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| Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Jean-Pierre Azéma Vichy-Paris, Les collaborations. Histoire et mémoire
André Versaille - Histoire 2012 / 19.90 € - 130.35 ffr. / 248 pages
ISBN : 978-2-87495-161-9
FORMAT : 15,4 cm × 24,1 cm
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«J’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration». C’est en ces termes que, dans son allocution du 30 octobre 1940, le maréchal Pétain annonça son souhait de collaborer, c’est-à -dire de coopérer activement avec l’occupant allemand. Si l’on s’efforce de retracer la généalogie de ce terme, c’est la toute première fois qu’il fut prononcé avec cette visée officielle. La triste expression fit florès, puisqu’elle fut reprise telle quelle par les autorités du IIIe Reich, lesquelles parlèrent rapidement de ''Kollaboration'' avec le régime de Vichy.
La collaboration, explique Jean-Pierre Azéma dans l’ouvrage Vichy-Paris, Les collaborations que viennent de publier les éditions André Versaille, n’est en aucun cas un ensemble monolithique. L’historien parle d’ailleurs volontiers des collaborations. Ainsi que le rappelle d’emblée l’auteur, il convient en effet de distinguer la collaboration d’Etat des collaborationnistes. De 1940 à 1944, la collaboration avec l’Allemagne hitlérienne et ses satellites bénéficia d’un statut on ne peut plus officiel. Elle fut une affaire gérée d’Etat à Etat, entre les hauts dignitaires allemands et certains des membres les plus éminents du gouvernement de Vichy.
Les collaborationnistes étaient, quant à eux, des activistes militant essentiellement à Paris. Les deux variantes luttaient, toutefois, avec acharnement contre un même «ennemi intérieur», c’est-à -dire les juifs, les francs-maçons, les étrangers et tous les défenseurs de «l’ordre ancien» qui correspond alors à la IIIe République. Pis, à partir de l’hiver 1943, il a existé une véritable solidarité entre ces deux types de comportement. Outre la collaboration d’Etat et les collaborationnistes, d’autres formes de collaboration se firent jour. Ce fut par exemple les cas des «collaborations économiques», lesquelles – on le comprend aisément – eurent mauvaise presse à la Libération.
Autre source de complexité relevée par l’auteur : les partisans de Philippe Pétain n’étaient pas tous des collaborationnistes. D’aucuns étaient en effet des «admirateurs inconditionnels» du vainqueur de Verdun, auquel ils prêtaient des qualités personnelles de tout premier ordre. Il s’agit des «maréchalistes». D’autres étaient convaincus de la justesse de ses idées politiques autoritaires, anti-libérales et xénophobes. Ils se détournaient donc très nettement de la IIIe République, mais sans pour autant verser dans le collaborationnisme de certains milieux parisiens.
Ces distinctions, explique l’auteur, sont absolument nécessaires afin d’«éviter les approximations qui empoisonnent en particulier les débats politiques». Les collaborations ont été déterminées par le contexte de l’époque. Deux logiques poussèrent certains Français sur la voie de la collaboration : une «logique de guerre» et une «logique d’occupation».
Dans les pays occupés, Hitler souhaitait le maintien d’un pouvoir aux allures légales. «Cette situation, explique Jean-Pierre Azéma, lui permettait de jouer sur les élites administratives et économiques, en neutralisant les élites religieuses. La France l’intéressait tout particulièrement par sa position géostratégique face aux Anglo-Saxons, mais aussi par sa puissance économique dominante en Europe continentale et la possession du deuxième empire colonial du monde».
Selon l’historien, le Führer ne désira jamais d’alliance avec les pays occupés, ni même une collaboration un tant soit peu «correcte». Ce qu’il ambitionnait en revanche, c’était la vassalisation pure et simple des pays ployant sous le joug de l’Allemagne. Ceux-ci étaient donc contrôlés par les Nazis, mais disposaient néanmoins de suffisamment d’autonomie pour donner le change aux populations. En dépit de ce que Pétain et ses séides purent affirmer, le maître de l’Europe n’avait pas prévu de «poloniser» la France. Finalement, «ceux qui pensaient que la collaboration gênait les desseins du Führer, se leurraient et leurraient les Français avec eux».
Après avoir mis en relief les illusions de la collaboration du «donnant-donnant» entre 1940 et 1942, Jean-Pierre Azéma démontre que celle-ci évolua selon les désirs de l’occupant. Peu à peu, elle devint «à sens unique». Les relations Vichy-Berlin bénéficiaient exclusivement au IIIe Reich à la suite des déconvenues allemandes sur les différents théâtres d’opération, où ils s’opposaient aux Alliés. L’auteur retrace les étapes de la déchéance des collaborations jusqu’à l’épuration qui suivit la Libération.
Dans cet ouvrage de qualité, très sensiblement enrichi depuis 1975 grâce à l’ouverture de différents fonds d’archive, aux recherches de l’auteur et à celles d’autres historiens, Jean-Pierre Azéma n’excuse ni ne dénonce, mais cherche à comprendre les collaborations en en éclairant les ambivalences.
Jean-Paul Fourmont
( Mis en ligne le 27/11/2012 )
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