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Dossier : GUERRE D'ALGÉRIE
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Contre le vent de l'Histoire
André Rossfelder   le Onzième Commandement
Gallimard 2000 /  22.14 € - 145.02 ffr. / 677 pages
ISBN : 2-07-075855-9
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Le nom d'André Rossfelder, lorsqu'il est prononcé, est immédiatement associé à l'attentat du mont Faron qui visa le général De Gaulle en 1964. Une tentative d'assassinat du Général en raison de sa politique algérienne ? C'est alors toute une cohorte de "mots-valises" qui surgit : O.A.S., terrorisme, fascisme… Qui voudra demeurer les yeux couverts d'écailles ne doit alors surtout pas lire le témoignage d'André Rossfelder, qui sape les fondements de l'ordre intellectuel et idéologique établi. Qui connaît André Rossfelder n'en sera aucunement surpris : un tel ton est fondamentalement conforme au personnage qui, toujours, a refusé le vent de la conformité et la lâcheté des masses.

Quelques traits biographiques permettent de cerner l'homme. Issu d'une longue lignée de colons arrivés en Algérie dès après la conquête de 1830, André Rossfelder est né à Oran en 1925. A 17 ans, alors que la majeure partie de la population d'Algérie reste attachée à la personne du maréchal Pétain, André Rossfelder se rapproche de la résistance algéroise (incarnée par des hommes comme Henry d'Astier de La Vigerie, José Aboulker ou André Achiary) par l'intermédiaire de son ami Mario Faivre. Quand se déclenche le débarquement allié du 8 novembre 1942, André Rossfelder participe à la tentative de neutralisation des forces demeurées fidèles à Vichy. Il est arrêté. On le soupçonne d'être juif, comme le sont beaucoup de membres de la résistance locale. Il est aussi taxé de gaullisme et de communisme. Finalement, un officier l'accuse d'être en fait le lieutenant Cohen, personnage que ne connaît pas le jeune homme, mais qui est la bête noire de ses accusateurs.

On le conduit au poteau. Alors que beaucoup auraient baissé leur caleçon pour démontrer l'impossibilité morphologique de porter le nom de Cohen, André Rossfelder refuse d'entrer dans la logique dégradante de l'ennemi et attend la salve. Celle-ci, miraculeusement, ne retentit pas. Le débarquement réussit : fin d'un épisode.

Bien évidemment, André Rossfelder s'engage immédiatement et réussit à rejoindre les rangs d'une unité destinée aux chocs les plus durs et aux missions les plus audacieuses : le 1er régiment de chasseurs parachutistes. Tous les hommes du régiment rêvent de missions tout en souplesse, en audace, en rapidité. Mais la guerre fuit le régiment. Ce sont finalement le froid, la boue, la neige qui l'attendent, dans les combats obscurs et cruels des Vosges et d'Alsace qui, déjà, n'intéressent plus les Français libérés. C'est donc avec une certaine amertume qu'André Rossfelder, décoré et mutilé, regagne l'Algérie.

En 1947, il a 22 ans, il fonde une société d'exploitation pétrolière. Ici encore, ce n'est pas le souci du confort qui prévaut : le gisement de Guétérini est improbable, les finances sont délicates; pourtant, l'esprit pionnier, la passion et la conviction que l'énergie peut garantir l'avenir d'une Algérie que l'on sent vacillante, l'emportent sur tout autre considération. Mais les difficultés sont grandes et les appétits des concurrents aiguisés. Tout en conservant un oeil attentif sur la prospection et l'exploitation pétrolière, André Rossfelder réoriente alors son parcours: ce sera désormais la géologie marine et la recherche scientifique.

En 1954, "l'année où la terre trembla" suivant les mots de l'auteur, le F.L.N. déclenche l'insurrection. Point de réaction incontrôlée chez notre homme : les groupuscules de "petits blancs" qui se mettent en place ne sont point pour lui, l'ami des "Arabes", le partisan de leur émancipation progressive et de leur promotion politique, économique et sociale. Ses amis s'appellent Albert Camus, Emmanuel Roblès, Mouloud Feraoun, Jean Daniel, Mohammed Dib, mais aussi Jean Brune (cette diversité conflictuelle ne signifiant sans doute rien pour André Rossfelder pour qui l'amitié transcende tout naturellement les clivages politiques). En janvier 1956, il n'hésite pas à suivre son ami Albert Camus dans l'appel à la "trêve civile" que lance ce dernier. Mais il est sceptique: les boucheries du Constantinois en août 1955 ont atteint leur objectif et le fossé est désormais trop profond entre les camps et les communautés. Camus le comprendra très vite.

En 1958, la bataille d'Alger est gagnée, la frontière avec la Tunisie bouclée. Mais l'angoisse et la colère sont à leur comble chez les Européens, les Arabes tendent à se replier sur eux-mêmes. André Rossfelder aspire à une révolution: elle arrive au mois de mai quand Alger fait appel à De Gaulle, et surtout quand les deux communautés fraternisent sur le Forum d'Alger. Mais l'espoir s'effondre rapidement: le général De Gaulle inverse sa politique et le gouvernement négocie avec le F.L.N. Cela, André Rossfelder ne l'accepte pas : il participe alors à la révolte d'avril 1961 dont l'échec le conduit à la clandestinité.

Proche des chefs de l'O.A.S., il se considère cependant comme membre du C.N.R. de Georges Bidault et Jacques Soustelle. C'est au nom du C.N.R. qu'il entreprend l'attentat du mont Faron, dont l'échec le conduit in fine à s'exiler aux Etats-Unis d'où, jusqu'à l'heure du repos, il entreprendra de vastes explorations pour découvrir la géologie sous-marine de l'océan Pacifique.

Ce résumé biographique est nécessaire pour saisir la personnalité de l'auteur. Pourrait-il y avoir démonstration plus claire de son refus permanent du compromis et de l'abandon ? Résistant à l'heure du pétainisme dominant, combattant de l'Alsace et des Vosges à l'heure de l'insouciance parisienne, chef d'entreprise audacieux à l'heure ou l'on passe les examens de licence, ami d'anciens communistes et d'anciens monarchistes, partisan de la trêve et de la main tendue à l'heure du repli communautaire et de la terreur, antigaulliste à l'heure des accords d'Évian, C.N.R. à l'heure de l'O.A.S., André Rossfelder fut condamné à mort à trois reprises: par les vichystes, par le F.L.N. et par les gaullistes !

Autant de nuances, de refus et d'engagements ne pouvaient que rendre son témoignage passionnant. C'est chose faite, mais il est en outre essentiel. Essentiel à celui qui écrit l'histoire comme à celui qui en tire la philosophie. L'historien, en effet, ne manquera pas de faire son miel des multiples informations inédites, précises, inattendues qu'André Rossfelder nous apporte. L'histoire des épisodes aussi importants que la résistance en Afrique du Nord, le débarquement du 8 novembre 1942, les combats de la Libération, la recherche pétrolière en Algérie, la "trêve civile" de 1956, les révoltes de mai 1958 et avril 1961, les combats de l'O.A.S. et du C.N.R., sera à n'en pas douter enrichie par le Onzième Commandement. Le philosophe, quant à lui, est expressément invité à réfléchir, par exemple, sur la prédétermination individuelle ou sur le "sens de l'histoire" : le témoignage d'André Rossfelder ira à l'encontre de beaucoup d'idées préconçues comme, par exemple, celles développées par les tenants "bourdivins" de la "reproduction". André Rossfelder est-il un exemple à suivre ou une exception qui confirme la règle ?

Mentionnons enfin l'excellente plume de l'auteur Une langue parfaite se double d'un étonnant pouvoir d'évocation. Ceux qui ont connu l'Algérie trouveront dans le Onzième Commandement de quoi alimenter une certaine nostalgie. Certains passages semblent ainsi s'adresser aux cinq sens L'évocation des baignades au cap Matifou, des parfums de la ferme familiale, de la lumière d'Alger, mais aussi de l'humidité cotonneuse des Vosges, des manifestations algéroises chargées de tension, sont étonnemment parlantes.

A tous points de vue, le Onzième Commandement mérite donc de figurer en bonne place dans les bibliothèques. Surtout parce que c'est le précieux témoignage d'un homme authentiquement libre.


Guillaume Zeller
( Mis en ligne le 01/07/2000 )
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