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Histoire & Sciences sociales -> Temps Présent |
| Guillaume Mouralis Une épuration allemande - La RDA en procès (1949-2004) Fayard 2008 / 26 € - 170.3 ffr. / 428 pages ISBN : 978-2-213-63537-8 FORMAT : 15cm x 23,5cm
L'auteur du compte rendu : Historien des relations internationales à Sciences Po Paris, Pierre Grosser est directeur des études de linstitut diplomatique du ministère des affaires étrangères. Imprimer
Cet ouvrage, issu dune thèse de doctorat, sinscrit dans des interrogations très actuelles : dune part la gestion du passé communiste en Europe de lEst, qui a suscité récemment en Pologne des soubresauts importants, et dautre part la question de la justice «transitionnelle», laquelle est devenue un tel enjeu quelle a mené à la création dune revue anglo-saxonne spécifique. Le cas est-allemand est spécifique, puisquil ne sinscrit guère dans cette «mode» de la justice transitionnelle, malgré les demandes de «tribunal moral et politique» provenant des anciens «dissidents» de RDA, et a donné lieu à un traitement pénal pour 110 000 individus ; dans lensemble toutefois il sest agi plus d«élucider» que de punir.
Dans son travail très fouillé, lauteur insiste sur un certain nombre de spécificités de lépuration est-allemande. Dabord, elle a débuté en 1989 dans le cadre même de la RDA, et fut un moyen pour les «dissidents» dinvoquer le droit contre lEtat, quil sagisse des violences policières lors des manifestations, daffaires de corruption et dabus de pouvoir, et surtout de fraude électorale lors des élections de 1989. Le Parti communiste lui-même procéda à des épurations pour essayer de se donner une nouvelle légitimité. Ensuite, à partir de 1990, lépuration a été menée avant tout par des juges de lOuest, puisque la profession juridique à lEst a été rapidement «décimée». Elle ne résulta pas dune demande sociale, puisquil y eut peu de plaintes. LEtat ouest-allemand ne put obtenir lamnistie des membres des services secrets, et dune manière générale il y eut refus damnistie et des gels successifs de la prescription. Le système judiciaire eut une grande autonomie dans ses pratiques, et il bénéficia de moyens considérables - ce qui est une nouvelle spécificité allemande.
Enfin, et cest un des aspects les plus novateurs de louvrage, il apparaît que cette épuration était préparée depuis longtemps. Une «commission denquête des juristes libres» fut établie dès 1949 pour rassembler des éléments sur les crimes communistes. Cette documentation fut réutilisée par lagence judiciaire centrale de Salzgitter, créée en 1961 sous limpulsion de Willy Brandt. Dès 1963, un policier fut jugé pour «crime frontalier». De surcroît le vocabulaire utilisé pour lépuration daprès-guerre fut réutilisé : pour critiquer une «justice des vainqueurs», mais aussi pour étendre la notion de responsabilité qui avait permis de ne pas être trop sévère dans les années 1950.
Létude des pratiques judiciaires et des débats est très précise. Dommage quelle soit un peu déconnectée des débats plus larges sur l«absorbtion» de lEst par lOuest, et des réflexions sur la nature du système est-allemand.
Pierre Grosser ( Mis en ligne le 23/09/2008 ) Imprimer | | |
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