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Histoire & Sciences sociales -> Histoire Générale |
| Pascal Cauchy Collectif Dictionnaire de la Russie Larousse 2008 / 26 € - 170.3 ffr. / 507 pages ISBN : 978-2-03-584174-2 FORMAT : 14cm x 21cm
L'auteur du compte rendu : agrégé dhistoire, Nicolas Plagne est un ancien élève de lEcole Normale Supérieure. Il a fait des études dhistoire et de philosophie. Après avoir été assistant à lInstitut national des langues et civilisations orientales, il enseigne dans un lycée de la région rouennaise et finit de rédiger une thèse consacrée à lhistoire des polémiques autour des origines de lÉtat russe. Imprimer
Après avoir publié des ouvrages du même format sur la gauche, lextrême-gauche, la droite et lextrême-droite, mais aussi sur le communisme, la colonisation ou sur les Juifs, la collection «à présent» de Larousse édite un dictionnaire sur la Russie sous la direction de Pascal Cauchy, spécialiste de lURSS et secrétaire général de lécole doctorale de Sciences Po. Léquipe quil dirige comprend essentiellement des collègues de cette institution ou duniversités ainsi quune journaliste française basée à Kiev et une spécialiste des mathématiques, tous français. Louvrage se place dans la filiation dun dictionnaire du même éditeur datant de 1892, quand Larousse proposait déjà au public national de mieux connaître ce pays lointain et exotique alors allié improbable de la république française.
Entre-temps, la Russie est passée par les révolutions de 1905 et 1917, devenue après la guerre civile U.R.S.S. et (conformément à la prophétie du général de Gaulle) finalement redevenue (Fédération de) Russie. Mais la Russie de Poutine nest pas pour autant revenue après la chute du communisme à son état de 1892. Louvrage se propose de faire un état des lieux sur fond de perspective historique : car il faut bien le dire, il y a ambiguïté dans le titre, le nom Russie se prêtant à une polysémie sur le plan géographique et historique. A la lecture, cette «Russie» est avant tout celle des deux derniers siècles, impériale, soviétique et enfin contemporaine (post-soviétique). Les auteurs ayant jugé sans doute que le public attendait des éclairages synthétiques sur les questions du présent, ils ont réduit lhistoire ancienne slave, kiévienne, médiévale ou moscovite (avant le XVIIIe siècle) à des héritages culturels et des repères fondamentaux de la mémoire collective, donnant plus de place aux institutions, personnages et événements à mesure quon se rapprochait du présent. Conformément sans doute à lesprit de la collection et sûrement à lesprit «Sciences Po».
La structure de louvrage est la suivante. Une sorte de préface de 50 pages précède les articles du dictionnaire. La première partie (pp.7-30), «La Russie en questions», sinterroge sur quatre problématiques : «La Russie fait-elle partie de lEurope ?», «La Russie est-elle une puissance coloniale ?», «La Russie est-elle sortie de la Guerre froide ?» et «Poutine est-il le dernier des tsars ?» Une seconde partie présente les «temps forts» de lhistoire russe (pp.31-56), ses étapes fondamentales selon un découpage assez convenu et conforme à lesprit exposé plus haut mais pratique : «naissance et renaissance de la Russie» (des origines à lavènement de Pierre le Grand à la fin du XVIIe siècle), puis le XVIIIe siècle, enfin les tranches 1861-1917 (lempire après labolition du servage), 1914-1953 (la chute de lempire causée par la 1ère Guerre mondiale, la Révolution et la fondation de lURSS par Lénine et Staline), puis (après un saut sur un temps visiblement jugé «faible»
celui du socialisme réel khrouchtchévien et brejnévien avec sa gloire spatiale, sa position de grande puissance et sa stagnation) la perestroïka et la fin de lURSS (1985-1991).
Ces résumés de lhistoire russe et soviétique sont classiques et ne prétendent pas à loriginalité. Lhistoire ancienne et moscovite y est expédiée en deux pages (on ne saura rien sur le vaste débat, obsédant, concernant la genèse du premier peuple russe et de son État, la Rous, par exemple, Riourik et les Varègues font une passage furtif page 271 et si le nom dOleg apparaît quatre fois en index, il ne désigne le second prince fondateur que sur une ligne du même article «Kiev»), Novgorod ne figure pas dans lindex et la christianisation sen sort mieux (il y a aussi plus loin un article sur saint Vladimir et un autre sur licône ou un passage sur lart religieux) ; en revanche le propos est assez géopolitique, politologique libéral (un peu soviétologique) avec une connotation qui semblerait sûrement assez ethnocentrique et typiquement occidentale à bien des Russes, mais cest la pente naturelle du genre.
Le dictionnaire commence à proprement parler à la page 57. Les articles touchent à des domaines variés, de la vie quotidienne aux arts (échecs, vodka, cinéma, etc.), même si la politique a la part du lion. Pour donner une idée du contenu voici ce quon trouvera à la lettre A: «(Guerre d) Afghanistan», «Alexandre II», «Alexandre Nevski», «Allemands», «Alphabet russe, cyrillique», «Âme slave», «Anarchie», «Affaire Anastasia», «Archives», «Armée rouge», «Asie centrale», «Automobile», «Aviation», certains articles étant beaucoup plus développés que dautres (ainsi «Armée rouge» ou «Asie centrale», qui sont de petits cours universitaires), tandis que dautres («Anastasia» , plus loin «Chachlik» à propos de brochettes de viande) ont un côté quelque peu anecdotique (pour Anastasia, quelques lignes dans larticle sur Nicolas II ou lémigration auraient suffi, selon nous).
On peut regretter labsence darticles qui nous semblent autant dactualité que dimportance : sur des penseurs russes aussi importants pour la conscience nationale avant 17 et après 1985 que Berdiaev (cité quatre fois certes) et Danilevski ou Leontiev (oubliés) ; sur le thème des origines, de lethnogenèse, des racines slaves, byzantines, de lidentité orthodoxe, un élément récurrent du discours ; sur l'état national ou multinational et sur lidée de la «voie russe» spécifique (réelle, fantasmée ?)
Certains sujets sont abordés de façon allusive et auraient pu faire lobjet dun article de synthèse. On aurait pu aussi ouvrir davantage les perspectives et expliquer ainsi la politique russe ou les débats de la société : ainsi sur la Sibérie, où manquent, à notre sens, tant quà valoriser la géopolitique, lexposé des enjeux géostratégiques actuels de ce territoire et lhypothèse réaliste dambitions chinoises
Bien entendu le format implique la sélection et le public trouvera ici beaucoup dinformations utiles et des exposés clairs, ainsi quune raison dapprofondir (malheureusement la bibliographie est très limitée et manque de variété dans son approche de sujets en débats ; à notre époque, on pourrait au moins indiquer quelques classiques étrangers). Louvrage comporte un index pour se repérer et est illustré par des cartes et reproductions de tableaux sur papier glacé en milieu de livre.
Nicolas Plagne ( Mis en ligne le 29/10/2008 ) Imprimer | | |
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