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Dossier : Paroles de poilus
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Alsaciens et Lorrains dans la Grande Guerre
Jean-Noël Grandhomme   Ultimes sentinelles - Paroles des derniers survivants de la Grande Guerre
La Nuée bleue-Editions de l’Est 2006 /  18 € - 117.9 ffr. / 221 pages
ISBN : 2-7165-0640-X
FORMAT : 15.5 x 22 cm

Jean-Noël Grandhomme est collaborateur à Parutions.com

L'auteur du compte rendu : archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié en dernier lieu : Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi, Champ Vallon, 2003.

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Dans le vaste champ historiographique ouvert par le regain d’intérêt pour la Première Guerre mondiale, Jean-Noël Grandhomme trace, de livre en livre, un sillon original. Tandis qu’au sein du monde universitaire s’affrontent ceux qui croient en l’adhésion, au moins passive, des masses aux valeurs martiales et ceux qui mettent l’accent sur la contrainte subie par les soldats acteurs et victimes de la boucherie, tandis que prévaut, dans le public, une mémoire essentiellement doloriste de la Grande Guerre, l’auteur d’Ultimes sentinelles explore cette époque avec un sens aigu de la nuance qui n’exclut pas la sensibilité et une profonde sympathie pour les hommes qui ont vécu le conflit mondial.

Ce sens de la nuance, ce refus de s’enrôler dans une des écoles universitaires antagonistes tiennent sans doute à ce que M. Grandhomme a étudié la guerre sous des aspects rarement envisagés par la majorité des historiens. Quand les Français s’intéressent prioritairement au front occidental, il a choisi d’abord d’étudier le théâtre oriental des opérations, et consacré un doctorat à l’action de la France en Roumanie et en Russie du Sud entre 1916 et 1919, travail remarquable nourri d’archives inédites, françaises et roumaines, mais aussi, allemandes, autrichiennes, suisses, belges et britanniques.

Tout en prenant de la distance par rapport aux sources françaises, M. Grandhomme a mené, dix ans durant, une vaste enquête orale auprès des survivants, nonagénaires ou centenaires, des armées de 1914-1918, dont Ultimes sentinelles offre un premier bilan. Le corpus ainsi constitué ne correspond pas au tableau ordinaire de la «mémoire combattante», car les témoins, originaires des provinces de l’Est, ont servi les uns sous l’uniforme français, les autres (plus nombreux) sous l’uniforme allemand. Le parcours de ces vétérans est souvent peu ordinaire : qui «affecté spécial» dans une usine qui se retrouve exposée aux bombardements, qui Lorrain combattant sur le front d’Orient, qui Alsacien s’engageant dans l’armée française, qui soldat allemand envoyé en Palestine. J.-N. Grandhomme est attentif à déceler les décalages entre mémoire nationale, plus ou moins officielle, et mémoire propre aux «marches de l’Est». Conscient des pièges de la source orale, il fait la part de l’expérience particulière aux individus, celle des confusions dues à l’âge, celle de la vulgate constituée au fil des années par la mémoire collective… et celle des attentes de l’enquêteur. Alsacien lui-même, l’auteur ne cache pas son émotion à retrouver dans sa mémoire familiale l’écho des souvenirs égrenés par les derniers anciens.

De ces témoignages de soldats, dont certains se sont sentis «à moitié français et à moitié allemands», au dire de l’un deux, ressortent des impressions complexes, qui invitent à prendre du recul par rapport aux actuelles polémiques entre historiens. Si tous les anciens s’accordent pour dire l’horreur de la guerre industrielle et celle, toute particulière, de la guerre de position, les impressions divergent quand il s’agit d’évoquer les rapports de l’individu avec les collectivités impliquées dans la guerre (famille, province, nation, armée). L’enthousiasme belliqueux est rarement mis en avant. Il est suppléé tantôt par un patriotisme raisonné, tantôt par le sens du devoir civique, tantôt encore par la simple résignation et l’obéissance à l’autorité. Les récits des dix-sept vétérans font sentir combien en la matière les généralisations sont imprudentes. Quant à la contrainte, elle a fréquemment été présente pour ces hommes volontiers tenus pour des traîtres en puissance : en 1918, le Feldwebel d’une unité de passage à Berlin dit à ses soldats originaires des provinces annexées : «Je vous préviens tous. Les Alsaciens-Lorrains sont connus comme déserteurs. Si on en prend un qui essaie de se débiner, il sera immédiatement fusill黅 Le même témoin qui rapporte cette anecdote ajoute cependant qu’aux yeux de ses officiers «nous étions tous soldats allemands, un point c’est tout». Un autre vétéran, qui servit sur le front oriental, dit simplement que, quand il mentionnait sa qualité d’Alsacien, ses interlocuteurs «comprenaient».

Souhaitons que les historiens qui se penchent sur les combattants du Premier Conflit mondial aient, eux aussi, le souci de les comprendre, plutôt que de les enrôler, post mortem, au service de modèles explicatifs de portée générale.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 30/03/2006 )
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