| Grégory Auda Les Belles années du ''milieu''. 1940-1944 - Le grand banditisme dans la machine répressive allemande Editions Michalon 2013 / 21 € - 137.55 ffr. / 253 pages ISBN : 978-2-84186-678-6 FORMAT : 15,5 cm × 23,8 cm Imprimer
Diplômé dhistoire et de sciences politiques, Grégory Auda a travaillé au service des archives de la préfecture de police de Paris. Il officie désormais au ministère de la Défense. Il a écrit plusieurs ouvrages sur le banditisme, notamment Bandits et corses. Des bandits dhonneur au grand banditisme (2005). Les éditions Michalon viennent de rééditer son ouvrage de 2002 sur Les Belles années du «milieu» entre 1940 et 1944, qui a trait au grand banditisme dans la machine répressive allemande.
Ainsi que le rappelle demblée lauteur, les connexions entre les truands français et lenvahisseur allemand ont alimenté limaginaire de la société hexagonale après-guerre. Nombre de films ont en effet évoqué cette douloureuse question. Cette tendance a été renforcée par le fait que lon a retrouvé beaucoup danciens de la Carlingue, c'est-à-dire la clique de la rue Lauriston, notamment dans les rangs de la ''French connection'' et du Service daction civique (le tristement célèbre SAC). Dans cet ouvrage, Grégory Auda sintéresse exclusivement à lhistoire de la Gestapo française de la rue Lauriston.
Durant ces sombres années, le pouvoir a soutenu diverses structures criminelles extrêmement organisées. Lauteur rend compte de la façon dont ces réseaux occultes naissaient, se développaient et uvraient. Croyant servir lavènement dune Europe nouvelle, se détournant à la fois du communisme et du capitalisme, certains Français servirent de supplétifs à loccupant nazi qui, en réalité, accaparait lessentiel des ressources des pays vassalisés au profit exclusif du IIIe Reich. En effet, derrière le discours de la collaboration franco-allemande se dissimulait le pillage et la ruine des vaincus, même si de nombreux soldats de cette «armée du crime» navaient aucun idéal politique.
Il est vrai que daucuns se tenaient pour des «enfants du malheur», entrés dans la pègre du fait des affres de la crise économique. Beaucoup devinrent ensuite des «criminels dhabitude», des récidivistes et des professionnels du crime. Les Allemands, nouveaux maîtres du pays dès 1940, offrirent «aux réfractaires, aux marginaux, aux voyous, aux déclassés et autres relégués la possibilité de prendre leur revanche, doccuper les meilleures places et daccéder aux honneurs». Lune des raisons pour lesquelles les Nazis eurent besoin de tels supplétifs, cest leur manque en hommes du fait de la multitude et de la nature des missions (renseignement, spoliation, lutte contre le marché noir, pillage, répression) quils se fixaient.
La Gestapo française comprenait certes beaucoup de Français, mais aussi des étrangers dorigine italienne, polonaise, maghrébine, géorgienne, arménienne, etc. Les profils variaient considérablement, la plupart étant attirée par la promesse dargent facile. Souvent, seul lappât du gain dictait la collaboration avec loccupant. Tous nétaient pas nécessairement des thuriféraires de la supériorité allemande ou bien des antisémites, comme le souligne lauteur. On y trouvait des truands, des personnes du monde de la nuit et du spectacle, des sportifs, des étudiants, des médecins, des coiffeurs, des garagistes, etc.
En enrôlant de la sorte des figures éminentes du milieu, les Allemands réalisaient une excellente opération : «en domestiquant ces redoutables loups, ils disposaient de chiens de garde féroces et obéissants, organisés en meutes dressées à la traque et à lattaque». Dune certaine façon, ils neutralisaient leur possible hostilité et ceux-ci servaient leurs intérêts. De plus, grâce à leur connaissance extrêmement fine de la France parallèle et à un maillage très dense du territoire, ces truands permettaient aux Allemands de récolter énormément dinformations fiables et de faire beaucoup dargent. Pour ce faire, la Carlingue avait tout droit. Les bandits de la Gestapo française pouvaient commettre tous les méfaits, du vol ordinaire aux crimes sanglants, les Nazis leur assurant une totale immunité.
Une enquête à lire !
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 19/02/2013 ) Imprimer | | |