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Un objet d'étude transversal
Bernard Andrieu    Collectif   Le Dictionnaire du corps - En sciences humaines et sociales
CNRS éditions 2006 /  50 € - 327.5 ffr. / 546 pages
ISBN : 2-271-06360-4
FORMAT : 17,0cm x 22,0cm

Préface de Gilles Boëtsch.

L'auteur du compte rendu : Alain Romestaing est maître de conférences en Littérature française à l’IUT de l’Université René Descartes - Paris V. Sa thèse, soutenue à La Sorbonne - Paris IV, traite du corps dans l’ensemble de l'œuvre de Jean Giono. Il est rattaché à l’UMR 7171, «écritures de la modernité», à la Sorbonne Nouvelle - Paris 3.

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Le Dictionnaire du corps en sciences humaines et sociales, établi sous la direction de Bernard Andrieu, philosophe, professeur d’«épistémologie du corps et des pratiques corporelles» à l’Université de Nancy I et directeur de l’Unité Mixte de Recherche «ACCORPS» (Actions-Corporéïtés-Cultures), est la concrétisation d’un travail à la fois nécessaire, difficile et généreux.

Nécessaire parce que le corps est devenu depuis les années 1970 une préoccupation essentielle des individus dans les sociétés développées et par conséquent un précieux fil directeur pour la compréhension de ces dernières. Difficile parce qu’il s’agissait, pour reprendre l’excellente formule de la préface de Gilles Boëtsch (Professeur d’anthropologie à l’Université d’Aix-Marseille II et directeur de recherche au CNRS), de «fournir un outil kaléidoscopique d’intelligibilité» du corps, objet d’étude pour des disciplines scientifiques diverses et peu enclines à la transversalité. Cet outil présente donc, sous la forme d’un abécédaire (383 articles, chacun suivi de sa bibliographie), une synthèse des connaissances et des travaux sur le corps dans les sciences humaines et sociales, les articles étant signés aussi bien par des spécialistes très connus (Georges Vigarello, David Le Breton, Philippe Liotard, Jean-Luc Nancy, Marie-Hélène Bourcier, etc.) que par de jeunes chercheurs. Quant à la générosité du projet, elle réside non seulement dans cette volonté de «s’adress[er] au grand public en présentant un livre de référence» comme l’affirme Bernard Andrieu dans son introduction, mais aussi dans cette collaboration d’auteurs de statuts très différents, du professeur d’université émérite au simple doctorant. L’article «bizutage», par exemple, est symptomatique de cette ouverture : Bernard Andrieu le signe, mais ce sont deux mémoires, de maîtrise et de DEA, qui figurent en tête de bibliographie.

Cet éclectisme des disciplines et des auteurs, s’il correspond parfaitement au projet de l’ouvrage, produit néanmoins un effet hétéroclite, parfois déroutant, souvent stimulant. On s’amusera du fait que la liste des entrées donne un peu l’impression d’un inventaire à la Prévert («bain», «beauté», «bidet», «rituel», «robot», «roi», «roman», «rugby»…), le choix de ces entrées n’obéissant qu’aux divers centres d’intérêt des chercheurs (pourquoi «rugby», «escalade» et pas «football» ? Et pourquoi, curieusement, ne trouve-t-on pas «sens», ni directement ni indirectement, dans la liste des notions ?). Mais on peut regretter que ces articles soient quelque peu inégaux, du point de vue de leur difficulté, de leur qualité ou de leur portée. Il est certes naturel que certains («cerveau», «individuation»…) soient plus ardus que d’autres, mais que penser de phrases comme celles-ci (extraites de «Libération sexuelle») : «La société maintient des normes corporelles pour décider si notre liberté corporelle est notre invention ou une illusion produite en nous par la société pour nous maintenir dans ses normes ?» ; «Cette augmentation de la sensibilité corporelle procure une jouissance à laquelle (sic) chacun revendique le droit». Une relecture supplémentaire n’aurait pas été superflue non plus pour l’article «policement» où l’on rencontre une coquille («si situe») et une anacoluthe agrémentée d’un barbarisme…

Pour ce qui est de la portée, l’article «harcèlement» paraît très circonstanciel puisqu’il consiste surtout en une critique de la loi de «modernisation sociale» de 2002 qui a consacré le «harcèlement moral», «notion à la conceptualisation pourtant précaire». Heureusement, nous sommes renvoyés à l’entrée «droit de cuissage» (du même auteur) qui concerne en fait le harcèlement sexuel : on y retrouve la loi de 2002, mais située cette fois dans une perspective plus large puisqu’on nous indique les origines américaines de la notion. Cette loi, définissant le harcèlement sexuel comme «le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle», n’en échappe pas pour autant à la critique, car cette définition «est symptomatique des tensions à l’œuvre face au caractère subversif d’un concept qui, élaboré par une lecture sexuée des rapports sociaux et non comme un problème individuel ou psychologique, questionne les rapports inégalitaires hommes/femmes.» On aurait aimé, puisque le dictionnaire est «destiné au grand public», une explication à la fois moins compliquée et plus complexe, c’est-à-dire moins militante (tenant compte, par exemple, des réserves d’une Marcella Iacub, ignorée dans le texte comme dans la bibliographie des deux articles). Autre exemple d’approche que l’on peut trouver un peu courte, celle de l’article «Pornographie» : on simplifie trop en effet, et de manière plutôt moralisante (faut-il regretter que la pornographie soit «la négation de la réalité telle qu’elle est vraiment» ?!), quand on n’analyse le phénomène qu’en termes d’images, quand on le réduit à «l’effacement de la subjectivité de ceux qui sont censés vivre une sexualité épanouie» (et la pornographie d’amateurs ?), à l’absence d’un «échange parlé et d’un récit» (les spectateurs, contrairement aux acteurs, ne perdent pas forcément «la capacité […] d’identifier [leur] désir») et à un système bipolaire entre le masculin et le féminin…

Bien sûr, ces critiques de détail n’enlèvent rien à l’intérêt de très nombreux articles et au caractère passionnant de l’ouvrage. Car, déçu ou captivé, satisfait ou à la recherche de précisions supplémentaires, on se prend en effet très rapidement au jeu des correspondances entre articles par le biais des astérisques ou des flèches de renvoi. Et la richesse des références bibliographiques donne l’envie de nouvelles lectures, ce qui est le signe des bons ouvrages.


Alain Romestaing
( Mis en ligne le 04/07/2006 )
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