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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
| Guillaume Gros François Mitterrand Geste éditions - Portrait d'histoire 2012 / 20 € - 131 ffr. / 176 pages ISBN : 978-2-84561-998-2 FORMAT : 13,5 cm × 21,5 cm Imprimer
La figure de François Mitterrand ne lasse pas de fasciner biographes et mémorialistes, fascination dont rend compte la multiplication des ouvrages lors de la célébration du trentième anniversaire de laccession au pouvoir du leader socialiste en mai 1981.
Né en 1916 dans une très traditionnelle famille catholique charentaise, rien ne le prédisposait à incarner pendant deux septennats la gauche au pouvoir, dans une logique de rupture largement mise en scène par lintéressé avec son discours du 21 mai 1981 dans lequel il évoque «ces millions de femmes et dhommes, ferment de notre peuple, qui, deux siècles durant, dans la paix et la guerre, par le travail et par le sang, ont façonné lhistoire de France sans y avoir accès autrement que par de brèves et glorieuses fractures de notre société». Si cette lecture dune gauche traditionnellement évincée du pouvoir est pour le moins discutable, elle nen est pourtant pas moins assez complaisamment reprise pour illustrer la phase glorieuse du socialisme des années 1980 et son volontarisme dont lactuel président de la République na dailleurs jamais hésité à se revendiquer. Une biographie synthétique de l'ancien président (Geste éditions) par Guillaume Gros, permet de remettre en perspective l'itinéraire de celui qui est parvenu à s'imposer comme une figure de la gauche au 20e siècle.
Né et formé à droite, voire très à droite, le jeune Mitterrand apparaît en effet très proche de la jeunesse dAction française même sil donne son adhésion à la ligue du colonel de La Rocque, les Croix de Feu, dont le conservatisme et lappel à une réforme de la IIIe République semblent plus lémouvoir que les manifestations du Front populaire. Cest dailleurs un des membres du comité exécutif du Parti social Français, Jean Delage, qui lui met le pied à létrier en lui proposant décrire dans la chronique littéraire de lEcho de Paris dHenry de Kérillis.
Blessé puis capturé au cours de loffensive de juin 1940, François Mitterrand réussit à sévader en décembre 1941 et gagne Vichy où il occupe désormais une place au service de la documentation de la Légion des combattants et des volontaires de la Révolution Nationale, fonction quil délaisse dès le mois de juin 1942 pour le Commissariat au reclassement des prisonniers dont il devine peut-être la force politique quils constitueront au lendemain de la Libération. Après le débarquement de novembre 1942 en Afrique du nord, la disparition effective de ce qui restait de la souveraineté de lEtat français et lengagement inconditionnel du régime dans la collaboration, il s'impose au Rassemblement national des prisonniers de guerre giraudiste. Ce qui ne l'empêche pas de se faire adouber par de Gaulle, à Alger en décembre 1943, qui lui confie la mission dunifier les mouvements de prisonniers en France. A la Libération, il est naturellement désigné comme secrétaire général intérimaire aux prisonniers de guerre dans le GPRF, en attendant le retour dHenry Frenay à qui le poste est dévolu.
Très rapidement, il abandonne ce poste subalterne pour garder la main sur le Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés quil utilise comme tremplin à sa nouvelle carrière politique. Elu député de la Nièvre en 1946, il débute une carrière de ministre, tout en sappuyant sur la très influente Union démocratique et socialiste de la Résistance, qui lui assure une stature nationale dont témoignent ses passages à lOutre-Mer, à lIntérieur et à la Justice. Mais, dans la valse des ministères de la IVe République, son action apparaît en définitive bien peu originale. Et le jeune ambitieux qui rêvait de devenir président du Conseil se laisse surprendre par le délitement de la IVe République au moment de la guerre d'Algérie.
Le retour du général de Gaulle en mai 1958 lui offre loccasion de rebondir dans une opposition forcenée qui fait apparaître lapparatchik de la IVe République comme un homme de conviction, un résistant à la dictature gaulliste dont il dénonce en 1964 «le coup dEtat permanent» et la justice dexception dans les remous des affaires algériennes. Tout en dénonçant la nouvelle constitution, il nen réalise pas moins immédiatement le changement majeur constitué par le renforcement de la bipolarisation, prise de conscience qui lamène à se présenter comme le seul recours de la gauche dont il prend le contrôle des différents rouages jusquà lélection de 1981.
Dans une dernière partie, Guillaume Gros sattache à ramasser le bilan dun «socialiste à lElysée», évoquant tour à tour la «présidence impériale» des premières années, les grandes réformes du premier septennat, dont les mesures économiques des premiers mois sont ramenées à leur juste proportion, essentiellement symbolique, et les grands travaux mais aussi les affaires et ses rapports tendus avec les médias. Il termine par un développement plus circonstancié, à partir de louvrage capital dHubert Védrine, des rapports de François Mitterrand à lEurope et au monde.
Le format imposé par la collection dirigée par Eric Alary ne permet pas de comparer ce François Mitterrand aux sommes biographiques ou travaux des essayistes et historiens de ces dernières années. Il offre, en revanche, un ouvrage de synthèse solidement documenté sur la base d'une bibliographie récente construit autour de 10 questions complétées par trente encadrés. Ceux-ci, tout en facilitant la lecture, proposent des mises au point sur nombre de sujets, de René Bousquet à la peine de mort, en passant par «lattentat» de lobservatoire, l'Algérie, Le Coup d'Etat permanent ou le discours à la Knesset en 1982.
Au final, cette synthèse contribue à rendre lisible un parcours politique devant lequel, quoiquon en ait, il est difficile de ne pas saluer la constance et la pugnacité.
Jean-Baptiste Bruneau ( Mis en ligne le 04/12/2012 ) Imprimer
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