|
Histoire & Sciences sociales -> Témoignages et Sources Historiques |
| Retours d’URSS - Les prisonniers de guerre et les internés français dans les archives soviétiques (1945-1951) CNRS éditions 2001 / 25,92 € - 169.78 ffr. / 428 pages ISBN : 2-271-05884-8
Sous la direction de Catherine Klein-Gousseff. Imprimer
Derrière le sigle obscur GUPVI se cache une structure insérée dès septembre 1939 au Commissariat du peuple à lIntérieur (NKVD) alors dirigé par Béria. Ses objectifs sont clairs : indépendant du GULAG qui, depuis les années 30, étend son emprise sur lensemble des camps destinés principalement aux Soviétiques, il sattache à la gestion concentrationnaire des ressortissants étrangers. Dénommé UPVI jusquen 1945, il sétoffe en administration centrale - GUPVI - qui contrôle, au début de lannée 1946, 267 unités denfermement réunissant deux millions dhommes et de femmes. La population comprend deux groupes distincts : des prisonniers de guerre et des internés dont le parcours ainsi que le traitement sont singulièrement différents. Dans la première catégorie, soit 21 300 individus, figurent essentiellement des « Malgré-nous », originaires des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, incorporés de force dans les rangs de la Werhmacht ainsi que quelques membres de la LVF, notamment des éléments de la « Division Charlemagne ». La seconde rassemble quelque 300 000 personnes libérées du joug allemand par les troupes de lArmée Rouge et conduites en des camps provisoires dans lattente dun rapatriement vers le pays dorigine. Dun côté, un emprisonnement par nationalités - les Alsaciens-Lorrains sont massés à Tambov - dans des conditions de détention si précaires quelles sont à lorigine dune mortalité décimante. De lautre, des points de transit échelonnés de Berlin à Bialystok, puis basés en Ukraine, en Biélorussie et dans la région dOdessa où la vie est sensiblement semblable à celle dautres camps dEurope.
Louvrage ne choisit pas la facilité lorsquil propose, à la lumière de documents administratifs, une lecture en deux temps. Cest effectivement dans les lignes de rapports, de notes, de correspondances, de listes, de tableaux et de statistiques - en tout 191 documents - traduits, clarifiés, enrichis de repères chronologiques, dindex nominatifs et dune bibliographie trilingue (française, allemande et russe) quil entend offrir une perception « du dedans » des fonctionnalités dun camp stalinien et une analyse cavalière des relations bilatérales France-URSS, déjà fortement marquées par les prémices de la Guerre froide. Lédition de sources « du temps présent », sous la forme dune somme de références imprimées, suscite souvent la méfiance envers un choix par nature subjectif et aléatoire qui, en lespèce, montre des directives prises au sommet, dont les intentions en amont comme les répercussions sur laval restent fatalement brumeuses. Pour autant, la sélection présentée à partir des gisements exceptionnels conservés dans les réserves des Archives dÉtat de la Fédération de Russie (GARF) éclaire avec acuité le double postulat du livre.
Une première partie, précédée dune étude institutionnelle dont on pourra regretter des redondances avec lintroduction, fait cheminer dans les dédales dun camp. Si arides soient-ils, les règlements et instructions laissent de fait imaginer des vies soumises à la planification transverse, aux gardes et contrôles du personnel, aux mesures disciplinaires, au déficit alimentaire chronique - proche de la famine en 1946-1947 , aux carences sanitaires, aux dysfonctionnements multilatéraux et, en dépit de tout, à la mise à contribution pour un accroissement de la productivité industrielle. Une seconde donne le récit, par tranches ante et post la signature de laccord passé entre la France et lURSS en juin 1945 - dun rapatriement désiré par les deux patries. La Mission française joue sa partition sans disposer des moyens de se montrer tout à fait opératoire. Aussi le retour des internés seffectue-t-il bon an mal an ; quant à celui des prisonniers, otages dune politique qui ne cesse de se raidir, il sinscrit dans léchange obligatoire : celui des citoyens dURSS se trouvant encore sur le sol national ou dans les zones doccupation en Allemagne et en Autriche.
Cet extrait raisonné darchives soviétiques offre de laliment à lhistorien qui voudra exercer son métier. Il dispose dune vaste littérature, à commencer par les travaux de Stephan Karner. Il peut lire et écouter les témoignages et mémoires « danciens ». Reste à corréler ces trouvailles aux sources françaises encore demeurées silencieuses.
Agnès Callu ( Mis en ligne le 21/05/2002 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Carnets de la nuit noire de Félix Lutz | | |
|
|
|
|