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Histoire & Sciences sociales -> Période Contemporaine |
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Du décalage entre réalité et perception en matière militaire | | | Bernard Schnetzler Les Erreurs stratégiques - pendant la Première Guerre mondiale Economica - Campagnes et stratégies 2004 / 19 € - 124.45 ffr. / 192 pages ISBN : 2-7178-4732-4 FORMAT : 16x24 cm
L'auteur du compte rendu: Agrégé et docteur en histoire, Jean-Noël Grandhomme est l'auteur d'une thèse, "Le Général Berthelot et l'action de la France en Roumanie et en Russie méridionale, 1916-1918" (SHAT, 1999). Il est actuellement PRAG en histoire contemporaine à l'université "Marc Bloch" Strasbourg II. Imprimer
Après avoir publié en 2003, déjà chez Economica, Les Erreurs stratégiques du Troisième Reich (nouvelle publication en 2004), Bernard Schnetzler, qui se présente comme «physicien, informaticien et historien», récidive avec une étude des grandes faillites stratégiques de la Première Guerre mondiale. Lauteur part du principe que ces tragiques erreurs qui se soldèrent à chaque fois, on le sait, par des dizaines de milliers de morts résultent dune incompréhension du phénomène de la guerre totale (à la fois très longue et immensément étirée dans lespace) et dune inadaptation aux formidables mutations technologiques de lépoque.
Jusquen avril 1917 en effet, les deux camps persistent à rechercher la «rupture» du front à lOuest alors que les combats de la fin de lannée 1914 ont démontré limpossibilité dy parvenir. Cest ainsi que Joffre lance des millions dhommes dans les offensives de Champagne ou dArtois en 1915 et que Nivelle, près de deux ans plus tard, envoie encore les fantassins du Chemin des Dames contre les canons et les mitrailleuses allemandes. Alors, inutiles ces hécatombes ? Criminels ces généraux ? La réponse nest pas si simple. Dans la guerre dusure, doux euphémisme pour désigner un type de conflit dont aujourdhui encore on tait le nom : la guerre dextermination, le «dernier quart dheure» est finalement resté aux Alliés car ils ont su «saigner» avec davantage de célérité ladversaire que celui-ci ne les a lui-même «saignés» (selon lexpression que le généralissime von Falkenhayn employa à propos de Verdun). Mais cette victoire ne fut quun triomphe à la Pyrrhus, comme le montre B. Schnetzler dans son analyse des conséquences des traités.
Le refus irrationnel de la défensive, attachée dans lesprit des Français à la défaite de 1870-1871 ; le désintérêt pour les fronts périphériques car «cest en France que les Français doivent gagner la guerre» sont autant de traits marquants des trois premières années du conflit. Il en va de même pour la pression de lopinion et des milieux politiques sur le haut commandement : Nivelle pouvait-il faire autrement que de lancer son offensive le 16 avril 1917 alors que les Français, euphoriques après lentrée en guerre des Etats-Unis, croyaient fermement quelle mettrait un point final à la guerre ? Sans doute pas, mais il aurait dû repasser à la défensive dès léchec initial.
Du côté allemand nombreuses sont aussi les erreurs dappréciations, les «occasions manquées» (titre dun célèbre ouvrage du général Hoffmann, lun des adjoints dHindenburg et Ludendorff sur le front oriental). Les Puissances centrales ont ainsi toujours manqué lexploitation immédiate de leurs avantages ponctuels, aussi bien en avril 1915 à lépoque de la première utilisation des gaz à lOuest quau moment des grandes percées en direction de Paris au printemps de 1918, par exemple. Surtout, elles ont sous-estimé les effets dévastateurs au point de vue diplomatique de la guerre sous-marine à outrance et elles ont négligé le char, instrument de la victoire des Alliés, nouveau vecteur de cette guerre de mouvement que les deux adversaires cherchaient à retrouver depuis plus de trois ans.
Noubliant ni la stratégie russe, ni le rôle nouveau de laviation et des premières doctrines demploi de cette arme désormais incontournable, lauteur nous livre ici un essai séduisant, qui pourrait certes être complété ou discuté sur certains points, mais qui contribue au renouveau actuel de lhistoire de la stratégie.
Jean-Noël Grandhomme ( Mis en ligne le 22/04/2005 ) Imprimer
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