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Histoire & Sciences sociales -> Historiographie |
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Vingt ans après le bicentenaire, où en est l’histoire de la Révolution française ? | | | Michel Biard Collectif La Révolution française - Une histoire toujours vivante Tallandier 2010 / 27 € - 176.85 ffr. / 446 pages ISBN : 978-2-84734-638-1 FORMAT : 14,6cm x 21,5cm
Préface de Michel Vovelle Imprimer
Dans les années entourant la célébration du bicentenaire de la Révolution française en 1989, les études, colloques et autres rencontres se sont multipliés, lhistoire de cette période était à la mode, suscitant débats et controverses encore passionnés. Vingt ans après, lémotion étant nettement retombée, quel est létat de la recherche sur cet événement ? Michel Biard a réuni une trentaine dhistoriens pour faire le point. Le résultat est une petite somme passionnante, composée de 28 contributions. Chaque article est une synthèse à la fois relativement courte mais érudite, faisant un bilan de la recherche sur un thème. Il sachève toujours sur une bibliographie succincte présentant à la fois les quelques grands classiques et les récentes avancées depuis le bicentenaire, et permettant ainsi au lecteur daller plus loin sil le désire.
Les thèmes abordés sont variés : économie, société, politique, culture. Le principe est le suivant : prendre une idée communément admise sur la Révolution française et lui faire subir lépreuve de lanalyse à la lumière des dernières recherches parues sur le sujet. Prenons quelques exemples : la Révolution est la conséquence des Lumières, la Révolution est marquée par la «centralisation jacobine», la Révolution est un «désert culturel», la production littéraire de la Révolution est indigente et médiocre, les femmes sont absentes de la Révolution française
On laura compris, chacun des auteurs sapplique à montrer que la réalité est plus complexe, que certaines idées ont la peau dure alors que leur fausseté a été démontrée pour certaines depuis longtemps. A cet égard, ce livre pourrait presque sappeler «Vingt-huit idées fausses sur la Révolution française». Ne nous y trompons cependant pas, il ne sagit pas là de vulgarisation, le propos est bien celui de spécialistes faisant état des dernières avances de la recherche, une connaissance du sujet est nécessaire pour en apprécier la portée.
Ainsi, pour ne développer quun exemple, Karine Rance revient sur les nobles pendant la Révolution en apportant des éléments de réponse à la question suivante : «Les nobles ont-ils été les victimes privilégiées de la Révolution ?» (p.209). Lidée reçue est que le noble, attaqué de toutes parts dans ses prérogatives par la Révolution, y a été hostile, devenant une cible privilégiée de la vindicte révolutionnaire. Immédiatement viennent à lesprit des noms de nobles «authentiquement révolutionnaires» (Hérault de Seychelles par exemple) qui introduisent un brin de complexité. Après avoir récapitulé les atteintes aux privilèges de la noblesse, K. Rance rappelle la grande hétérogénéité sociale de ce groupe dont le nombre estimé varie entre 120 000 et 300 000 individus selon les historiens. À lintérieur de cet ensemble disparate, elle parvient à identifier quelques tendances : la noblesse citadine et robine serait plutôt favorable à la Révolution. En général, elle distingue trois attitudes : la participation, lopposition et enfin laccommodement, qui se révèle être majoritaire. Elle rappelle que la part des nobles dans lémigration (autour de 20 %) est minoritaire. Elle expose dans un passage fort intéressant la vie de la communauté des quelque 5000 émigrés qui sest formée à Coblence, lun des grands points de concentration de lémigration jusquà 1792. Pour finir, elle montre que les pertes foncières sont finalement limitées pour la noblesse à lissue de la Révolution. En un court article dense (dune dizaine de pages, comme tous les autres), K. Rance parvient donc à faire le point sur les recherches en cours (dont la sienne) et à montrer les apports des travaux récents.
Louvrage est particulièrement réussi : il est écrit suffisamment clairement pour être compris largement et ne cède pas à la facilité sur des sujets médiatiques. Il intéressera donc à la fois les amateurs dhistoire de la Révolution et les spécialistes, même si le public visé est clairement universitaire : chercheurs et étudiants y trouveront leur miel. Si lon se place du point de vue de lhistorien et non de lamateur, bien sûr, on peut toujours trouver à redire : il manque la contribution de tel ou tel historien, tel aspect nest pas abordé, le groupe dhistoriens est très français. Il est vrai que les contributeurs sont presque tous plus ou moins proches de lInstitut dhistoire de la Révolution française (Paris I) et de la Société des études robespierristes. Mais plutôt que de chicaner, relisons la préface de Michel Vovelle : ce recueil présente un choix non exhaustif mais représentatif et surtout français. Et de ce point de vue, cest une réussite !
Cécile Obligi ( Mis en ligne le 13/04/2010 ) Imprimer | | |
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