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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Barrès, tel qu’en lui-même enfin | | | Jean-Pierre Colin Maurice Barrès - Le Prince oublié Editions Infolio 2009 / 22 € - 144.1 ffr. / 250 pages ISBN : 978-2-88474-928-2 FORMAT : 14,2cm x 20,5cm Imprimer
Cest un Barrès étonnamment vivant et présent vers lequel nous achemine Jean-Pierre Colin. En une suite de douze tableaux, luniversitaire brosse de celui quil surnomme «Le prince oublié» un portrait que lon devine juste, car émanant dun admirateur circonspect. Dans la foulée, cet ouvrage apporte la démonstration souvent contestée dans les milieux académiques que lon peut éprouver un enthousiasme sincère vis-à-vis dun auteur sans foncièrement partager ses opinions ni ses préjugés.
À peine le livre refermé, lenvie naît de se (re)plonger dans Les Déracinés, pour y flanquer le pas à la bande à Sturel vers les Invalides et aller sincliner devant le tombeau de lEmpereur. De déambuler dans les rues de Tolède, où la silhouette de chaque doña et de chaque prêtre semble échappée dune toile du Greco. Dassister aux séances du cloaque où barbotent les parlementaires et de proposer une partie de jonglerie cocasse avec Leurs Figures. De suivre les méandres de ce Moi, à la fois altier et hypersensible, dont la cohérence neut pour ossature quun emboîtement de paradoxes.
Barrès commence dans cette fin de siècle où la société se mettait à sentir le faisandé, et sachève après avoir été couronné «Rossignol des carnages». Modèle pour la jeunesse de son temps pour les uns, pousse-au-crime des générations en fleur pour les autres, il fut lobjet de débats passionnels dont Colin nélude aucun aspect. Le père de Colette Baudoche a dailleurs cumulé tant de tares idéologiques antidreyfusisme, boulangisme, nationalisme, etc. quil se vit évacué des programmes scolaires, ou pire, relégué au rang dun personnage que lon cite ''pour lanecdote'', quand il sagit dillustrer lantisémitisme davant 1914, lacharnement va-ten-guerre ou la haine viscérale de la bassesse démocratique.
Cest aller là trop vite en besogne et faire limpasse sur les sympathies dun anarchiste de cur qui assista aux funérailles de Louise Michel, se plut à cultiver des relations antipodaires, prôna sans faillir un républicanisme laïc, se hissa enfin au sommet dune uvre immense (de journaliste, de romancier, de penseur, de voyageur) que seules peuvent balayer sans égards les bourrasques dune certaine malveillance intellectuelle. Lessayiste rappelle à ce propos les effets néfastes de la thèse du chercheur israélien Zeev Sternhell, publiée en 1972, qui limitait la dimension de Barrès au cadre étriqué dun «fascisme à la française» et le fit donc basculer du camp des albatros dans celui des corbeaux et des oiseaux charognards.
Il suffit par contre à Colin denviron deux cents pages pour expliquer ce que représente la notion de lenracinement barrésien, en y resituant avec didactisme le culte des morts, lidée de «patrie» et le rêve de lAlsace-Lorraine. Il évoque également le fédéraliste visionnaire, le pamphlétaire redoutable, le bourreau de travail, le défenseur acharné du patrimoine, lami indéfectible, le coureur de femmes mais lamant dune seule, bref un homme libre «qui diviserait les anges eux-mêmes» sil venait à ressusciter. Au fond, nest-ce pas désormais chose faite ?
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 01/12/2009 ) Imprimer
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