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Images inconnues... à oublier | | | Daniel Costelle 8 mai 1945 - Images inconnues L’Archipel 2005 / 24.95 € - 163.42 ffr. / 255 pages ISBN : 2-84187-684-5 FORMAT : 17x24 cm
Lauteur du compte rendu : Mathilde Larrère est maître de conférences en Histoire contemporaine à l'université Paris XIII et à l'IEP de Paris. Imprimer
Le nouveau concept culturel-marketing-multimédia vise à sortir en tir groupé une émission de télé, le livre et le DVD. Ce fut le cas récemment pour les hommes de la préhistoire (Homo Sapiens, laventure de lhomme), en prime time sur France 3, décliné en trois versions livresques sur papier glacé, en plus du lincontournable DVD. Même chose pour les Survivants de Rothman. Avec le 8 mai 1945, le procédé est le même mais dans sa version light : diffusion du documentaire sur France 3, mais à 23 heures, parution dans une petite maison dédition (sans papier glacé !), et DVD. Reste à voir si cette relégation est le fait du trop plein iconographique et discursif sur la Deuxième Guerre mondiale, en ces temps de commémoration, ou de la qualité moindre du produit ! Les deux ?...
Le 8 mai est donc dabord un livre dimages (inconnues nous dit-on
). La moindre des choses aurait été davoir des images correctement reproduites ! Ici, dans le meilleur des cas, le tirage est grisonnant et desservi par la qualité du papier. Mais trop souvent, limage, pixellisée, est floue (comme cette affiche de Vichy, si mal reproduite, quon ne peut en lire le texte !)
Dautre part, lusage de ces images fera dresser les cheveux sur la tête de nimporte quel historien ou amateur sensé. On ne connaît jamais lorigine de limage, qui la prise, quand, où, pourquoi, dans quel but
Se côtoient ainsi, sans vergogne, des photos dHitler datant de lavant guerre, des images de larmée soviétique, de larmée allemande, des photos de propagande nazie, des films utilisés comme preuve au procès de Nuremberg. On est bien loin de léthique et de la rigueur de la discipline historique, et faire uvre de vulgarisation ne saurait en aucun cas justifier cela. On a là lillustration du mésusage des images darchives.
Louvrage cherche alors à jouer la carte de linédit. «Images inconnues»... Encore faudrait-il navoir jamais ouvert un livre dhistoire, jamais allumé la télévision pour avoir limpression que ces images le soient vraiment. Peut-être certaines sont-elles en effet inédites, parce quextraites de fonds négligés, mais inédit ne veut pas dire inconnu. Ces images des villes allemandes bombardées, de la Wehrmacht à bout de souffle, des camps de concentration, des populations libérées, ont été vues mille fois ; parce quelles ont été prises en photos mille fois, filmées tout autant
Ne résistons pas au plaisir de livrer largument phare du communiqué de presse. «Pour la première fois, Daniel Costelle apporte dans son livre la preuve irréfutable (de la mort dHitler) : la photo du corps dHitler carbonisé» !... Déjà, penser quil y a besoin de la preuve irréfutable de la mort dHitler tient vraiment de la fumisterie ! Ensuite, faire tenir lintérêt historique et loriginalité dun ouvrage dans la photo dun corps carbonisé et totalement méconnaissable est une escroquerie intellectuelle et commerciale !
En plus, les images sont accompagnées dun texte prolongeant la descente en enfer. Certes, lon apprend beaucoup sur la vie du petit Daniel Costelle, six-sept ans le 8 mai 1945, qui va au cinéma avec sa maman, qui a faim, qui lit les jolies lettres de son papa
En revanche, les commentaires historiques sont du domaine de lanecdote, du factuel, baignant dans un sensationnel de mauvais aloi, quand il ne sagit pas dune historiographie de vingt ans dâge, parfois inexacte, largement anticommuniste. Quand au 8 mai 45 à Sétif
inconnu ! Retournez aux photos de Capa et aux livres dhistoires ou de vulgarisation honnête !
Mathilde Larrère ( Mis en ligne le 23/05/2005 ) Imprimer
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