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Voyage dans la crypto-droite
Olivier Dard    Collectif   Doctrinaires, vulgarisateurs et passeurs des droites radicales au XXe siècle - (Europe-Amériques)
Peter Lang - Convergences 2012 /  86,50 € - 566.58 ffr. / 339 pages
ISBN : 978-3-0343-1224-0

L'auteur du compte rendu : Chargé d'enseignement en FLE à l'Université de Liège, Frédéric Saenen a publié plusieurs recueils de poésie et collabore à de nombreuses revues littéraires, tant en Belgique qu'en France (Le Fram,Tsimtsoum, La Presse littéraire, Sitartmag.com, etc.). Depuis mai 2003, il anime avec son ami Frédéric Dufoing la revue de critique littéraire et politique Jibrile.
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À qui s’intéresse quelque peu aux extrémismes politiques, il apparaît que, après la Seconde Guerre mondiale, les radicalités de gauche comme de droite furent soumises à un même processus de morcellement, qui contribua sans doute plus que tout autre facteur à la faillite des projets idéologiques dont elles étaient porteuses. De part comme d’autres, les divers groupuscules, cellules activistes et autres réseaux d’influence, qui parfois se croisèrent ou entretinrent des dialogues, n’aboutirent jamais à un terrain commun et cohérent d’action.

Si l’ultra gauche a souvent été étudiée dans ses ramifications les plus labyrinthiques, et parfois dans des études destinées au grand public à l’instar de celle d’un Christophe Bourseiller, le développement rhizomatique des droites radicales demeure méconnu. Dans le cadre d’une approche globale sur les transferts culturels et politiques, une équipe de chercheurs menée par Olivier Dard s’est intéressée, dans une rigoureuse perspective universitaire, à cette problématique aux relents soufrés. Voilà comment est né, au sein de l’Université de Lorraine, le projet IDREA (Internationalisation des droites radicales Europe / Amériques), et le fruit de leur premier atelier est un volume d’articles tout bonnement plus captivants les uns que les autres. Quatorze contributions viennent éclaircir le rôle de figures, soit bien connues ou plus discrètes, qui ont chacune à sa façon joué un rôle de pivot et de passeur d’idées entre diverses tendances du radicalisme droitier, soit dans un même pays, soit au niveau international.

Valérie Igounet et Nicolas Lebourg ont respectivement traité des cas de Robert Faurisson et de François Duprat, et leurs articles constitueront l’introduction idéale à la découverte des travaux biographiques d’envergure qu’ils ont publiés cette année. À côté de la «superstar» du révisionnisme et du turbulent fondateur du FN, d’autres personnalités bel et bien vivantes sont abordées. Approcher des pensées ou des opinions toujours en mouvement confère au recueil son intérêt en ce qui concerne la compréhension de la permanence et de l’actualité des radicalités. Ainsi lorsqu’il s’agit pour Stéphane François d’étudier les rapports complexes qu’entretient Alain de Benoist avec les États-Unis. L’anti-américanisme de la figure de proue de la Nouvelle Droite reste à maints égards à relativiser, il n’empêche que ses thèses demeurent bien plus débattues sur les campus ou dans des revues du Nouveau continent que dans l’Hexagone, où l’homme semble incarner rien moins que le diable !

D’autres intervenants préfèrent rester dans les limites de la sphère européenne. Pauline Picco se penche sur l’itinéraire de Franco G. Freda, disciple de Julius Evola et tenant du traditionalisme, dont l’activité d’éditeur-libraire s’inscrira dans les militances de l’extrême droite italienne, de 1963 aux années de plomb. Le duo composé par Damir Skenderovic et Luc van Dongen évoque l’étonnant personnage qu’est le nonagénaire suisse Gaston-Armand Amaudruz, «l’un des derniers fascistes “historiques” encore en activité» vénéré jusque par les skinheads actuels et qui continue inlassablement à diffuser ses vues sur la dégénérescence de notre société dans son organe de presse, Le Courrier du Continent. On relèvera également les excellentes contributions des Liégeois Francis Balace (sur le Belge Pierre Joly, engagé notamment du côté de l’OAS, et qui vivra longtemps «sur sa réputation usurpée de théoricien de la subversion et d’homme d’action») et Catherine Lanneau (sur la réception du concept gaullien d’«Europe des patries» dans certains cercles marginaux de la droite catholique ou libérale belge). Enfin, Olivier Dard, maître d’œuvre du projet, s’est attelé à traiter du cas Jacques Ploncard d’Assac, propagandiste antisémite dont le nom fut souvent associé à celui de Henry Coston. Il s’intéresse particulièrement à la période durant laquelle Ploncard d’Assac anima le programme radiophonique «La Voix de l’Occident» alors qu’il était en exil dans le Portugal de Salazar. L’analyse met en avant la vocation non négligeable de compilateur et de synthétiseur qu’assuma cet homme qui n’était guère un penseur de premier plan mais contribua à redéfinir, notamment auprès d’un auditorat jeune, les enjeux du traditionalisme catholique dans une société en complète mutation. Olivier Dard est, comme à son habitude, d’une précision sans faille dans son exposé : ne cherchez plus sur quelles fréquences et à quelle heure émettait Ploncard d’Assac, c’est mentionné dans la première note de bas de page !

Toutes ces contributions, comme celles qui n’ont pas été citées sur l’Anglais Mosley, l’Américain Jared Taylor ou le Brésilien Gustavo Corção semblent sous-tendues par une question de fond, qui, tel un monstre du Loch Ness, pointe le bout nez pour aussitôt disparaître : l’hypothétique existence d’une «internationale noire». Olivier Dard répond à ce sujet dès sa préface qu’«il apparaît, à l’évidence, qu’aucun “chef d’orchestre clandestin” n’est aux commandes : on pouvait s’en douter au vu des divisions existant au sein des droites radicales. […]». Mais il ajoute peu après qu’il faut admettre «l’existence de circulations et de transferts entre des acteurs d’aires géographiques bien différentes [et] qu’on ne saurait cantonner à de simples contacts entre individus».

L’enjeu est donc ici, sans jamais succomber au fantasme du complot, de montrer au grand jour des passerelles qui jusqu’alors étaient plutôt d’obscurs tunnels. Un éclairage majeur sur une «subculture» de droite, qui creuse et creuse encore, en increvable vieille taupe.


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 06/11/2012 )
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