| Jean-François Dubost Marie de Médicis - La reine dévoilée Payot - Biographie Payot 2009 / 30 € - 196.5 ffr. / 1039 pages ISBN : 978-2-228-90393-6 FORMAT : 14cm x 23cm
L'auteur du compte rendu : Matthieu Lahaye poursuit une thèse consacrée au fils de Louis XIV sous la direction du professeur Joël Cornette à lUniversité Paris-VIII. Imprimer
''La grosse banquière''. Cest ainsi quHenriette dEntragues, issue dune famille de vieille noblesse et en maîtresse jalouse, avait pris lhabitude de surnommer Marie de Médicis, reine de France depuis 1601. Jusquà lexcellent et volumineux livre de Jean-François Dubost, ce sobriquet donnait assez bien le ton à linfortune historiographique de celle qui allait sinstaller au cur du pouvoir après lassassinat du roi en 1610. Vaincue par Richelieu, lors de la journée des Dupes (11 novembre 1630), elle est restée aux yeux des historiens, non sans laide du cardinal, comme une bigote hispanophile dépourvue de jugement politique, véritable obstacle à ce qui apparaissait au XIXe siècle comme le destin français : labsolutisme.
Or lauteur montre combien Marie de Médicis, sans être une grande politique, comprit très tôt les tensions à luvre dans la société française. Dès le début de sa régence, elle essaya de formuler un consensus politique capable détendre lassise du gouvernement aux officiers, aux parlementaires, mais surtout aux Grands. Pour ce faire, jusquen 1616, elle tenta de préserver coûte que coûte lhéritage henricien : paix à lextérieur, pacification religieuse et politique à lintérieur grâce notamment à une étroite collaboration avec les réseaux nobiliaires. Seul le manque de coopération de certains, notamment de Condé (1588-1646), premier prince du sang, fit faire volte face à la reine. Avec laide de son favori, Concini (1575-1617), elle sengagea alors dans une politique résolue daffirmation de lautorité royale avant que son fils, le roi Louis XIII, ne mette fin à cette expérience en consentant à lassassinat de lItalien.
Exilée en avril 1617, mais vraie puissance politique, elle réussit à peser sur le gouvernement en fédérant les mécontentements. Remise en scelle en 1624, elle désirait ardemment continuer luvre entamée en 1616. Pour elle, le renforcement de lautorité du roi passait par le modèle théologique de Bérulle : unité de foi, réforme administrative et neutralité française dans ce que les historiens allaient bientôt appeler la guerre de Trente Ans (1618-1648). Très vite, elle trouva sur son chemin son ancien fidèle, Richelieu, convaincu de la nécessité de sopposer à lhégémonie espagnole. Désavouée par le roi, reléguée à Compiègne, fugitive pour la deuxième fois de sa vie, il lui restait encore à mourir loin de ce fils quelle aurait voulu dominer, à Cologne.
Toute la singularité de ce livre monumental réside dans la manière avec laquelle Jean-François Dubost éclaire les ressorts psychologiques à luvre chez Marie de Médicis. Pour lui, dès son arrivée en France, en 1601, cette princesse florentine chercha à acquérir de la légitimité. A cette fin, elle utilisa tous les outils symboliques de son époque et de son milieu : le mécénat, limaginaire monarchique ou encore les libéralités envers ses clients. En cela, lauteur rompt définitivement avec une histoire positiviste qui na pas encore perdu tous ses adeptes. Cette histoire avait accepté sans les critiquer les représentations sociales de lépoque qui considéraient lautorité moins comme un capital à acquérir, quun état octroyé par Dieu, la naissance ou le mariage. Or, les élites aristocratiques de la modernité, si elles étaient persuadées de la supériorité de leur nature, nen vivaient pas moins dans lenvie de la réaliser. Pas à pas, dans cette biographie, on assiste à la naissance dune reine, aux moyens quelle utilisait pour se faire obéir et in fine, aux raisons qui provoquèrent son déclin inexorable.
Ce livre est donc non seulement important pour lhistoriographie de Marie de Médicis, mais plus généralement pour le genre biographique qui donne là, grâce à lérudition et à lesprit de synthèse de lauteur, ce quil a de plus élevé. Ce livre est lun des meilleurs ouvrages dhistoire moderne de la saison 2008/2009.
Matthieu Lahaye ( Mis en ligne le 06/10/2009 ) Imprimer
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