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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Une grande figure chrétienne britannique revisitée | | | Jean Honoré John Henry Newman - Un homme de Dieu Cerf - Histoire 2003 / 25 € - 163.75 ffr. / 216 pages ISBN : 2-204-07286-9
L'auteur du compte-rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse sur "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II. Imprimer
Curieuse religion, ou plutôt confession, que cet anglicanisme au sein duquel a grandi John Henry Newman (1801-1890). Sortie de lesprit calculateur, libidineux mais aussi patriote on nous permettra cet anachronisme - du roi Henri VIII, cette Eglise nationale dAngleterre, pierre angulaire de lEstablishment, a tenté une sorte de synthèse du «catholicisme romain» (comme on dit là-bas) et du protestantisme. Sa division en courants très différents (Low Church et High Church) illustre cependant la difficulté de la tâche et explique au moins pour partie les crises terribles quelle traverse périodiquement. A lheure où le prince Charles - appelé peut-être un jour à en prendre la tête - sinterroge lui-même sur lopportunité de maintenir un système quil juge obsolète, tandis que lEglise anglicane est déchirée par la question de lordination des femmes et des homosexuels, louvrage de Jean Honoré peut contribuer à éclairer le public francophone sur la vie spirituelle britannique, finalement fort peu connue.
Lauteur - qui a déjà publié six ouvrages sur le plus célèbre des anglicans convertis au catholicisme, dont La Pensée christologique de Newman en 1997 nous présente ici une biographie dun genre particulier, puisquil sattache essentiellement à la vie intérieure de son personnage. Anglophone, il sappuie sur les nombreux écrits laissés par Newman ainsi que sur les pièces de son dossier de béatification (en cours), établi par le postulateur à larchevêché de Birmingham.
A quinze ans, en 1816, Newman connaît une «première conversion». Il se pénètre de la conviction de linfinie grandeur de Dieu et des limites humaines. Commence alors une longue quête spirituelle qui le conduit dans un premier temps à un engagement au sein de lEglise établie (diacre à léglise Saint Clément dOxford à partir de 1824). Langlicanisme est alors, hier comme aujourdhui, en pleine effervescence. En 1833 John Keble lance le «mouvement dOxford» pour lutter contre lassujettissement de lEglise au pouvoir politique et sa «langueur spirituelle» qui lui fait perdre les couches populaires.
Chez Newman ce désir de renouveau se traduit par un éloignement progressif de langlicanisme et une proximité de plus en plus grande avec lEglise catholique (notamment sous linfluence dun ami irlandais, le Dr Russel). Sa dévotion pour la Vierge Marie grandit. En 1845 la rupture est consommée, il se convertit au «papisme» en compagnie de ses disciples. Le voilà désormais habité par «lassurance et la joie sereine davoir atteint le port». Aux yeux de la plupart de ses compatriotes pourtant, il devient un paria, rejeté pour sa «trahison» de la «britannité». Jean Honoré montre bien comment la démarche de Newman fut difficile en un temps où lcuménisme nétait absolument pas à lordre du jour. Et de rappeler le véritable climat dhystérie anti-catholique créé presque au même moment par le rétablissement des archevêchés et évêchés catholiques par le pape, soucieux notamment de lencadrement des nombreux immigrés irlandais.
Il explique aussi très honnêtement les difficultés suscitées par certains catholiques par exemple par des convertis plus fougueux que lui, décidés à partir en croisade pour convertir lAngleterre, ou encore par certains courants de ladministration vaticane à celui qui entrait dans lEglise romaine avec des idées parfois dérangeantes et une tradition différente. Après lheure des épreuves viendra pourtant celle de la reconnaissance et de la consécration : en 1879 le pape Léon XIII le crée cardinal. John Henry Newman, que nous apprenons à connaître de lintérieur grâce à cet ouvrage, demeure comme une figure dhomme libre et nous rappelle que le XIXe siècle ne fut pas seulement le siècle du scientisme et de la déchristianisation mais aussi celui dun formidable renouvellement du christianisme.
Jean-Noël Grandhomme ( Mis en ligne le 05/12/2003 ) Imprimer
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