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Histoire & Sciences sociales -> Sociologie / Economie |
| Helen Fischer Histoire naturelle de l'amour Hachette - Pluriel 2008 / 11 € - 72.05 ffr. / 453 pages ISBN : 978-2-01-279428-3 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Traduction d'Evelyne Gasarian.
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne et dun DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia et ancien professeur dhistoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne. Imprimer
Helen Fisher enseigne lanthropologie à lUniversité de Rutgers dans le New Jersey, après avoir été chercheuse associée au Musée Américain dHistoire Naturelle de New York. Ses travaux portent sur les évolutions de lamour, du sexe, de lattraction sentimentale, du mariage et des différences de genre. Elle a publié à ce jour quatre ouvrages sur ces sujets : The sex contract, William Morrow l982 (La Stratégie du sexe, Calmann-Lévy, 1983) ; Anatomy of Love, W.W. Norton 1992 ; The First Sex, Random House 1999 ; Why we Love, Henry Holt, 2004 (traduit en français sous le titre Pourquoi nous aimons ?, Robert Laffont, 2007). Histoire naturelle de lamour est la traduction de Anatomy of Love. Il a paru pour la première fois en français en 1994, chez Robert Laffont, et la même année en poche chez Hachette Pluriel, qui le réimprime aujourdhui.
Ce classique de lanthropologie de lamour (qui réussit le tour de force de ne pas définir ce terme, peut-être parce que lauteure considère quil va de soi, comme le sexe, les sentiments ou le mariage
) met laccent sur ses caractères innés, même si Helen Fisher reconnaît que le «comportement humain est un nud complexe de forces héréditaires ou déterminées par lenvironnement, et (
) ne souhaite pas minimiser linfluence de la culture sur la conduite humaine» (p.8). Elle ne propose rien de moins quune théorie générale de lévolution de la sexualité humaine et de la famille. Il sagit de savoir quels sont les ressorts universaux du mariage, de ladultère, du divorce ou du remariage chez les êtres humains.
Le livre commence par des chapitres sur la nature des comportements de séduction, des sentiments amoureux, de la monogamie (envisagée comme une règle générale, malgré de nombreuses exceptions
), de ladultère et du divorce (lattraction amoureuse ne peut pas être génétiquement durable ; au mieux est-elle replacée par lattachement au bout de quelques années ; le risque de séparation est très important au bout de trois à quatre ans). Lauteure, en soulignant la probable composante génétique et les qualités adaptatives de phénomènes sociaux comme ladultère ou le divorce, se défend de manière amusante de faire leur apologie : «Je ne plaide en aucune façon en faveur de linfidélité ou de labandon de foyer ; jessaie seulement de comprendre ces péripéties douloureuses de la vie humaine» (p.10). Façon de se prémunir contre les attaques des franges les plus puritaines de la société américaine ?
Helen Fisher nhésite pas à convoquer à loccasion les données de léthologie animale pour montrer les ressemblances ou les différences entre les êtres humains et les oiseaux ou les mammifères (et, parmi ces derniers, nos cousins les grands singes). A partir du sixième chapitre, elle remonte au tout début de la vie sociale humaine, en sinterrogeant sur les murs de nos ancêtres hominidés, qui relèvent dans ce domaine, il faut bien le dire, beaucoup plus des hypothèses que des faits avérés. Elle retrace lévolution de notre sexualité, de ses premières manifestations, il y a quelque quatre millions dannées, dans les prairies de lAfrique de lEst, jusquaux murs des sociétés contemporaines, occidentales (et surtout américaines) ou plus «exotiques», en passant par celles de nos ancêtres des cavernes, à lépoque des peintures rupestres et de la grande glaciation européenne.
Helen Fisher étudie aussi pourquoi nous tombons amoureux dune personne plutôt que dune autre, pourquoi nous avons le coup de foudre et quelles sont les racines (selon elles essentiellement physiologiques) de la fidélité ou du donjuanisme. Elle étudie les différences entre les sexes au niveau du cerveau (en ignorant les travaux de nombreux neurobiologistes ayant mis laccent sur lextraordinaire plasticité de cet organe), lévolution des relations entre femmes, hommes et pouvoir (cest surtout le passage au néolithique qui aurait conduit à la domination masculine, beaucoup moins décelable selon elle dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs, même si elle ne souscrit pas au mythe bachofien du matriarcat originel), le développement de ladolescence (étape transitoire que ne connaissent pas les animaux) ou lorigine de notre conscience. Dans le dernier chapitre, elle utilise lensemble de ces données et de ces déductions pour anticiper quelque peu sur les relations que nous pourrions entretenir demain ou dans quelques millénaires. La famille et le mariage sont loin dêtre menacés, mais lon est en train de revenir, selon elle, avec le déclin de la paysannerie, à un mode de vie plus proche de celui des nomades de la préhistoire.
Le livre, se voulant une analyse globale, procède à de nombreuses généralisations, ce dont lauteure est bien consciente (p.9). Elle sintéresse aux modèles dominants plutôt quaux exceptions. Louvrage traitant de la séduction, du sexe et de lamour dans une perspective évolutionniste et néo-darwinienne (leur utilité étant surtout dassurer la reproduction de lespèce), peu de place est accordée à la sexualité «récréative» ou aux pratiques homosexuelles (guère plus que les deux pages 189 et 190), même si elles sont évoquées ici ou là (y compris chez les animaux). Dans ses hypothèses sur la sexualité préhistorique, lauteure a aussi tendance à extrapoler, à partir des données de léthologie animale ou de lethnographie. Elle sintéresse surtout aux origines génétiques des comportements sexuels ou amoureux, et semble sinscrire dans une logique plus essentialiste que constructiviste du genre et de la sexualité. Peu de place est accordée à lanalyse des comportements sexuels, sentimentaux ou matrimoniaux dans les sociétés historiques (les Grecs sont ainsi expédiés en un paragraphe, p.334). Toutes ces analyses mériteraient dêtre approfondies et discutées, les données scientifiques sur ces questions ayant par ailleurs évolué depuis 1992.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 25/06/2008 ) Imprimer | | |
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