| Henri Minczeles Yves Plasseraud Suzanne Pourchier Les Litvaks - L'héritage universel d'un monde juif disparu La Découverte 2008 / 22 € - 144.1 ffr. / 319 pages ISBN : 978-2-7071-5342-5 FORMAT : 13,5cm x 22cm
Les auteurs du compte rendu :
Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Vauban : l'intelligence du territoire (2006, en collaboration), Les Ministres de la Guerre, 1570-1792 : histoire et dictionnaire biographique (2007, dir.).
Jean-Pierre Sarmant est inspecteur général honoraire de lÉducation nationale. Imprimer
Dans lEurope orientale davant la Première Guerre mondiale, les juifs ashkénazes se définissaient eux-mêmes, selon leur région dorigine, comme pollak, galizianer, rumeyner ou litvak. La «Litvakie» recouvrait les territoires actuels de la Biélorussie, de la Lituanie et de la Lettonie, et débordait légèrement sur les régions voisines de Russie, dUkraine et de Pologne.
Les Litvaks sont ainsi des juifs ashkénazes, qui utilisent ou ont utilisé les deux langues juives que sont lhébreu et le yiddish. Bien que la variante du yiddish parlée par les Litvaks puisse être distinguée par sa phonétique, la meilleure définition de leur communauté nest pas linguistique. Les Litvaks sont caractérisés par un destin historique commun. Comme leur nom lindique (litvak signifie en russe lituanien), ils sont originaires de Lituanie ; il ne faut toutefois pas entendre par là le territoire limité de la République qui porte actuellement ce nom, mais limmense grand-duché de Lituanie, territoire peuplé surtout de Slaves, qui sétendait au XVe siècle de la Baltique à la Mer noire.
Après avoir vécu ce qui est souvent considéré comme un «âge dor» dans le cadre de cet État relativement libéral, leur situation est devenue de plus en plus précaire à partir de linvasion cosaque de 1648. À lissue des partages qui de 1772 à 1795 ont abouti à la disparition de lÉtat polono-lituanien, les Litvaks sont devenus pour plus dun siècle des sujets de lEmpire russe. Séparés brièvement, à lissue de la Première Guerre mondiale, au sein des États nouveaux cités plus haut, ils se sont retrouvés pour la très faible proportion dentre eux qui ont survécu à la Shoah citoyens de lUnion soviétique après 1945. On comprend ainsi que, malgré une cohabitation avec lenvironnement russophone qui a été tout sauf paisible, les Litvaks aient été profondément influencés par la culture russe. À cet égard, on peut dire quun Litvak est un juif dont la langue européenne de communication est le russe (mais les «juifs russes», moscovites ou pétersbourgeois par exemple, ne sont pas tous litvaks).
La Litvakie appartient désormais à lhistoire. Au recensement de 1897, 1,4 millions de juifs pouvaient être considérés comme litvaks. Toutes les grandes villes de lactuelle Biélorussie avaient une population majoritairement juive, Vilna (capitale de lactuelle Lituanie sous le nom de Vilnius) comptait 41,5 % de juifs. On comptait environ 2 millions de litvaks en 1939. À partir de juin 1941, ceux dentre eux qui nétaient pas enrôlés dans larmée soviétique ont été, dès les débuts de lopération Barbarossa, les victimes des fusillades massives connues sous le nom de «Shoah par balles», avant que lanéantissement soit poursuivi et pratiquement parachevé dans les camps de Treblinka et dAuschwitz. En 1945, il ne restait plus que 60 000 litvaks dans leur ancienne aire de peuplement. Tout en stigmatisant la barbarie nazie, le pouvoir soviétique se refusait à honorer spécifiquement les victimes de la Shoah. Ce nest plus le cas depuis 1991, du moins officiellement, dans les États successeurs de lURSS. Si les communautés juives résiduelles ny jouent plus quun rôle marginal, elles sont dans lensemble sereines, malgré la survivance de formes dantisémitisme populaire, ravivées par le reproche fait aux juifs davoir été les «fourriers du communisme».
Qui a arpenté récemment les rues de Vilnius aura pu ressentir un certain malaise, tant les traces de la brillante vie juive davant-guerre sont difficiles à détecter dans ce qui fut la «Jérusalem du Nord». Cest plutôt à New York, à Buenos Aires ou à Sidney que lon rencontrera des groupes de descendants des Litvaks qui cherchent à entretenir lhéritage de ce peuple.
Louvrage ne fait pas que relater les divers aspects (situation linguistique, religiosité, militantismes) de lhistoire mouvementée du peuple litvak dans son environnement balte et slave. Il sapplique aussi à décrire, tant dans les arts que dans la littérature et les sciences, le riche héritage culturel de cette population qui aimait à se présenter comme lélite des communautés ashkénazes.
Jean-Pierre et Thierry Sarmant ( Mis en ligne le 23/12/2008 ) Imprimer
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