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Histoire & Sciences sociales -> Histoire Générale |
| Jean-Christophe Buisson Le Roman de Belgrade Le Rocher 2010 / 19,90 € - 130.35 ffr. / 257 pages ISBN : 978-2-268-06922-7 FORMAT : 15cm x 23,8cm
L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin. Imprimer
En exergue du dernier ouvrage de Jean-Christophe Buisson, Le Roman de Belgrade, se trouve une éloquente citation du cinéaste serbe Emir Kusturica : «Le problème de la Serbie et surtout ici, en son centre, à Belgrade, cest que pour lEst, on est à lOuest, et que pour lOuest, on est à lEst» (p.9). A limage de celle de la Serbie, lhistoire de Belgrade est pleine de bruit et de fureur. Louvoyant entre grandeur et chaos, «le nombre de fois où elle a été détruite oscille entre 28 et 33». Daprès lauteur, «lemplacement géographique de rêve (de la Serbie) lui valut un destin de cauchemar» (p.17).
Le propos nest pas sans rappeler ces «pays déchirés», à linstar de la Russie, de la Turquie et du Mexique, que Samuel Huntington a présentés dans Le Choc des civilisations comme «traversés» par des «frontières civilisationnelles» et par conséquent «divisés». Ce «manque de cohérence» a par exemple longtemps alimenté lantagonisme entre les occidentalistes et les slavophiles russes. Loin dêtre clos, le débat sur la nature profonde de la Russie a toujours cours : la Russie constitue-t-elle lun des multiples avatars de la civilisation occidentale, ou bien est-elle plutôt le parangon dune «civilisation orthodoxe eurasiatique» ?
En tant que «carrefour entre lest et louest dune part, entre le sud et le nord dautre part» (p.18), la Serbie et plus particulièrement Belgrade sont confrontées à de tels questionnements. Belgrade, écrit M. Buisson, «fut le point de passage obligé des Croisés se rendant à Jérusalem, comme celui des Ottomans à lassaut de lOccident chrétien. Bien malgré elle, Belgrade se retrouva dans la ligne de mire des quatre grands empires des ères moderne et contemporaine : autrichien, ottoman, nazi et soviétique on pourrait même en ajouter un cinquième, avec le bombardement de mars 1999 par les troupes de lOTAN sous commandement américain. Chaque fois, telles de consciencieuses fourmis, ses habitants séchinèrent à la rebâtir» (p.18).
Commençant par la fondation de la Ville blanche, lauteur évoque la façon dont Belgrade a traversé les âges : de son avènement en tant que capitale des Serbes entre les IXe et XVe siècles à nos jours (ou presque !), en passant par loccupation ottomane de 1456 à 1788 ainsi que par lépisode titiste. Plaisant à lire, louvrage permet non seulement de sadonner à létude de lhistoire mouvementée de Belgrade, mais aussi à celle de la naissance de la nation et de lEtat serbes.
On peut, toutefois, regretter que volontairement Jean-Christophe Buisson ne traite pas «les années noires» (p.232) qui ont suivi larrivée au pouvoir de Slobodan Milosevic. Sans nul doute, de telles pages «eussent été sombres comme une nuit dhiver au bord de la Save» (p.232). Mais, comme laffirmait fort justement Clémenceau à propos de la Révolution française, lHistoire est un «bloc». Il est dautant plus périlleux dentendre en sélectionner certains pans aux dépens dautres que la Serbie a vocation à terme à devenir membre de lUnion européenne. Ce nest probablement pas en occultant les turpitudes émaillant le passé du «creuset» (p.154) serbe que lon facilitera son intégration à lensemble communautaire. A cet égard, la spectaculaire réconciliation franco-allemande qui a suivi lapocalyptique Seconde Guerre mondiale est riche denseignements.
Alexis Fourmont ( Mis en ligne le 04/05/2010 ) Imprimer
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