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Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
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Un Européen du XVIIIe siècle | | | Guy Chaussinand-Nogaret Casanova - Les dessus et les dessous de l'Europe des Lumières Fayard 2006 / 26 € - 170.3 ffr. / 497 pages ISBN : 2-213-62496-8 FORMAT : 14,0cm x 22,0cm
L'auteur du compte rendu : Historienne et journaliste, Jacqueline Martin-Bagnaudez est particulièrement sensibilisée aux questions dhistoire des religions et dhistoire des mentalités. Elle a publié (chez Desclée de Brouwer) des ouvrages dinitiation portant notamment sur le Moyen Age et sur lhistoire de lart. Imprimer
Imagine-t-on, lorsquon pense à Giacomo Casanova, un tout jeune ecclésiastique enflammant de ses prêches un auditoire vénitien suspendu à son beau parler ? Un espion de lInquisition, à son âge mûr, remplissant fidèlement sa tâche pendant huit années ? Un érudit bibliothécaire rédigeant soigneusement ses mémoires, au soir dune vie à lissue de laquelle il fera (en 1798) une mort chrétienne ? Si le patronyme de ce fils de comédiens, né à Venise en 1725, sest transformé en qualificatif général, cest bien sûr par linnombrable liste de ses aventures galantes et la désinvolture avec laquelle il avait lhabitude de rompre avec ses victimes (consentantes ou non) lorsquune quelconque attache lui semblait aller à lencontre de la philosophie quil avait érigée en règle de vie : satisfaire son aspiration au bonheur permanent.
Au fil dun récit strictement chronologique, lauteur de la présente biographie, grand connaisseur du milieu dans lequel a vécu son héros, nous fait parcourir à sa suite toute lEurope, et même les marges de lAsie lorsquil raconte son ambassade à Istanbul, en 1744-45. Il décrit, avec des traits parfois pittoresques, les diverses fortunes de Casanova, jouant tour à tour les rôles dhomme de lettres, courtisan habile, joueur impénitent, diplomate plus ou moins officieux, conseiller financier aventureux, industriel de la soie peinte, publiciste, homme de main prêt à participer à des enlèvements, etc. Avec, bien sûr, son amour «actif» des femmes en dénominateur commun, car les multiples et passionnantes facettes du personnage ne doivent tout de même pas occulter cet aspect des choses. Toutes sont bonnes à prendre, de la duchesse à la grisette, en passant par la religieuse. Ne manqua-t-il pas dépouser sa propre fille à Naples en 1761 ? Toutefois, souligne G. Chausset-Nogaret dès les premières pages de son livre, Casanova vit dans une société où viol et violence nentachent pas la réputation de lhomme.
Et avec cela, doté de tous les culots, dans tous les domaines. Philosophique : il ne craint pas de débattre avec Voltaire, qui ne dédaignait pas déchanger avec ce drôle de personnage. Médical : il réussit à convaincre une de ses victimes amoureuses quil lui fera passer le fruit de laventure en introduisant dans son sexe par sa verge le produit supposer abortif. Social : cet individu de basse extraction réussit à vivre dans la haute société, se faisant même passer pour noble sous le nom de chevalier de Seingalt. Économique : sans source de revenus, il mène grand train lorsque la fortune lui sourit et ne semble guère honteux des revers quelle lui inflige souvent.
Comment a-t-il pu mener cette vie agitée ? Cest bien là quapparaissent les ombres et lumières de son temps. En 1750, passant par Lyon, il est reçu et initié à la maçonnerie ; un état qui lui servira de passeport dhonorabilité dans bien des circonstances et bien des lieux, en tous cas dintroduction facile auprès de ses pairs européens. Et puis, à cette époque où la raison semblerait guider les comportements, règne chez certains grands personnages un attachement digne des plus anciennes superstitions pour les sciences occultes et la magie. Une opportunité que sut saisir Casanova. Se faisant passer maître en la matière, il sacquiert la protection à Venise du sénateur Bragadin, à Paris de la marquise dUrfé, une riche douairière laquelle, malgré léchec des cérémonies de «régénération» célébrées sur elle par Casanova, ne lui discuta jamais lettres dintroduction et argent. Passionnant personnage. Il côtoie tout ce que lEurope de son temps compte de célébrités : des souverains comme Louis XV, la grande Catherine, Frédéric II, et autres ; des «vedettes» historiques, tels le Chevalier dEon et le comte de Saint-Germain. Capable de crises mystiques, de dépression lamenant au bord du suicide en se jetant dans la Tamise, dattachements aussi chastes que rares, on en oublierait presque la centaine de femmes séduites et abandonnées.
Car cest bien lintérêt de cette biographie que de raconter toute la complexité de la personnalité de Casanova. La source utilisée est bien sûr le récit fait par le héros de sa propre histoire, rédigé en français sur la fin de sa vie lorsque, retiré en Bohême, il était bibliothécaire du comte Waldstein. Le procédé utilisé ici est celui dune succession des situations et déplacements de Casanova, procurant loccasion à lauteur de réflexions, de commentaires et dexposés érudits : lévénement posé donne lieu à de longues digressions historiques, parfois exagérément prolongées il faut le dire, au risque de casser le fil du récit. On notera dailleurs que lauteur porte sur la société européenne du XVIIIe siècle un jugement parfaitement pessimiste. Si les noms de personnes et comme elles sont nombreuses à croiser la route du séducteur font lobjet dun index détaillé et bien venu, on pourra regretter que G. Chaussinand-Nogaret se soit volontairement refusé à donner la moindre bibliographie. On appréciera toutefois le caractère strictement historique du livre.
Jacqueline Martin-Bagnaudez ( Mis en ligne le 23/05/2006 ) Imprimer | | |
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