en Russie post-soviétique. C’est donc naturellement que l’historienne, spécialiste des relations franco-russes, a porté son attention sur ce personnage. Au-delà, son étude s’insère largement dans l’histoire des intellectuels et plus largement encore dans une historiographie de la résistance intérieure française, notamment renouvelée par les travaux d’Olivier Wieviorka.

Des archives et des témoignages nombreux – toujours questionnés, croisés et critiqués avec rigueur – permettent à l’auteur de décrire la vie de cet immigré et intellectuel. Né en Russie en 1908, il se réfugie avec sa famille en Estonie quelques années plus tard. Après des études à l’Université de Tartu, il rejoint dans les années 1930 Berlin où il y rencontre André Gide qui l’héberge lors de son arrivée à Paris en 1933 – et non 1932, comme de nombreux témoignages le laissent entendre. Anne Hogenhuis décrit avec beaucoup d’empathie – parfois trop ? - la vie que mène cet immigrant dans le Paris des années trente, où le jeune homme à l’esprit romantique vit dans le dénuement : accueilli dans le Montparnasse russe, il ne rêve que de littérature et d’études.

Son parcours intellectuel est fait de rencontres. Celle d’Irène Lot, tout d’abord, la fille du médiéviste Ferdinant Lot, que Boris Vildé épouse en 1934 : il intègre ainsi une famille et les cercles universitaires. Dès l’année suivante, il s’inscrit à l’Ecole des Hautes Études pour préparer un doctorat d’ethnologie. Ses liens seront alors de plus en plus étroits avec Paul Rivet, le directeur du Musée de l’Homme : les deux scientifiques partagent les mêmes idéaux humanistes et s’engagent dans les mêmes combats, notamment en faveur des républicains espagnols. Boris Vildé se voit alors confier plusieurs missions qui le conduisent en Estonie et en Finlande.

L’occupation l’amène – lui, l’intellectuel et le scientifique – à prendre une part importante dans l’un des premiers réseaux de résistance français, réseau précoce et spontané qui joue un rôle actif. Aux cotés de Boris Vildé, Paul Rivet, Germaine Tillion, Paul Hauet, Anatole Lewitsky ou Irène Lot publient dès décembre 1940 le premier numéro du journal Résistance. Jusqu’en mars 1941, plusieurs numéros seront imprimés dans les locaux du Musée de l’Homme et distribués. Très vite, les autorités allemandes mettent fin à cette action : alors que Boris Vildé se trouve en zone libre pour établir des contacts avec d’autres résistants, les principaux membres du réseau sont arrêtés. Lui-même est arrêté et incarcéré à la prison de Fresnes en 1941. Jugé en 1942, il est exécuté avec plusieurs de ses compagnons le 23 février de la même année. Les interventions en sa faveur de nombreux intellectuels français et du délégué du gouvernement français auprès des autorités allemandes, Fernand de Brinon, n’ont en effet pas permis de sauver la vie du scientifique.

Mêlant habilement l’histoire de Boris Vildé et celle du réseau du Musée de l’Homme, le travail d’Anne Hogenhuis a su tirer un profit du renouveau actuel de la biographie pour participer à l’écriture plus globale de l’histoire de la résistance et des intellectuels. L’adhésion manifeste de l’auteur à l’action de son personnage rend vivant le récit tragique de son action. On ne peut aujourd’hui que souhaiter que se multiplie ce genre de travaux afin que progresse une connaissance plus intime de la résistance pendant les années noires. La publication à la fin de l’ouvrage de quelques documents, notamment «la lettre des universitaires parisiens destinée à attirer l’attention du ministre de l’Education Nationale sur le sort de M. Boris Vildé» (1942), doit être saluée.


Grégory Prémon
( Mis en ligne le 21/07/2009 )
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