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Paris entre fin de siècle et Belle-Époque | | | Paul-Henri Bourrelier La Revue Blanche. Une génération dans l'engagement - 1890-1905 Fayard 2007 / 45 € - 294.75 ffr. / 1199 pages ISBN : 978-2-213-63064-9 FORMAT : 15,5cm x 24,0cm
L'auteur du compte rendu : Archiviste paléographe, Rémi Mathis est conservateur stagiaire des bibliothèques, en formation à lENSSIB. Il prépare une thèse de doctorat sur Simon Arnauld de Pomponne à lUniversité de Paris-Sorbonne, sous la direction de L. Bély. Imprimer
Bonnard, Vuillard, Toulouse-Lautrec, Vallotton et les Nabis pour les peintres ; Jarry, Mallarmé, Proust, Claudel ou Gide pour les écrivains ; Debussy pour la musique ; des prises de position politiques avancées, les plus prestigieux artistes de ce XIXe siècle finissant, de cette Belle Époque naissante, se sont croisés dans les couloirs de la revue des frères Natanson. Sil est des lieux où souffle lesprit, la Revue blanche en est très certainement.
Il y a un siècle environ, de jeunes gens, souvent issus du lycée Condorcet à Paris, se trouvent aux avant-postes du renouvellement artistique et littéraire. Autour de Thadée Natanson, aux origines juives polonaises, de ses deux frères et de sa femme Misia, séductrice et mondaine, jeunes artistes et écrivains se regroupent, les avant-gardes se constituent. Libéraux, cosmopolites, volontiers provocateurs, souvent attirés par la figure de Mallarmé, les jeunes poètes davant-garde viennent pendant près de dix ans faire les beaux jours de la revue, concurrente du Mercure de France ou de La Plume. Ouvert sur les littératures étrangères, le public français y découvre Nietszche, Thoreau ou les grands dramaturges scandinaves joués au théâtre de luvre.
La revue ne sintéresse pas seulement aux arts mais tente dêtre en phase avec les grandes questions sociales et politiques qui se posent alors. Elle accompagne son époque en accueillant des politiques (Blum, Péguy, Gaston Moch, Jaurès), des études économiques ou sociologiques. Une bonne partie de ses collaborateurs louchent du côté de lanarchisme, sous linfluence dun Félix Fénéon qui sera même inquiété par la justice. Mais La Revue blanche, (mauvaise ?) conscience du siècle finissant, est aussi une des premières à revenir sur la Commune, demandant à un grand nombre de témoins et dacteurs quel est leur regard sur lévénement ; elle attire lattention de lEurope sur le génocide arménien et dénonce le colonialisme. Cest bien sûr lors de laffaire Dreyfus que lengagement atteint son paroxysme non sans certaines ambiguïtés et que la figure de lintellectuel se développe véritablement.
Le livre, écrit par un ancien ingénieur des mines, héritier par sa femme dune partie des archives Natanson, embrasse lensemble des problématiques en lien avec une telle entreprise éditoriale, littéraire, artistique et politique. Revenant à grand renfort de détails et darchives sur chaque personne ayant un lien avec lentreprise, sur chaque événement de cette décennie dorée, P.-H. Bourrelier fournit une masse information gigantesque, ne laissant aucun détail dans lombre, résolvant chaque énigme de lhistoire de la revue.
Cet ouvrage dune très grande richesse est appelé à demeurer longtemps la référence sur un centre de pensée, un lieu de renouvellement, un pays dart, de littérature et de politique de tout premier ordre. Mine inestimable dinformations de première main sur cette période dintense renouvellement culturel qui mêle humour et créativité au pacifisme et à lengagement, il ne nous fait que regretter un peu plus un bouillonnement intellectuel qui na plus cours aujourdhui.
Rémi Mathis ( Mis en ligne le 19/03/2008 ) Imprimer
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