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Une économie sacrée
Sylvia Chiffoleau   Le Voyage à la Mecque - Un pèlerinage mondial en terre d'Islam
Belin 2015 /  23 € - 150.65 ffr. / 370 pages
ISBN : 978-2-7011-9367-0
FORMAT : 14,0 cm × 20,5 cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est responsable des collections de monnaies et médailles du musée Carnavalet après avoir été adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié, entre autres titres, Les Demeures du Soleil, Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (2003), Louis XIV.
Homme et roi
(Tallandier, 2012), Fontainebleau. Mille ans d'histoire de France (Tallandier, 2013).

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Les drames survenus à La Mecque cette année ont attiré l’attention sur les lieux saints de l’Arabie et sur le Hajj, le Pèlerinage, qui est un des cinq piliers de l’Islam. Le hasard a voulu que la parution du livre de Sylvia Chiffoleau coïncide presque exactement avec cette actualité tragique, dont il éclaire les antécédents historiques.

Les rites du pèlerinage sont fixés depuis treize siècles. À La Mecque, les pèlerins tournent autour de la Kaaba, la «pierre noire», censée avoir été construite par Abraham, puis courent sept fois entre les rocs de Safa et Marwa. Ils se rendent ensuite à une vingtaine de kilomètres de la ville, dans la plaine d’Arafat, pour une longue station diurne. Le lendemain, ils vont à Mina pour lapider une stèle qui symbolise Satan, retournent à La Mecque pour une dernière circumambulation autour de la Kaaba, et reviennent enfin à Mina. À Médine, deuxième ville sainte mais dont la visite n’est pas obligatoire, ils se recueillent sur le tombeau du Prophète.

Le Hedjaz, la région d’Arabie où se trouvent La Mecque et Médine, a cessé très tôt d’être le centre politique du monde musulman. Territoire désertique, il ne survit que grâce à l’économie sacrée engendrée par le pèlerinage. Soucieuses de prestige, les puissances dominantes de l’Islam – Mamelouks d’Égypte, Moghols, Ottomans – approvisionnent les villes saintes en argent ou en céréales importées de la vallée du Nil. Les caravanes des pèlerins venues du Caire ou de Damas animent des courants commerciaux importants. Le port de Djeddah reçoit les navires chargés de musulmans d’Inde ou d’Indonésie.

Sylvia Chiffoleau traite plus spécialement des pèlerinages effectués depuis les territoires soumis aux Européens aux XIXe et XXe siècles. Avec la généralisation du bateau à vapeur, le voyage vers La Mecque et Médine devient un phénomène de masse. Indifférents ou méfiants au départ, les colonisateurs hollandais, britanniques et français s’engagent peu à peu dans l’organisation du pèlerinage de leur sujets respectifs. Leur premier objectif est sanitaire, car le rassemblement de populations du monde entier dans le Hedjaz est identifié comme un foyer de diffusion des épidémies à partir de la pandémie cholérique de 1865. Le second objectif est politique : les puissances européennes redoutent la contagion des doctrines panislamistes auprès des pèlerins. L’expérience montrera que cette crainte était infondée. Le Hajj est un moment d’intense ferveur religieuse. Il se prête mal à une propagande politique qui doit passer par d’autres canaux.

Le pèlerinage a longtemps été accompagné d’une mortalité effrayante, aussi bien pendant le voyage qu’au cours du séjour dans le Hedjaz. Les pèlerins étaient souvent rançonnés par les bédouins, maltraités par les autorités, réduits en esclavage ou victimes d’épidémies faisant des milliers de victimes. Les chérifs de La Mecque, censés organiser le séjour des musulmans, s’illustraient par leur négligence ou leurs abus. Leur mauvaise gestion contribua d’ailleurs à la chute de la dynastie hachémite et à la mainmise des Saoudiens sur le Hedjaz à partir de 1925. Ces derniers rationalisèrent la perception de taxes sur les pèlerins et améliorèrent les conditions d’accueil en créant des équipements qui faisaient défaut jusque-là (abris, hôpitaux, citernes, abattoirs). Mais l’esclavage ne fut aboli en Arabie saoudite qu’en… 1962.

Alors que les empires coloniaux se défont, l’avion remplace le bateau à vapeur comme moyen de transport privilégié des pèlerins, dont le nombre décuple – quelques dizaines de milliers chaque année au XIXe siècle, plusieurs millions aujourd’hui. Le Hajj entre dans la troisième phase de son histoire, celle de la mondialisation. Si l’accès à La Mecque est plus aisé, les tensions demeurent : entre les Wahhabites, maîtres du Hedjaz, qui détruisent les tombeaux des saints et multiplient les gratte-ciels, et le reste de la communauté musulmane, entre sunnites et chiites, aujourd’hui comme hier, car l’Iran est plus que jamais ressenti comme le grand rival du royaume saoudien.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 18/12/2015 )
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