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Histoire & Sciences sociales  ->  Période Contemporaine  
 

Education et égalité des sexes
Malie Montagutelli   L'éducation des filles aux Etats-Unis - De la période coloniale à nos jours
Ophrys - Civilisation Ploton 2003 /  14.50 € - 94.98 ffr. / 191 pages
ISBN : 2-84120-201-1
FORMAT : 15x21 cm

Agrégé et docteur en Histoire, Adrien Lherm est maître de conférences à l’université de Paris IV où il enseigne la civilisation des Etats-Unis. Il est l’auteur de La culture américaine (Editions du Cavalier Bleu, 2002).
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Après avoir fait paraître en 2000 une très utile Histoire de l’éducation aux Etats-Unis (Belin), Malie Montagutelli poursuit son approche du sujet en signant un nouvel ouvrage, L’Education des filles aux Etats-Unis. Comme cette spécialiste le souligne, son opus se veut «une histoire prise sur le vif», qui présente et balise un domaine particulièrement méconnu – pour ne pas dire mal compris et déformé, parce que par ailleurs très largement absent de la production éditoriale en France : l’espace foisonnant par sa diversité du système éducatif américain, le récit de sa mise en place et de ses évolutions, celui, traité à bon droit comme une épopée, de sa conquête par les femmes, élèves, étudiantes, enseignantes et même responsables administratives, enfin un état des lieux en 2002, d’où il ressort que l’avance initiale des Etats-Unis n’a pas abouti à une pleine et entière égalité entre sexes. Le tout est illustré de textes (en anglais) qui font entendre les voix qui se sont élevées et les grands débats qui ont eu lieu, et accompagné d’éléments statistiques mettant en évidence les progrès effectués en matière de traitement comme les disparités qui demeurent.

L’auteur commence par brosser le panorama du système éducatif américain : elle rappelle les diverses inspirations, motivations et modalités, qu’elles soient régionales, politiques, religieuses, ethniques, ou pratiques, qui ont présidé à son institution, souligne la rapidité de son développement, à mesure que la nation se construit, avant de faire rapidement son audit général et de pointer ses faiblesses au tournant du XXIe siècle (médiocrité du niveau persistante voire aggravée, pénurie de scientifiques, inégalités renforcées…). La mise en place de ce «décor», ou «toile de fond» est nécessaire, tant le fonctionnement de l’enseignement américain, par ses principes décentralisés, pluralistes, par son caractère de service public de proximité et son lien au marché sont susceptibles de déconcerter un lecteur français habitué à un tout autre modèle. Une fois cet ensemble de différences fondamentales établi, M. Montagutelli met en scène les différentes étapes d’une histoire qui voit les filles et les femmes d’Amérique arracher le droit à l’éducation, investir établissements, salles de classe, universités, bureaux et pupitres, et même syndicats, enfin, fortes de ces victoires, s’efforcer de transformer leur image et leur place au sein de la société.

En effet, comme ailleurs dans les pays occidentaux, les femmes américaines se sont vues longtemps barrer l’accès à l’éducation. Les choses changent quelque peu avec la révolution, qui font d’elles les Mères de la république. Reste que la question de leur infériorité se pose encore et toujours : doit-on les instruire ? Les expériences d’enseignement font bientôt tomber ces préjugés : il apparaît qu’elles réussissent aussi bien sinon mieux que les garçons. Encore faut-il qu’il y ait des classes pour les accueillir, c’est-à-dire aussi qu’il existe un système scolaire. C’est chose faite au milieu du XIXe siècle avec les progrès de l’instruction obligatoire publique, puis gratuite, mise en place progressivement par chacun des Etats de la fédération. Au reste, à cette époque, les filles sont presque aussi nombreuses que les garçons à fréquenter les bancs de l’école – dans des classes séparées, ou mixtes. Mais la coexistence ne transforme pas forcément les relations entre sexes. Au contraire, analyse l’auteur, les rôles respectifs n’en sont que mieux définis, renforcés et reproduits. Malgré les récriminations de certains spécialistes, à la fin du XIXe siècle, l’enseignement secondaire lui aussi tend à la mixité. Au début du siècle suivant, jeunes filles et jeunes gens suivent ensemble ses cours.

Les mêmes ? Voire, car s’adressent aux premières des enseignements spécifiques destinés à les cantonner dans le rôle social dominant (de mère au foyer, ainsi de l’économie domestique), tandis que les seconds se professionnalisent tôt. Et le progressisme des réformateurs attachés à adapter l’institution aux élèves et aux évolutions de la société contribue à perpétuer ce schéma différentialiste jusque dans les années 1950. L’université quant à elle présente un paysage plus égalitaire, mais elle ne concerne encore qu’un très petit nombre, où les jeunes femmes demeurent minoritaires jusqu’au milieu du siècle. Les contestations des sixties, en particulier le mouvement pour l’égalité des droits et les revendications féministes qui s’en inspirent, font voler en éclats méthodes et contenus pédagogiques génériquement déterminés et ouvrent davantage les postes de responsabilité exécutive aux enseignantes. Pressions législatives, vigilance constante, relecture des manuels et même retour à des mots d’ordre anti-mixité : voici les dernières avancées – non dénuées parfois de contradictions – qu’entraîne cette génération de militantes.

Car il est bien question d’une conquête. Après avoir présenté celle des classes (élèves et étudiantes), M. Montagutelli s’intéresse à celle des postes (enseignantes). Elle montre que plus tôt qu’ailleurs, les Américaines élaborent et mettent en œuvre de véritables stratégies, s’engouffrant par exemple dans l’ouverture que représente la forte demande d’enseignants du primaire, quand les différents Etats mettent sur pied leur système d’écoles publiques. D’ailleurs, depuis 1860, elles sont plus nombreuses que les hommes dans le corps enseignant. Il est vrai que, main d’œuvre moins exigeante et coûteuse, elles permettent à ces derniers d’entrer dans d’autres carrières, jugées plus intéressantes, et que l’enseignement est la première profession qui se soit offerte à elles. A l’image d’Emma Willard, Catharine Beecher ou Mary Lyon dont l’auteur fait le portrait, elles n’en créent pas moins des réseaux de formatrices et ouvrent des écoles spécialisées, lesquelles, au cours du XIXe siècle, se muent en universités. En outre, en ouvrant le marché du travail en général et les besoins de l’institution enseignante en particulier, les guerres n’ont pas peu fait pour la promotion de l’éducation des filles aux Etats-Unis.

Les chiffres (résultats, fréquentation du supérieur, diplômes obtenus) montrent qu’aujourd’hui elles ont largement rattrapé leur retard. Il n’empêche : comme ailleurs dans le monde développé, les inégalités de traitement demeurent, en particulier pour ce qui est des matières (contingents faibles en sciences), de l’environnement (victimes de l’agressivité des garçons et potentiellement démotivées en fin de secondaire), des carrières et des salaires : si les femmes forment le gros des troupes, elles sont encore peu nombreuses à obtenir un poste de professeur titulaire à l’université ou à accéder à des fonctions exécutives ; en outre, leurs rémunérations restent inférieures de 25 à 30% en moyenne à celles des hommes ; bref, demeure un «plafond de verre», réel mais comme invisible, qui barrerait leur ascension, malgré les législations, l’évolution des mentalités et les compétences acquises. Aussi ce panorama alerte du combat pour l’éducation des femmes aboutit-il à la question toujours problématique de l’égalité entre les sexes.


Adrien Lherm
( Mis en ligne le 13/10/2003 )
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