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Histoire & Sciences sociales -> Sociologie / Economie |
| Jean-Claude Barreau Un capitalisme à visage humain - Le modèle vénitien Fayard 2011 / 14,90 € - 97.6 ffr. / 187 pages ISBN : 978-2-213-65438-6 FORMAT : 13,5cm x 21,5cm
L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles. Imprimer
Lheure nest-elle pas aux injonctions dans lédition dessais ? Nier que le titre du dernier ouvrage du genre de Jean-Claude Barreau aurait pu être aussi injonctif quun autre essai contemporain plus polémique, reviendrait à avouer ne pas avoir lu. En effet, Un capitalisme à visage humain est un long panégyrique, une succession denvolées lyriques déclamant une admiration, un amour pour le modèle politique et social incarné par la république de Venise, la cité lacustre qui contrôla mille années durant une thalassocratie méditerranéenne à partir du fond de lAdriatique. Admirer une république oligarchique ploutocrate est un comble pour le républicain que lauteur affirme être et il sen excuse dentrée de jeu.
Mais voilà, pour Jean-Claude Barreau, la Sérénissime a réussi ce que les sociétés occidentales contemporaines échouent à réaliser : concilier capitalisme, justice sociale et morale civique. A lire cet essai, les défauts du système politique seraient soit palliés par les compensations sociales, soit véniels, tant il exigeait des patriciens dominant la République un engagement au service de lEtat et du Bien commun. Sauf erreurs ou omissions éventuelles, il est difficile de ne pas suivre lauteur dans son admiration dun régime remarquable de stabilité et dune société aux réalisations architecturales somptueuses, manifestation dune prospérité pluri-séculaire. La prose fait un peu penser à lapologie de la démocratie athénienne par Périclès lors de la célébration funéraire pour les morts de la guerre du Péloponnèse. Cest-à-dire un genre guère plus pratiqué de nos jours où lhumeur serait plutôt à pointer du doigt les politiques actuels.
Or cest justement lexercice auquel se livre aussi Jean-Claude Barreau. Les qualités quil vante chez les dirigeants vénitiens sont le contraire des défauts quil reproche aux élites contemporaines, à commencer par légoïsme. En passant, lancien prêtre catholique règle ses comptes avec le protestantisme puritain anglo-saxon et Max Weber (sur ce point, il est difficile de nier quil ait raison : le capitalisme nest pas invention de la seule Réforme protestante). Ce discours moralisateur ne constitue pas la majorité du livre mais il le sous-tend de bout en bout.
Seulement le lyrisme appelle à des raccourcis et des comparaisons parfois excessives lorsquils enjambent les siècles sans nuance des époques. Est-il bien adapté de déplorer lurbanisme actuel Bobigny, nommément cité en loccurrence face à celui de Venise ? Toutes les remarques ne sont cependant pas déplacées et on ne peut nier le meurtre dune uvre dart que constituent lindustrialisation portuaire et les aménagements qui laccompagnent, autour de la ville. La méthode dérange quand même quand le laudateur célèbre larchitecture vénitienne et pleure les désastres des architectures totalitaires au nom de lidée personnelle que cette forme dart exprime le mieux lesprit et la valeur dune civilisation. Que neut-il dit des splendeurs classiques toutes en perspective et en ligne droite dun Versailles, symbole dune centralisation monarchique ?
Sans avoir tort louvrage agace un peu, on laura compris, comme toute morale. Tous les contempteurs de nos sociétés, admirateurs dautres modèles socio-économiques daujourdhui (suédois, irlandais), ou du passé, de toute de bonne foi quils soient, devraient cependant saviser dune chose simple : ces sociétés qui ont réussi ou réussissent partagent un point commun : elles sont de petites tailles démographiques, ce qui rend le quotidien plus simple ce qui ne signifie pas facile à gérer.
Hugues Marsat ( Mis en ligne le 01/02/2011 ) Imprimer
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