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La première université populaire
Théophraste Renaudot   Simone Mazauric   De la petite fille velue - Et autres conférences du Bureau d'Adresse (1632-1642)
Klincksieck - Cadratin 2004 /  14 € - 91.7 ffr. / 154 pages
ISBN : 2-252-03444-0
FORMAT : 14x20 cm

L'auteur du compte rendu : Cécile Obligi est l'auteur d'un mémoire de maîtrise d'histoire intitulé Images de Jean-Sylvain Bailly, premier maire de Paris, 1789-1791.
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La collection Cadratin (chez Klincksieck), qui a vocation à «redonner une chance à des textes injustement ou temporairement oubliés, méconnus ou négligés», nous propose de découvrir, avec l’aide d’une précieuse introduction de Simone Mazauric, les trop peu connues conférences du «Bureau d’Adresse». Celui-ci a été créé par le personnage qui est à l’origine du premier périodique français (La Gazette, en 1631), Théophraste Renaudot. Il s’agissait tout d’abord de ce que nous appelerions aujourd’hui une agence pour l’emploi, c’est-à-dire d’un établissement diffusant des offres d’emplois afin de lutter contre la pauvreté. Dans ce même but philanthropique, Renaudot décide rapidement d’élargir les activités du Bureau d’Adresse en proposant des services comparables aujourd’hui à ceux d’une agence immobilière, d’une agence matrimoniale (!), et d’un Mont-de-Piété, ainsi que des consultations médicales gratuites. Mais c’est la dernière activité du Bureau d’Adresse qui nous préoccupe ici : les fameuses conférences.

La perspective, pédagogique et vulgarisatrice, dans laquelle sont faites ces conférences, ainsi que le public visé, sont définis par Théophrase Renaudot lui-même : «le jeune s’y façonne, le vieil y rafraîchit sa mémoire, le docte s’y fait admirer, les autres y apprennent et tous y rencontrent un divertissement honnête». Les conférences eurent lieu le lundi après-midi de 14 h à 16 h dans la grande salle du Bureau d’Adresse (d’une contenance d’environ 200 personnes), probablement de 1632 à 1644. Les comptes rendus (qui couvrent la période 1633-1642) ont été publiés par Théophraste Renaudot puis par l’un de ses fils.

Simone Mazauric situe l’apparition des conférences du Bureau d’Adresse dans le contexte de la floraison des académies durant la première moitié du XVIIe siècle, tout en soulignant les éléments qui les distinguent. L’intention du fondateur étant délibérément pédagogique, il s’instaure entre le conférencier et le public un rapport de maître à élève, qui n’existe pas dans une académie, où les membres sont égaux. D’autre part, le Bureau d’Adresse a bénéficié, dès sa fondation, d’un soutien politique fort en la personne de Richelieu. Les autres académies lui envient (ou lui reprochent) cette protection. Enfin, les conférenciers ne sont pas les meilleurs savants de l’époque ; S. Mazauric les définit comme «érudits, informés, mais d’une information qui n’inclut pas toujours les orientations les plus récentes de la théorie». Il était convenu que le nom des conférenciers ne serait pas divulgué ; l’anonymat a été si bien respecté que l’on en est, encore aujourd’hui, réduit à des conjectures quant à leurs noms et professions.

Les sujets traités dans les conférences étaient multiples, abordant aussi bien la physique, la morale, que la métaphysique. Deux spécificités se dégagent pourtant : il y eut beaucoup de conférences portant sur la médecine (Renaudot était médecin) et peu sur les mathématiques. Les sujets étaient choisis d’une semaine sur l’autre par le public, de manière très libre, en évitant toutefois les questions qui fâchent (théologie et politique). Les conférences consistaient en la présentation de points de vue différents, en nombre variable, sans ordre logique et sans conclusion, le public étant libre de tirer celles qu’il souhaitait.

S. Mazauric a effectué le choix volontairement «arbitraire et subjectif» d’une vingtaine de conférences parmi les 451 qui ont été imprimées, afin de donner une idée du foisonnement des sujets. Chaque extrait est précédé d’une introduction qui rappelle les éléments du débat ainsi que les différentes théories qui ont cours à son propos. On trouve donc aussi bien des conférences ayant trait aux interrogations physiques («Du vide») ou morales («Si la vertu consiste en la médiocrité») de l’époque, que des conférences dictées par des circonstances précises («De la petite fille velue que l’on voit en cette ville»). Certaines sont révélatrices de la persistance des croyances populaires dans presque toutes les couches de la société («Pourquoi les corps morts saignent en présence de leurs meurtriers», «Des incubes et des succubes, et si les démons peuvent engendrer»).

La fin de ces conférences, en 1642, s’explique aisément par la somme des inimitiés qui se sont accumulées contre les conférences. Renaudot s’est attiré le mépris de l’élite savante qui lui reproche de mélanger de nobles activités avec d’autres, jugées triviales et indignes d’un médecin (le prêt sur gage par exemple). L’hostilité a aussi une origine politique : la protection de Richelieu a valu à Renaudot l’antipathie des ennemis politiques du ministre (le clan des dévots). Renaudot s’est bien entendu aussi attiré la haine des médecins parisiens. Après la mort de Richelieu, il se trouve davantage exposé. A partir de 1643, l’attaque devient plus violente : la faculté de Paris lui intente un procès et un arrêt du Parlement de Paris de 1644 lui interdit les conférences, les consultations charitables, le prêt et la vente sur gage ; il est seulement autorisé à conserver La Gazette. Les conférences se sont probablement poursuivies jusqu’en 1644, mais les comptes rendus prennent fin en 1642.

En définitive, on ne peut pas dire que le Bureau d’Adresse ait été un lieu d’innovation ; il a plutôt contribué à diffuser, sous une forme plaisante et accessible au public, un savoir assez traditionnel. C’est ce qui fait l’intérêt de ce livre ; en choisissant cet angle d’approche, il nous donne à voir ce dont on parle finalement peu : la «culture générale» de la majorité des Français relativement instruits dans la première moitié du XVIIe siècle.


Cécile Obligi
( Mis en ligne le 05/09/2004 )
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