| Daniel Compère Collectif Dictionnaire du roman populaire francophone Nouveau monde 2007 / 39 € - 255.45 ffr. / 423 pages ISBN : 978-2-84736-269-5 FORMAT : 16,5cm x 24,5cm
Préface de Pascal Ory.
Lauteur du compte rendu : agrégée dhistoire et docteur en histoire médiévale (thèse sur La tradition manuscrite de la lettre du Prêtre Jean, XIIe-XVIe siècle), Marie-Paule Caire-Jabinet est professeur de Première Supérieure au lycée Lakanal de Sceaux. Elle a notamment publié LHistoire en France du Moyen Age à nos jours. Introduction à lhistoriographie (Flammarion, 2002). Imprimer
Les éditions du Nouveau monde ont lexcellente idée, après leur Dictionnaire du cinéma populaire français, de publier un Dictionnaire du roman populaire francophone. Cest à Daniel Compère, maître de conférences en littérature française à lUniversité de Paris III-Sorbonne nouvelle, par ailleurs animateur dune revue consacrée au roman populaire (Le Rocambole), quest revenue la charge de coordonner une équipe de 71 auteurs, dâge et dhorizons divers : milieu universitaire, mais aussi journalistes, historiens, littéraires, mathématiciens
Dans la préface, Pascal Ory sefforce de définir le genre : «sera donc posée ici comme populaire la production romanesque qui réunira les deux caractéristiques du succès public affiché et de la relégation symbolique dans les genres ignobles». Des encadrés offerts à des auteurs de roman populaire enrichissent le propos. Le champ est vaste puisque le choix est celui du roman francophone et inclut donc littératures belge et québecoise. Un cahier central de photographies ravivera quelques nostalgies et souvenirs de lecture ; il est intelligemment classé par genres : bandits et pirates, crime, cape et épée, espionnage
et fait la part belle à des auteurs (Alexandre Dumas, Paul Féval) ou à des collections (Bibliothèque rose, Fleuve noir
). Lillustration du roman populaire, limportance de la couverture pour attirer, séduire et retenir le lecteur est essentielle et les éditeurs y ont donc apporté un soin particulier. Une bibliographie, une chronologie (à partir de 1789), plusieurs index (auteurs, collections, genres, personnages) et une table des matières complètent lensemble. De surcroît, de nombreuses entrées comportent aussi une bibliographie.
Un dictionnaire, donc, que lon feuillette au gré de ses envies, de ses curiosités ou de la nécessité. On y rencontre sans surprise les entrées attendues ; auteurs : Jules Verne, Alexandre Dumas, Eugène Sue ou Simenon pour les classiques, Bernard Werber, Marc Lévy pour les contemporains, Paul Loup Sulitzer, Claude Michelet, entre les deux
; les collections «populaires» : les Bibliothèques rose et verte, Harlequin, Série Noire, Le Masque ; les personnages qui ont enchanté tant de lecteurs : Fantômas ou dArtagnan, Angélique, San Antonio ou SAS
Il y en a pour tous les goûts et tous les âges. Des lectures dapprentissage pour petites filles sages (la comtesse de Ségur, la Semaine de Suzette), ou jeunes garçons bien élevés (article Scout), des textes plus sulfureux (SAS), lindétrônable roman sentimental qui aide tout un public féminin à oublier la banalité du quotidien et assure un lectorat fidèle : lâge moyen des lectrices de Harlequin bascule doucement de la quarantaine à la cinquantaine, sans séduire les adolescentes. Des genres sont explorés sans relâche, génération après génération : le policier, le roman historique. Cinéma et télévision puisent à la source abondante du roman populaire pour fournir des scénarios et des auteurs.
Dans ce genre souvent décrié, les auteurs usent volontiers de pseudonymes, les femmes en particulier, et un article «Pseudonymes» avoue la difficulté à lever le voile
On explore la richesse de la production, on sinterroge sur le succès des uns et la disparition des autres : qui se souvient de Max de Veuzit ? Le roman populaire nest-il pas assez largement éphémère et condamné à sombrer dans loubli ? Alexandre Dumas ou Simenon, édités lun et lautre dans la Pléïade, sont-ils des auteurs de «romans populaires» ? Tel roman populaire peut être appelé à devenir un classique
Beaucoup dentre eux ont nourri ou nourrissent notre imaginaire.
Comme tout dictionnaire, louvrage a ses intérêts et ses limites. Des entrées stimulantes ou originales (mondes et civilisations perdus, parodie, détectives de létrange, machines fabuleuses
) invitent à aller plus loin. On se perd dans linventaire des «Oubliés des romans-journaux». La conception universitaire ouvre des pistes : robinsonnade, Hachette ou lecture populaire, traduction, ou encore le Journal des Débats. Comme pour tout ouvrage collectif, les contributions sont inégales mais lensemble est de bonne qualité. On découvre des auteurs, on en retrouve, les auteurs contemporains de romans populaires interviennent, bref un ouvrage désormais de référence. On peut sy promener au hasard des pages, y chercher un renseignement, se livrer à une enquête thématique, circuler dune entrée à lautre (on regrette un peu quil ny ait pas de renvoi en fin de notice ). Le roman populaire sort avec bonheur de cette entreprise éditoriale (et nécessairement partiale !), dont on peut espérer quelle contribuera à le réhabiliter en larrachant au double ghetto dans lequel on le cantonne volontiers : la littérature de jeunesse et celui du «roman de gare». Que le lecteur qui na jamais éprouvé lenvie décrire un roman populaire, si possible confirmé par lenthousiasme du public, lève le doigt ! Les éditeurs peuvent aussi engranger de confortables profits
Toutefois, à lire les commentaires savants qui depuis quelques années accompagnent la parution du tome annuel de Harry Potter, on voit bien que la littérature dite populaire na pas totalement droit de cité au Panthéon littéraire, alors que les lecteurs sy perdent avec délices. Puissent les 500 notices convaincre que le roman populaire est un genre littéraire à part entière !
Un ouvrage de référence qui peut intéresser des publics variés : les amateurs de littérature «populaire», les étudiants et enseignants en sciences sociales et humaines, en littérature, mais aussi un public plus vaste, curieux de retrouver des personnages familiers et de comprendre à quelle galaxie littéraire ils appartiennent.
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 20/11/2007 ) Imprimer | | |