| Gordon Thomas Histoire secrète du Mossad - De 1951 à nos jours Seuil - Points 2007 / 8.50 € - 55.68 ffr. / 663 pages ISBN : 2-7578-0285-2 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Traduction de Hubert Tézenas et Mickey Gaboriaud. Imprimer
Au sein des divers services de renseignement, le Mossad jouit dune forte réputation, celle dune petite agence extrêmement efficace, spécialisée dans lhumint le renseignement humain , incarnation discrète de la loi du Talion à léchelle dIsraël. Si la collecte dinformations est sa raison dêtre, le Mossad sest également fait connaître pour des opérations dun autre genre : capture dennemis anciens ou récents, assassinats de terroristes ou de personnalités menaçantes (le terme est à évaluer dans le cas dun scientifique par exemple), guerre psychologique
Israël ne fait pas mystère de disposer dun bras armé et de pouvoir exercer sa vengeance hors des cadres légaux et autres souverainetés internationales contingentes. Lessence de la dissuasion réside dans la peur et à cet égard, le Mossad a su entretenir sa réputation. Voici lhistoire donc de «lInstitut de coordination», nom complet du Mossad, né en 1951 pour garantir au jeune Etat hébreu, dans la plus pure tradition biblique, une capacité de défense par la connaissance de lennemi.
Pour lamateur de thriller à la Littell ou à la Clancy, cette étude est un bonheur : dans un style parfois romancé mais incontestablement efficace, Gordon Thomas nous ouvre les armoires et lorganigramme du Mossad et de quelques services équivalents (les renseignements militaires, lAMAN
). Chaque chapitre tourne autour dune personnalité marquante de lagence, et de son implication dans un épisode de lhistoire secrète du monde depuis la naissance du Mossad, épisode raconté avec un sens certain de la mise en scène. Et les épisodes sont nombreux, tirés dune actualité qui nous est proche. On suit la traque et la capture dEichmann, lassassinat politisé dAbou Djihad et de Medhi Ben Barka, ou encore larrestation, du fait de ses révélations, de Mordechai Vanunu. Ce dernier trahissait de fait des secrets nucléaires eux-mêmes résultant dune opération compliquée montée par le Mossad pour sassurer des informations et de la matière fissile
Mais on voit également le Mossad piétiner allègrement les plates bandes des autres services, espionnant la CIA au risque de la crise diplomatique, manipulant certains acteurs de laffaire Lewinsky ou sillustrant dans lIrangate. Le professionnalisme ninterdit dailleurs pas les dérapages (comme lors de lassassinat en Jordanie dun leader de lOLP, assassinat raté qui aboutit à la libération de Cheikh Yacine), les erreurs monumentales (notamment loffensive du kippour, prévue par le Mossad et niée par lAMAN jusquau dernier moment) ou les échecs tragiques. Dans cet ouvrage vaste et riche comme un beau roman de John le Carré, on croise quelques personnalités de taille, les Rabin, Shamir, Arafat, Reagan, Sadate, Maxwell (compagnon de route surprise du Mossad)
. Et bien sûr, en guest star, Ben Laden, désormais incontournable: le «grand jeu» se pratique dans la cour des grands comme dans les arrières cours et autres recoins sombres. Sur fond de guerres arabes, de terrorisme, de question palestinienne, Gordon Thomas refait lhistoire à la lueur des services secrets.
Journaliste dinvestigation, lauteur sest fait une spécialité détudier le monde du renseignement et des espions, sans sacrifier à une vision romantique et stéréotypée, mais bien au contraire en mettant en lumière, sans passion, objectivement, les pratiques, légales et illégales, de la Raison dEtat et de ses agents. Cet ouvrage, publié une première fois en 1999, est donc une réédition augmentée lactualité, depuis 2001, limposait. Mais comme ses précédents ouvrages, la présentation déconcerte et rapproche plus dun roman que dune étude même journalistique : aucune référence ni darchives, ni de conversation, ni bibliographique
Certes, on croise à la fin une liste dinterlocuteurs, mais le lecteur est bien conduit à se demander sil ny a pas un peu divraie dans cette paille trop bien rangée. Un texte brut, sans note. Bref, le doute obsédant et légitime dès que lon cause renseignement se profile forcément à lhorizon de ce gros volume.
«Se non è vero, è ben trovato», disent les Romains : de fait, il y a peut être quelques facilités, quelques affabulations
Mais au final, louvrage est passionnant, comme un beau thriller bien informé dans le genre de ceux que Littell (père) consacra à la CIA. Bienvenu dans le monde des katsas, des kidons, des sayanim
un monde à la fois proche et éloigné au parfum de mystère. Et si cétait vrai ?
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 12/02/2007 ) Imprimer
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