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La guerre faite homme
Pierre Schoendoerffer   Patrick Forestier   La Guerre dans les yeux
Grasset 2013 /  20,90 € - 136.9 ffr. / 500 pages
ISBN :  978-2-246-78306-0
FORMAT : 14,0 cm × 22,5 cm

L'auteur du compte rendu : Gilles Ferragu est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris X – Nanterre et à l’IEP de Paris.
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On ne présente plus Pierre Schoendoerffer… Le cinéaste oscarisé (pour La Section Anderson) et récemment décédé (2012), avait livré quelques uns des plus beaux films et documentaires sur la guerre, une guerre représentée de manière intimiste par un homme qui l’a connue. Le Crabe-tambour, la 317e section, Diên Biên Phu, etc., sont autant de grands moments de cinéma que des témoignages, au plus juste, de ce que le conflit indochinois fut. Cinéaste mais aussi écrivain, journaliste, photographe, documentariste et, en guise d’aboutissement, académicien, Schoendoerffer est de ces figures habitées par une sorte de pulsion de témoignage et qui, avec tous les médias possibles, donnent libre cours à ce besoin.

Et son domaine, c’est la guerre. Dans un dialogue avec Patrick Forestier, grand reporter à Paris Match et autre arpenteur de conflits, Schoendoerffer revient sur son parcours, celui d’un jeune savoyard privé de guerre par son père en 1944, et qui s’engage sur un bateau en mer Baltique pour apprendre le métier de marin. C’est la première étape d’un parcours heurté qui, de l’Indochine au Vietnam, des geôles vietminh au Maroc et à l’Algérie, n’est jamais très loin des combats.

Et pour refaire ce chemin, Schoendoerffer discute avec Patrick Forestier, chacun se racontant et constatant, de souvenirs en impressions, une certaine communauté d’expérience. Patrick Forestier est, de fait, bien plus jeune, et le récit de sa jeunesse provençale, banale, est parfaitement oubliable… Mais le jeune journaliste est, tout comme son aîné, décidé à arpenter le monde, et part quant à lui vers l’Afrique, dans la guerre civile du Cabinda, avant un détour par le Cambodge post khmer rouge ou le Liban assailli par la Syrie. D’autres guerres certes, mais une seule réalité au final. Cela donne quelques moments touchants où ces vieux briscards évoquent la sensation éprouvée lors d’un déluge d’artillerie, la rencontre du premier cadavre, l’expérience de la mort imminente dans les geôles vietminh ou dans les rues de Brazzaville, etc. Une connivence aux allures de vieux touristes qui se remémorent les lieux mêmes qu’ils ont visités l’un l’autre, à vingt ans de distance.

La dimension de témoignage historique est, bien évidemment, récurrente : le cœur de l’ouvrage porte, logiquement, sur la guerre d’Indochine vécue par le caporal opérateur Schoendoerffer avec, comme un aboutissement, le long récit de Diên Biên Phu, un aperçu qui mérite le détour et éclaire le film de 1992 sur le sujet. On y croise quelques pointures du monde politique (Sihanouk) et militaire (les Bigeard, Bréchignac et autres). Mais à la guerre des militaires, où chaque risque est assumé, répond, comme un écho, celle des civils : les souvenirs libanais de Forestier témoignent ainsi de l’âpreté du conflit avec la Syrie. Surtout, s’instaure entre les deux hommes une certaine connivence qui est peut-être celle des survivants, chacun ayant bien conscience d’avoir eu, parfois, de la veine de s’en sortir. La connivence aussi de ceux qui ont choisi la plume, la photo ou la caméra pour dire la guerre et non la faire… et non sans tentation de-ci de-là de faire, effectivement, le coup de feu pour une cause qui leur paraissait juste. Le dialogue, à cet égard, entre l’acteur et le témoin, dialogue intime, en conscience, affleure, notamment chez Patrick Forestier, qui, du fait de ses propres expériences, évoque plus aisément les civils coincés malgré eux dans un conflit. De la compassion à l’empathie, et de l’empathie à l’indignation armée, il n’y a que peu de pas, et une tentation permanente pour celui qui fait profession d’informer.

Bref, les amateurs d’histoire contemporaine, voire immédiate, comme les fans de Schoendoerffer apprécieront ce long dialogue écrit et cette traversée du demi-siècle. Schoendoerffer y fait, une fois de plus la démonstration d’un beau talent de conteur, et son compère, Patrick Forestier, n’est pas en reste. On passera sur quelques bêtises, même si certaines sont étonnantes de la part d’un journaliste (p.70 : la «journée des casseroles» aurait sonné le glas d’Allende… ; c’est plus sûrement le coup d’Etat de Pinochet qui a rempli cet office !). Et l’on retiendra, après d’autres témoignages, le double récit de deux hommes de l’image en temps de guerre.

Passionnant, et éclairant.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 02/04/2013 )
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