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La Catholicisme aujourd’hui : crise ou reconversion ?
Emile Poulat   Dominique Decherf   Le christianisme à contre-histoire - Entretiens
Editions du Rocher 2003 /  20 € - 131 ffr. / 204 pages
ISBN : 2-268-04565-X
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Emile Poulat est l’un des grands spécialistes de l’histoire du
catholicisme. Auteur d’une thèse importante sur la crise moderniste qui
ébranla le monde catholique du début du XXe siècle (Histoire, dogme
et critique dans la crise moderniste
, Albin Michel, 1997), il a publié
de nombreux essais et études sur les questions religieuses. Citons
encore Les prêtres ouvriers. Naissance et fin (Cerf, 1999). Ce sont
les entretiens qu’a menés avec lui Dominique Decherf, auteur d’une
biographie intéressante sur Jacques Bainville (Bartillat, 2000), que les
éditions du Rocher publient aujourd’hui.

Au fil de la discussion, les deux hommes évoquent les sujets qui font
l’actualité du catholicisme. Avec la profondeur de vue que lui permet son
érudition, Emile Poulat aborde la question de la crise de la religion à
rebours des idées reçues et des catégories trop expéditives.
La grande problématique reste le rapport de l’Eglise à la modernité.

Emile Poulat explique que la crise moderniste déclenchée par Alfred
Loisy il y a plus d’un siècle ne fut pas l’épiphénomène intellectuel et
théologique que l’on croit. Si l’événement en tant que tel n’ébroua que
certains milieux parisiens et le Vatican, il fut comme le signe d’une
histoire bien plus longue, celle d’une confrontation du catholicisme à un
monde en voie d’autonomisation par rapport à lui. De Galilée à Darwin,
en passant par les Lumières et la Révolution, de la loi de séparation à
Vatican II, l’Eglise a progressivement perdu ce magistère politique, social
et intellectuel qui était le sien. Au temps de l’ébranlement, celui de la
Réforme, des Lumières, a succédé celui de la sécularisation et d’un
progressif confinement du catholicisme à la sphère privée. Le XXe siècle
serait celui d’une religion moribonde, d’un effondrement de la culture
catholique. Au terme d’un processus entamé au XVIIe siècle, Dieu n’est
plus une évidence. Est-il mort pour autant ?

Selon l’historien, la page ne doit pas être tournée aussi vite. Car à
l’évidence de Dieu a succédé celle d’une science dite «omnipotente»
mais ayant elle-même démontré ses apories. La raison et la science ne
pourront jamais affronter la question de la foi car il s’agit là de deux
sphères différentes et incommunicables.
En outre, le catholicisme n’a pas dit son dernier mot. Des signes
piochés dans les sondages et l’actualité font état d’une demande sociale
envers l’Eglise, pour son intervention dans la sphère publique. «Ne
nous étonnons pas si, tout rêve de restauration dissipé, une demande de
religion continue de travailler – à contre-histoire – la société qui nous
propulse dans l’inconnu, l’incertain, l’inquiétant et même
l’inacceptable»
(p.168), explique Emile Poulat.

Ces réalités restent masquées par un dialogue toujours impossible
entre culture libérale et culture catholique, incompréhension entraînant
l’aveuglement général sur les passerelles qui pourtant existent entre ces
deux univers.
Ici, Emile Poulat pose la question de ce qu’il appelle «le catholicisme
bourgeois»
, un catholicisme encore inconnu car peu visible et muet,
différent des expériences de la démocratie chrétienne ou du catholicisme
social comme de cette «bourgeoisie conquérante» pointée du doigt par
Charles Morazé, plus du côté de la modernité et du libéralisme que du
catholicisme et de son conservatisme.
Citant les travaux de Bernard Groethuysen (L’Eglise et la
bourgeoisie
, 1927), l’historien souligne cette existence d’une
bourgeoisie à la fois porteuse des idéaux libéraux et d’une culture
catholique s’adaptant, jusqu’à l’iconoclasme, à ce libéralisme. Il s’agit
d’un «type de catholicisme qui, par rapport aux positions officielles de
l’Eglises et à ses exigences, prend ses distances»
(p.107), une sorte
de «protestantisme intérieur» (p.118) qui échappe aux regards de
l’historien et du sociologue car il ne fait aucun bruit ; il ne se manifeste
pas.

Autrement dit, Emile Poulat demande de regarder le sort du catholicisme
en face, sans tomber dans le double écueil soit d’une exagération de la
guerre des deux Frances, soit de sa minimisation. La césure est toujours
présente dans notre société ; il importe d’en mesurer les réalités comme
les limites. «Je suis frappé par cette cécité du catholicisme français
sur lui-même et sur sa propre histoire. La crise moderniste est une page
qu’on ne veut pas regarder, la querelle entre Sillon et Action française
n’est toujours pas purgée, les illusions de l’Action catholique ne sont
jamais regardées en face ni d’ailleurs les ambiguïtés et les errances du
Ralliement. Plus largement, ce qui a été effacé, c’est un siècle de
contre-révolution catholique, distinguée de la contre-révolution politique
aujourd’hui identifiée à l’extrême droite»
(p.34), dit-il.

Ces entretiens amorcent donc un débat, des pistes de réflexion
nouvelles sur une des composantes majeures de notre vie sociale. Les
propos sont clairs et toujours l’occasion de rappels historiques
intéressants. Peut-être une connaissance de l’histoire du catholicisme
depuis deux siècles est-elle nécessaire pour lire ces dialogues.
Néanmoins, Emile Poulat rend compte simplement de ces problèmes et
controverses. La question théologique est évoquée de manière claire et
pédagogique, de sorte que l’ouvrage reste d’une lecture fluide et
agréable.

On ne peut que louer un traitement aussi serein et en retrait de
questions suscitant depuis deux siècles maintes polémiques et batailles
politiques.


Thomas Roman
( Mis en ligne le 03/08/2003 )
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