Dominique Venner De Gaulle - La grandeur et le néant Le Rocher 2004 / 19.90 € - 130.35 ffr. / 304 pages ISBN : 2-268-05202-8 FORMAT : 14x23 cm Imprimer
Comme le reconnaît demblée lauteur (p.13), «il y a peu de personnages contemporains sur qui lon ait autant écrit» que De Gaulle. Il était donc à craindre que cet essai ne parvienne à se distinguer du lot des biographies plus ou moins autorisées du Général, lot dailleurs si important que lon en viendrait presque à craindre que ce grand disparu ne fasse de lombre à Nicolas Sarkozy.
Pourtant, dès lincipit, lhistorien Dominique Venner parvient à capter lattention du lecteur, par une accroche particulièrement habile : «À vingt ans, jai honni le général De Gaulle au point de vouloir le tuer. À quarante, je me serais presque pris à ladmirer. Aujourdhui, je minterroge». Dès lors, le lecteur sinterroge à son tour : comment un homme si proche de son sujet va-t-il pouvoir sen détacher suffisamment pour atteindre cette objectivité historique à laquelle il prétend ?
Force est de constater que Dominique Venner ny parvient pas, si tant est que cela ait été son intention. En effet, à lexception du dernier chapitre (soit une dizaine de pages sur 280), cet essai est construit comme un réquisitoire à charge contre un homme auquel lauteur reconnaît peu de qualités si ce nest (p.84) «une ambition et un culot vertigineux». Ainsi, après avoir rappelé la jeunesse maurrassienne de De Gaulle et sêtre attardé sur ses piètres états de service, Dominique Venner dresse le portrait dun homme rempli de sa propre grandeur, que le sort des peuples dEurope (et notamment du peuple français) indiffère souverainement et pour qui seul importe son rôle dans «ce grand théâtre, plein de fureur et de sang».
Dailleurs, plus que le portrait dun homme, cet essai semble être celui de ce grand théâtre que fut la Deuxième Guerre mondiale. En effet, après avoir critiqué les compromissions de De Gaulle avec lAngleterre de Churchill et lURSS de Staline, D. Venner sattaque aux mouvements de résistance. Cet exercice de démystification pourrait dailleurs être salutaire si son caractère excessif ne le rendait ridicule. Ainsi, lauteur ne consacre que quelques lignes à Jean Moulin pour le décrire comme un homme perfide et jaloux de son pouvoir. Quant aux Communistes, lauteur na pas de mots assez durs pour les décrire. En quelques pages hallucinantes (p.162 et suivantes), il décrit minutieusement lattentat du métro Barbès, commis contre un officier allemand, prenant soin de préciser que ce jeune homme avait deux petites filles avant dexpliquer benoîtement que les auteurs de cet attentat, désireux de mettre le feu aux poudres, agissaient selon un plan prémédité de «guerre totale».
Sensuit alors un étrange renversement de perspective, qui met sur le même plan les pressions subies par De Gaulle de la part de Churchill et celles subies par Pétain de la part des Nazis, et qui présente les Collaborateurs comme des hommes traqués par les Communistes au point que «pour ne pas se laisser tirer comme des lapins, certains présumés collaborateurs seront tentés de devenir les auxiliaires de la police allemande en échange dun port darmes et dune protection». Poussant plus avant son raisonnement, lauteur met sur le même plan (p.190) les lois racistes dexclusion des juifs et lexclusion, après la guerre, des «catégories de citoyens qui ne plaisaient pas», doux euphémisme pour désigner les personnes suspectes de collaboration.
Apparaît alors la face cachée de cet ouvrage qui, plus quun portrait de De Gaulle, semble être une tentative de réhabilitation de Pétain. En effet, lauteur développe longuement (p.130 et suivantes) la thèse de «la Résistance à lombre de la francisque» quil présente comme «la seule force de résistance capable de se développer de façon vraiment autochtone et autonome». Quant à Pétain, lauteur le définit comme un résistant sabritant derrière le «masque officiel de la neutralité» avant de finir injustement sa vie «dans une cellule lugubre et nue de lîle dYeu, choisie avec une attention proprement sadique pour que le prisonnier ne puisse jamais voir la mer»
Puis, en une cinquantaine de pages, Dominique Venner parcourt la période allant de 1945 à 1969. Il est dailleurs visible que cette période intéresse moins lauteur comme en témoigne la quasi-absence de notes et références qui contraste singulièrement avec la première partie de louvrage. Ainsi, il se contente peu ou prou de rappeler des faits historiques tout en les assortissant de réflexions de son cru (p.230) : «Ce fut la fin de lAlgérie Française, oui, mais aussi le début de la France Algérienne»
Enfin, dans le dernier chapitre, D. Venner résume son portrait comme celui dun homme «de tenue» (i.e. De Gaulle) qui a choisi de combattre dautres hommes «de tenue» (i.e. Pétain puis lOAS) en sappuyant sur la lie (i.e. les Communistes). Voici donc un essai parfois intelligent, notamment quand il est reproché à De Gaulle davoir sous estimé la force des idéologies, mais qui laisse un goût amer à trop jouer avec le feu.
Olivier Agnus ( Mis en ligne le 01/12/2004 ) Imprimer |