| Jean-Pierre Bois La Paix - Histoire politique et militaire - 1435-1878 Perrin - Pour l'Histoire 2012 / 27 € - 176.85 ffr. / 648 pages ISBN : 978-2-262-03336-1 FORMAT : 15,4cm x 24cm Imprimer
Agrégé dhistoire et docteur en lettres, Jean-Pierre Bois est professeur émérite à luniversité de Nantes. Spécialiste de lhistoire moderne des relations internationales et de la société militaire, luniversitaire vient de publier un livre passionnant sur La Paix.
Parue aux éditions Perrin, cette enquête retrace lhistoire tumultueuse de la paix en Europe entre 1485 et 1878. Autrement dit, louvrage débute avec la Guerre de Cent Ans et le congrès dArras pour se clore avec la guerre russo-turque de 1878, que le congrès de Berlin a réglée. Le dessein de lauteur est donc ambitieux, tant il est vrai que la paix nest pas un objet de recherche habituel : si la guerre est en effet un thème récurrent de la recherche scientifique, tel nest pas le cas de la paix.
Mais quest-ce que la paix ? Quels sont les contours de cette notion ô combien évanescente et insaisissable ? Loin dêtre une pure fleur de rhétorique, la question se pose. Comme lindique à cet égard lauteur, «la paix nest pas la guerre. Elle est la paix. Sont-elles compagnes ou surs, lune est la fille ou la mère de lautre, chacune est-elle la moitié fidèle dun couple, guerre et paix, dont assez curieusement les historiens marient très généralement les deux termes non quand ils veulent parler de la première, mais de la seconde ? Du moins lune suit-elle toujours lautre, et lune et lautre sont assez constamment représentées ensemble» ; chacune renvoyant en quelque sorte à lune des faces de Janus.
La guerre est communément présentée comme le préalable à la paix. Souvent, la guerre est en effet entreprise en vue de la paix. De prime abord, lassertion parait certes paradoxale, mais elle a souvent été défendue. Tacite, Saint Augustin, Grotius, Richelieu et Fénelon se sont par exemple relayés pour affirmer quon ne guerroie que pour faire ou rétablir la paix. A cet égard, les congrès sont souvent apparus comme un formidable outil de paix. Dans cet ouvrage, lauteur revient sur la plupart dentre eux.
«La paix, écrivit Pierre-André Gargas en 1782, est le lien de la société des hommes, les délices de la Nature, la colonne des Lois, la tutrice des Arts, la conservatrice des Souverainetés, et la couronne des Victoires ; cest elle qui fait régner la Justice, qui cultive les Murs, qui rend tous les peuples utiles les uns aux autres par le moyen du commerce ; cest elle qui maintient chacun dans ses propriétés, qui change les peines en plaisirs, et qui ouvre de toutes parts des sources de félicité aux Empires (
). Enfin, la Paix est le plus riche de tous les présents que les Souverains puissent faire aux Peuples».
Assurément, cette définition de la paix est lyrique. Si cette définition «plait», comme lécrit Jean-Pierre Bois, elle se trouve être quelque peu abstraite et éthérée
En réalité, la paix est bien plus concrète que le laisse entendre Pierre-André Gargas. Cest en effet dans le cadre des traités que le contenu de la paix est déterminé. Ces processus renvoient toujours à la guerre, à laquelle ils mettent fin. Le décalage entre la guerre et la paix se répercute dans la production scientifique (dans les deux cas au profit de la première).
Pour arpenter lhistoire de la paix, lauteur opte pour «lapproche politique et diplomatique», laquelle permet de se concentrer sur le passage de la guerre à la paix, de la paix à la guerre ainsi que sur la question dune paix durable. Pour ce faire, avec force détails, Jean-Pierre Bois se penche sur larrière-plan social et culturel ainsi que sur les nombreuses variables (politiques, diplomatiques, économiques, morales) de ces processus.
Un ouvrage remarquable.
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 27/03/2012 ) Imprimer | | |