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| Philippe Sollers Christian de Portzamparc Voir Ecrire Calmann-Lévy - Petite bibliothèque des idées 2003 / 17 € - 111.35 ffr. / 192 pages ISBN : 2702132510 FORMAT : 21 x 11 cm
Préface d'Hélène Bleskine Imprimer
Lorsque larchitecte et lécrivain brisent les murs de la séparation des arts, cela donne une déambulation au milieu dun terrain en chantier, où percent les strates de pensées déjà émises. Quoi de plus naturel que de débuter avec lévocation des Twin Towers et la reconstruction du site ? On met tout à plat et on délimite les champs en question, on tente de donner une définition de larchitecture et de lécriture pour construire de nouvelles perspectives. Enfin, cela reste un dialogue tout de même. Les plans ne sont pas aussi nets. Dailleurs il ne sagit pas là de plans mais de mouvements, à linstar de la musique. Un mouvement en six rencontres entre les deux pointures médiatiques que sont larchitecte et urbaniste Christian de Portzamparc et lécrivain et essayiste Philippe Sollers, organisées par Hélène Bleskine à lécole darchitecture de La Villette-UP6.
Au centre du débat, le langage. Et cette question qui hante larchitecte de la Cité de la musique à Paris : peut-on penser sans le langage ? On y évoque les structuralistes, et la vision de Roland Barthes dune sémiologie architecturale. Cest en se penchant sur les mécanismes du langage que la critique a souvent lié larchitecture à la littérature. Ici, Portzamparc renverse cette idée. Il appuie, non le texte sur une métaphore architecturale, mais larchitecture sur la métaphore du langage. Il reconnaît lui-même que larchitecture fonctionne comme un langage, vise à être un langage. Car pour Portzamparc, «avant le langage, il y a un discours des signes, qui vient de ce premier geste de dessiner, de faire une ligne, un contour». Mais plus encore, lenjeu est de savoir si lon peut, à linverse, «sarchitecturer hors du langage», selon lexpression de Philippe Sollers. Et de rapprocher architecture et littérature non autour de la notion de langage, mais de celle dune «motivation primordiale» commune, qui sexprime à travers la matière, la forme, le contour quoffrent roman et construction architecturale.
Car, à en croire Christian de Portzamparc, le lieu nest pas morceau de langage, il ne tire pas seulement sa réalité de labstraction des mots. De plus, si cest lespace, plus que le langage, qui permet de rendre visible le temps, alors il faut, pour se rapprocher du travail architectural comme le définit Portzamparc, une écriture congédiant lunité linéaire du texte. Il sagit dentourer un morceau de réel, de mettre en valeur un contour. Etre à la fois dans lespace de lécrit et celui de limage. Et ici larchitecte de la tour LVMH à New York intervient et évoque lidée qui a permis la réalisation de ce bâtiment : celle dune économie de léchange, permettant de briser les séparations. Léconomie de léchange consiste à céder du volume à un point pour en reprendre ailleurs et jouer avec le pourcentage de creux possible. En littérature cela consisterait à offrir un vocabulaire permettant de passer dune perception sensorielle à des mots, sans perdre sa dimension architecturale, sans perdre de volume. Simplement déplacer ce volume.
En fin de compte ce dialogue - une forme qui rend la lecture accessible - ne va pas plus loin quun projet - mais cest déjà beaucoup. On note toutefois que les idées viennent plus de larchitecte que de lécrivain. Et lon est très vite irrité par les obsessions de Sollers concernant certains thèmes, prenant parfois le dialogue en otage. Pas dupe non plus des politesses de lun envers lautre (lécriture de Sollers semble être « précisément » la forme qui convient au discours architectural
). On applaudira en revanche à cette entreprise bien ambitieuse dont on attend plus que des mots : des outils de pensée. Cela reste encore à voir. Ou à écrire.
Anne-Cécile Bourget ( Mis en ligne le 13/10/2003 ) Imprimer | | |
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