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Histoire & Sciences sociales -> Témoignages et Sources Historiques |
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Érudition et divertissement | | | Louis Ginzberg Les Légendes des Juifs (Tome 6) - Juda et Israël ; Elie ; Elisée et Jonas ; Les rois de Juda des périodes plus tardives, L'exil, Le retour de captivité, Esther Cerf - Patrimoines Judaïsme 2006 / 42 € - 275.1 ffr. / 369 pages ISBN : 2-204-07978-2 FORMAT : 14,5cm x 23,0cm
L'auteur du compte rendu : Emmanuel Bain est agrégé dhistoire ; il est actuellement allocataire-moniteur à lUniversité de Nice Sophia-Antipolis, où il prépare une thèse en histoire médiévale sur «les fondements bibliques du discours ecclésiastique sur riches et pauvres aux XII-XIIIe siècles». Imprimer
Avec ce sixième volume se clôt la vaste entreprise de traduction en français de luvre du savant Louis Ginzberg, achevée en 1909. Ses Légendes des Juifs rapportent sur le mode narratif lhistoire dIsraël, fondée naturellement sur la Bible, mais aussi sur une vaste littérature rabbinique, supposée guidée par linspiration prophétique ce volume montre Élie intervenant auprès de tel ou tel rabbin, quil présente tantôt au Messie, tantôt à dautres rabbins, non sans dailleurs susciter oppositions et rancoeurs. Cest la vulgarisation de ces nouvelles «légendes» qui constitue le premier intérêt de cet ouvrage. Ce sixième volume va de la séparation dIsraël et de Juda à lépisode dEsther qui sauve le peuple de lextermination, en passant par la captivité à Babylone et le retour en Terre promise. Mais il est surtout rythmé par lintervention de quelques figures majeures, notamment Élie, Daniel et, dans une moindre mesure, Esther.
Cette publication, bien quancienne, reste donc un instrument de travail utile pour pénétrer dans le touffu maquis de la littérature rabbinique. Le riche appareil de notes, qui couvre 150 pages pour 190 pages de texte, permet au spécialiste daccéder aux sources de lérudit lituanien.
Mais le lecteur profane pourra aussi retirer un grand plaisir de cet ouvrage. À côté de récits qui ne rejettent pas une part épique pensons au Jourdain asséché par le passage du quart de larmée assyrienne (p.68) , les prophètes dévoilent à nos yeux une religion riche en facéties. Ainsi rencontrons-nous les fils dEzéchias qui se moquent de leur père dont le crâne chauve peut «servir à faire cuire des poissons» (p.75), un Jonas bien installé dans la baleine et qui ne veut pas en sortir, un ange qui ne peut emporter Élie tant celui-ci est passionnément pris dans une discussion savante, et doit sen retourner au ciel sans avoir pu accomplir sa mission. Dieu, certes tout puissant, nen est pas moins parfois très humain : il se laisse tromper par Satan, il doit négocier avec Élie le renoncement à sa promesse en échange dun miracle en faveur de la femme qui avait accueilli le prophète.
Globalement, négociations et discussions tiennent une grande place dans la pratique religieuse. Ainsi de cette femme qui expose à lange de la Mort venu chercher son mari le jour de leurs noces, que ce dernier ne peut se soumettre à la Mort parce que ce serait contrevenir à la Torah qui exempte de tous devoirs les mariés le jour de leur noce. Devant un tel argument, lange de la Mort ne peut que repartir bredouille. Cette forme dhumour se retrouve dans les récits moralisateurs. Quand un disciple se demande pourquoi Dieu a créé des créatures nuisibles, il apparaît que cest pour ne pas être tenté de faire disparaître les hommes, si souvent nuisibles mais aussi capables du bien. Pour inciter à laumône et dénoncer lavarice, Élie sétait déguisé en mendiant ; se rendant chez un homme riche, il est rejeté ; accueilli par un pauvre, il fait la richesse de ce dernier ; lapprenant, lhomme riche accueille à son tour le mendiant, et reçoit cette bénédiction : «Puisse la première chose que tu feras navoir pas de fin» (p.31) ; alors la femme propose à son mari de sacquitter de ses «besoins corporels» pour compter lor plus tranquillement
«Et ainsi firent-ils et ils durent continuer à le faire jusquà la fin de leur existence» (p.31).
La lecture des Légendes des Juifs pourra donc certes intéresser les spécialistes de la littérature rabbinique, mais aussi un public plus large qui découvrira, outre la narration légendaire de lhistoire du peuple hébreu, un monde où les clowns vont au paradis pour avoir diverti les gens dans leur tristesse (p.41)
Emmanuel Bain ( Mis en ligne le 22/01/2007 ) Imprimer | | |
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