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Histoire & Sciences sociales -> Biographie |
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Normande, éducatrice et missionnaire | | | Joachim Bouflet Mère Sainte-Marie - Henriette Le Forestier d'Osseville. Une éducatrice pour aujourd'hui Sarment Editions du Jubilé 2006 / 19 € - 124.45 ffr. / 349 pages ISBN : 2-86679-430-3 FORMAT : 13,5cm x 21,5cm
L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer, conservateur en chef aux Archives nationales, est professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment publié Fléaux et société. De la Grande Peste au choléra. XIVe-XIXe siècles (Hachette, 1999), et, récemment, un Richelieu chez Flammarion (2004). Imprimer
La couverture rappellera au familier de Parutions.com celle de la biographie de Louise de Condé par Claude-Alain Sarre. Avec Mère Sainte-Marie que nous présente aujourdhui Joachim Bouflet, nous quittons les princesses de sang pour la noblesse légitimiste de Normandie et, avec ces itinéraires en forme de variations sur le thème de la spiritualité monastique féminine, nous progressons dans un XIXe siècle religieux qui a toutes chances de paraître de plus en plus étranger à nos contemporains ; cest déjà dire lutilité den fixer la mémoire et den conserver les témoignages, et en lespèce lobjectif est pleinement atteint.
Une enfance protégée mais marquée par les morts dune sur et de son frère, ainsi que par linfirmité - Henriette dOsseville est bossue - trouve sa résolution dans une vocation tout aussi têtue que contrariée. En apparence facilitée par lappui que lui donne le comte dOsseville désireux de conserver sa fille dans un environnement proche, la fondation «sur mesure», sous les auspices de la «Vierge fidèle», dun couvent à la Délivrande près de Caen, lieu de la guérison miraculeuse dune autre de ses surs, se heurte pourtant à de multiples difficultés qui lui interdiront daccéder du vivant de sa fondatrice à une forme juridique stable. La rédaction des constitutions demeure la tâche inlassablement poursuivie et jamais achevée par Mère Sainte-Marie, dont la personnalité forte et paradoxale allie ces contraires que sont lobéissance poussée à lextrême et une volonté obstinée inlassablement poursuivie : cette volonté éducatrice mise au service des orphelines, qui anime Mère Sainte-Marie, se heurte à la volonté de puissance dun père spirituel autoritaire jusquau sadisme et dépressif jusquà lhystérie, qui la contrarie jusque dans les méthodes éducatives quelle entend mettre en uvre, mais se refuse à toute décision responsable : le Père Saulet, dont elle ne sera libérée que tardivement, en 1852, en passant dans la douleur sous la direction enfin compréhensive du Père Vesque, figure bienheureusement plus humaine qui, nommé évêque de Roseau, devra séloigner vers les Antilles anglaises entraînant à sa suite plusieurs surs vers la mission lointaine.
Auparavant, ces incertitudes juridiques navaient pas empêché la fondatrice de donner à son uvre un aspect apostolique et déjà missionnaire, soupape bienvenue aux empêchements qui lui étaient opposés tant par le Père Saulet que par lévêque de Bayeux, avec la création, en 1848, dun orphelinat à Norwood, première fondation de ce type intervenue en Angleterre depuis la Réforme. Aujourdhui, la Congrégation de Notre-Dame de Fidélité a la responsabilité dune quaizaine détablissements denseignement et de foyers détudiantes en France, Belgique, Angleterre et Italie.
Impeccablement documentée aux sources originales et inédites, la biographie de J. Bouflet, se garde fort heureusement de tout jugement et de toute hagiographie, mais présente à son lecteur, pour nourrir le récit biographique, un riche panorama de textes qui lui permettent dappréhender un monde de spiritualité mystique à la fois authentique et pathologique. On peut peut-être regretter quen complément de la vie de la fondatrice, quelques éléments dinformation relatifs à lhistoire ultérieure des établissements et des religieuses (nombre, origine sociale
) ne nous soient pas donnés pour mieux discerner lévolution de la Congrégation.
Cest bien sûr en fonction du contexte historique quil faut lire cet ouvrage et apprécier cet itinéraire spirituel en son temps. On y appréhendera une culture de linterdit et de labnégation qui faisait au surplus peu de cas des femmes, même en ce domaine de la vie spirituelle où elles étaient considérées comme devant être sous tutelle masculine, et qui se heurte chez Mère Sainte-Marie à une volonté moderne douverture, toujours suspecte à lautorité ecclésiastique, mais qui est pour elle comme pour sa fondation condition de survie. Une survie qui passe par des épisodes contrastés de miracles, de maux multiples et incessants, dépreuves et de dépression contenue par lobéissance et lactivité pour forger une trajectoire et une uvre qui laissent un certain sentiment dinachèvement résultant sans doute de cette difficile conformité décalée à son époque.
Louvrage de J. Bouflet trouve sa place dans une grande galerie de portraits, apportant une pierre de qualité à notre re-connaissance de ce catholicisme charitable, éducateur et mystique, fondateur dordres religieux et missionnaires du XIXe siècle qui nous est à la fois si proche et déjà si méconnu quil importe à lhistoire de le faire survivre à travers lévocation de ses personnalités marquantes.
Françoise Hildesheimer ( Mis en ligne le 19/07/2006 ) Imprimer
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