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Histoire & Sciences sociales -> Science Politique |
| Patrick Thierry Burke, le futur en héritage Editions Michalon - Le Bien commun 2010 / 10 € - 65.5 ffr. / 128 pages ISBN : 978-2-84186-528-4 FORMAT : 11,5cm x 18,5cm
L'auteur du compte rendu : Alexis Fourmont a étudié les sciences politiques des deux côtés du Rhin. Imprimer
Après avoir vigoureusement défendu les Insurgés américains contre ses compatriotes britanniques, Thomas Paine prit fait et cause pour la Révolution française. Dans son célèbre ouvrage Les Droits de lhomme, le Révolutionnaire Paine écrivit en 1791 que «la cause du peuple français est celle de toute lEurope, ou plutôt celle du monde entier ; mais les gouvernements de tous les pays ne lui sont aucunement favorables». Plus loin, lillustre pamphlétaire poursuivit sur Burke : «de tous les exemples dindécence et de malhonnêteté par lesquels les nations se provoquent et sirritent mutuellement les unes contre les autres, il ne sen trouve guère de plus extraordinaire que louvrage de M. Burke sur la Révolution de France».
«Il ny a point dépithète injurieuse que M. Burke nait vomie contre la nation française et contre lAssemblée Nationale. Tout ce que la colère, le préjugé, lignorance ou la science est capable de suggérer, continuait-il, se répand avec la violence dun torrent dans un volume de près de quatre cents pages». Pourtant, comme lindique Patrick Thierry dans son récent ouvrage intitulé Burke. Le futur en héritage, les choses ne sont pas si simples. En effet, Burke fut un véritable «penseur» que les Whig et les Tories appréciaient. Ce qui est plutôt rare outre-Manche et mérite donc une attention particulière.
LIrlandais ne sest pas cantonné à la philosophie politique, loin sen faut. Certes il a rédigé les célèbres Reflections on the Revolution in France, mais le brûlot contre-révolutionnaire nest quun pan dune uvre infiniment plus complexe. Laquelle a débuté en 1757 avec la publication dun Essai sur le Sublime et le Beau. L«homme de lettres» sest également penché sur limpérialisme britannique en Inde, la Révolution américaine et la question irlandaise. Il aspirait, relève P. Thierry, à un statut particulier dans la classe politique et auprès de lopinion. Ce qui passait par «lidentification à une figure vertueuse», i.e. celle de lhomme dEtat.
A cet égard, son modèle était Cicéron. A linstar de Robespierre, de Saint-Just et de bien dautres Révolutionnaires français, Burke tenait donc lAntiquité pour une source intarissable dinspiration. Un proche écrivit dailleurs dans sa correspondance quil «ne pouvait lui échapper, et [que] Burke ne souhaitait pas non plus le cacher, que le modèle à partir duquel il sefforçait de former son propre caractère en matière déloquence, de politique et de philosophie était Cicéron. Dans cette perspective, il agissait selon un principe dimitation qui restait général et, de mon point de vue, surpassait infiniment loriginal».
Sagissant de la Révolution française, Burke na eu de cesse de la combattre. Lauteur observe quil la considéra comme «un triple meurtre : elle est régicide, déicide (cest un athéisme «par établissement»), homicide (son «cannibalisme» lui fait dévorer ses propres enfants)». Il soutenait que le royaume de France nétait pas irréformable, car «un régime qui engendre la prospérité et la puissance, où la population croît, où les arts et les lettres et tous les signes dune civilisation raffinée sont développés, ne peut être entièrement mauvais». Comme lindiquait Tocqueville, «les raisons qui ont fait que les Français ne pouvaient bâtir sur leurs anciennes fondations venaient de ce quils navaient pas entrepris leurs réparations à temps». En sacharnant à détruire les vestiges de lAncien régime, la Révolution française aurait porté le coup de grâce à une réforme progressive du royaume, ce que regrettait Burke.
Celui-ci tenait en effet le Jacobinisme pour «une tentative (qui na, jusquà présent, que trop bien réussi) pour éradiquer les préjugés de lesprit humain dans le but de remettre tout le pouvoir et toute lautorité à des personnes qui seront capables à loccasion déclaircir le peuple». La définition de Burke fait écho à lintention de Rabaud Saint-Etienne de rendre le peuple français «heureux». Pour ce faire, le député de lAssemblée nationale entendait «le renouveler ; changer ses idées, changer ses lois, changer ses murs
changer les hommes, changer les choses, changer les mots
tout détruire ; oui, tout détruire puisque tout est à recréer». Agissant comme une révolution religieuse, constat que reprendra par la suite Tocqueville, la Révolution mit en place un système qui «nest pas lancienne France où des moyens ordinaires servaient des ambitions ordinaires. Ce nest pas un nouveau pouvoir dun genre (kind) ancien. Cest un nouveau pouvoir dune espèce nouvelle (species)».
Louvrage de Patrick Thierry est passionnant, car il permet au lecteur de se faire une idée plus précise de lensemble de la pensée que développa naguère Edmund Burke. La féministe Mary Wollstonecraft saisit la fascination équivoque que Burke éprouvait pour la Révolution française et lui écrivit que «Français, vous auriez été, en dépit de votre respect pour les rangs et lantiquité, un violent révolutionnaire
, trompé comme vous lêtes sans doute, par les passions qui obscurcissent votre raison, vous auriez appelé votre enthousiasme romantique un amour éclairé de votre pays, un respect bienveillant pour les droits de lhomme».
Alexis Fourmont ( Mis en ligne le 05/07/2011 ) Imprimer | | |
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