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Welles & Wells
Pierre Lagrange   La Guerre des mondes a-t-elle eu lieu ?
Robert Laffont 2005 /  22.00 € - 144.1 ffr. / 350 pages
ISBN : 2221104668
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«C’est vraiment l’expérience la plus extraordinaire… Je ne trouve plus mes mots… J’emporte le microphone avec moi tout en parlant… Je vais devoir interrompre cette description jusqu’à ce que j’aie établi une nouvelle position… Ne quittez pas l’écoute. Je reprends l’antenne dans une minute…» Imaginons la mine inquiète des Américains qui captèrent par hasard ces paroles haletantes sur la chaîne de radio CBS durant la fameuse nuit du 30 octobre 1938. Baladés d’intermèdes musicaux en reprises épisodiques du reportage exclusif, les auditeurs médusés apprennent tout d’abord qu’un météorite s’est écrasé aux alentours de New York, dans le patelin de Grovers Mill. Puis l’épouvante monte d’un cran quand, de la chose tombée du ciel, s’extirpe un être fantastique, en l’occurrence un tripode, qui n’a semble-t-il pour intention que de détruire tout ce qui l’entoure et de se gorger du sang de ses victimes.

C’est énorme, bien sûr. N’oublions toutefois pas que nous sommes encore à une époque où, sur le Vieux Continent, certain responsable de propagande affirme que plus le mensonge est gros, plus on y croit. L’histoire qui nous occupe ne relève cependant ni du canular ni de la volonté concertée de manipuler les masses. Il s’agit tout bonnement de l’adaptation sur les ondes de La Guerre des mondes de H.G. Wells, non pas sous forme de «dramatique», mais de chronique sur le vif. Les incrédules qui se donneront la peine d’aller consulter la programmation radiophonique dans le premier journal venu auront tôt fait de comprendre qu’ils ont affaire à une fiction. Pour nombre d’autres personnes, il en va autrement, et des coups de fil inquiets commencent à inonder les standards téléphoniques de CBS et des bureaux de police, qui s’empressent de démentir officiellement la pseudo invasion du globe. Quelques ménagères perdent réellement leur sang-froid, allant jusqu’à se rompre un bras en dévalant les escaliers de leur maison ou menacer de se donner la mort de crainte d’être molestées par un bonhomme vert malintentionné. Les choses en restent là.

Pourtant, cette méprise à grande échelle, et celui qui en fut l’initiateur, Orson Welles, passèrent à la postérité. La rumeur d’une panique collective sans précédent naquit, et ce dès le lendemain de l’émission, à cause du gonflement médiatique de l’affaire. De fait, il n’est plus possible d’évoquer la mémoire du mythique réalisateur de Citizen Kane sans l’identifier à un petit filou qui provoqua embouteillages, fausses couches, hystéries ou suicides, et qui, du bout de son micro, plongea dans une délirante anarchie ce grand et fier pays d’Amérique.

Pierre Lagrange restitue magistralement le cours des événements et fait clairement la part entre réalité et exagération. Oui, il y eut chez de nombreux auditeurs, malentendu, effroi et réflexe de survie ; non, Orson Welles n’a pas de chaos général et encore moins de mort sur la conscience suite à la situation extraordinaire qu’il aurait créée, malgré lui. Jour par jour, nous revivons la création du programme et, minute par minute, sa diffusion. Nous découvrons pourquoi des millions de personnes le prennent en route et dans quelle mesure il n’est mal interprété que par une fraction de la population. Nous suivons la réaction des forces de l’ordre, de la commission de censure, de l’équipe de production elle-même et des médias frénétiques le matin du 31 octobre, date à retenir comme étant celle du fait divers proprement dit.

L’originalité de l’enquête ici menée tient surtout au fait que ces simples citoyens, qu’on a complaisamment identifiés pendant plus d’un demi siècle à une foule incontrôlable, Lagrange refuse de les qualifier de naïfs. Selon lui, la frontière entre rationalistes et irrationalistes est moins claire qu’on veut bien le croire. Lagrange démonte en effet les rouages d’un discours préconçu à propos des réactions populaires, et démontre que les esprits soi-disant éclairés se sont pendant des décennies laissés emballer, voire aveugler, par «la rumeur de la rumeur». À ce titre, le chapitre regroupant un ensemble de citations journalistiques (de la presse américaine des années 30 à Libé et au Monde) pourrait servir à maints médiologues désireux d’exemplifier ce qu’il ne faut pas faire quand on prétend informer le public avec rigueur et sérieux.

Sous l’égide du philosophe Tarde, l’ouvrage est donc autant une démystification qu’un essai de psychologie sociale. Même s’il aurait pu être allégé de quelques détails superflus, il dénote chez l’auteur une culture encyclopédique en matière de SF et cerne avec clarté les origines, le contexte d’émergence et les retombées de ce hoax historique. À lire sereinement, en attendant de pied ferme les Envahisseurs…


Frédéric Saenen
( Mis en ligne le 19/09/2005 )
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