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La Social-démagogie
Pierre Moscovici   Combats - Pour que la France s'en sorte
Flammarion 2013 /  19 € - 124.45 ffr. / 325 pages
ISBN : 978-2-08-130653-0
FORMAT : 13,4 cm × 22,0 cm
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Il est difficile de commenter un ouvrage politique. Que faut-il analyser ? L'idéologie d'un homme dont le métier est de convaincre puis de gouverner, ou l'aspect plus rhétorique (voire théorique) d'un ouvrage qui commente un programme économique ? Pierre Moscovici (né en 1957) est le type même d'un ministre d'aujourd'hui. Plutôt discret, présentant bien, se voulant persuasif, il accomplit le parcours assez classique (DEA, Science-Po, ENA) d'un homme formé au mitterrandisme durant les années 80... Car c'est bien le précédent président socialiste qui a mené toute l'équipe gouvernante actuelle (née dans les années 50-60) à accepter le libéralisme économique et le capitalisme d'entreprise, promus à son tour par Moscovici à la fin de ce livre : l'auteur parle du coup de Social-démocratie...

Mosco (comme on l'appelle) a écrit un texte à la fois technique (il est ministre de l'économie et des finances) et anecdotique (il est un élu en quête de pouvoir). D'un côté, il revient sur les dernières élections présidentielles, affirme son attachement au parti socialiste et s'en prend à l'équipe précédente ; de l'autre, il définit son programme économique - qui restera flou pour les profanes – pour un redressement industriel et financier. De la politique politicienne à la stratégie de pouvoir, il n'y a qu'un pas et Moscovici le franchit avec plus ou moins d'habileté ! En cela, son livre lui ressemble... fidèle au personnage qui prend ici le temps de s'exprimer à loisir (les médias traditionnels ne permettant jamais de rentrer dans le détail d'une réforme). Avec, aussi, un zeste de considérations moralistes contre le Front National et une explication de texte de l'extrême gauche mélanchonienne.

Mais c'est le mot "réforme", parcourant le texte du début à la fin, qui dérange, comme s'il portait intrinsèquement des vertus indéniables. Le ministre de Bercy est un réformiste convaincu et selon lui, cela va marcher ! On a l'impression une fois de plus que, homme politique comme un autre, il est totalement déconnecté de la réalité brutale vécue aujourd'hui par certains Français. Pour lui, la croissance et la compétitivité, couplées aux "réformes", assureront la relance. Rien sur la précarité, les petits salaires, les classes moyennes appauvries ni sur le chômage qui croît depuis 30 ans au point d'arriver à des scores intolérables. Pour l'auteur, la crise se résume à la crise morale et financière actuelle à laquelle il répond par la régulation des marchés, le contrôle des flux boursiers, la justice sociale et la reprise de la croissance. Bref, de biens jolies formules qui, concrètement, ne mèneront sans doute nulle part. Il ne faut pas avoir fait Science-Po et l'ENA pour se rendre compte que, dans l'état actuel du pays, ce système de pensée ne marchera pas. Cette citation, par exemple, trahit l'auteur : "Pour moi, le socialisme c'est avant tout l'égalité réelle comme objectif politique et le développement économique dans une économie de marché (...). Comme l'avait bien résumé Lionel Jospin répondant à la "troisième voie" de Tony Blair, ce n'est pas à l'économie de marché mais à la société de marché que nous sommes opposés".

Or, le gouvernement actuel (issu d'une famille politique qui a accepté l'économie de marché depuis 1981... et les électeurs voient que cela ne marche pas), promeut justement une société de marché dans laquelle le multiculturalisme, les lois de mariage pour tous, l'égalitarisme forcené ou la société de loisirs permettent en fait au libéralisme de s'imposer via un individualisme établi comme valeur suprême (fondant la consommation au centre de toute préoccupation), et rejetant les plus faibles économiquement... Il est assez surprenant qu'un homme qui cite Jaurès, Mendès-France ou Jules Ferry ne comprenne pas cette terrible contradiction. Quoique... Moscovici cite aussi abondamment Jacques Julliard...

Pire, concernant la succession, il s'affiche en véritable entrepreneur de droite libérale pour qui la valeur travail est conjointe à l'enrichissement personnel ! On est philosophiquement loin du socialisme du début du XXe siècle : "Le combat réformiste refuse de récompenser la richesse lorsque celle-ci résulte d'une position économique acquise et conservée sans risque, ou d'une accumulation intergénérationnelle où le talent personnel compte peu. En revanche, il accepte et même encourage la richesse rémunérant l'audace et le travail". L'ouvrage confirme en fait que le socialisme de Blum est mort depuis les années 70.

Moscovici parait sincère dans sa volonté de redressement du pays ; mais même si quelques inégalités seront sans doute atténuées, la situation générale demeurera la même, à moins qu'une rupture plus profonde (économique, culturelle, éducative, sociale, religieuse) ne marque le paysage politique français. Le ministre (qui est tout sauf un révolutionnaire) est un professionnel de la politique - qui se déplace en bateau sur la Seine afin d'échapper aux bouchons, confie-t-il à la fin du livre, confession d'un moment bucolique assez risible, alors que ses concitoyens supportent eux les heures d'affluence dans le métro ! -, un technocrate prisonnier d'une idéologie et d'une ambition. Certes compétent, il ne convainc hélas pas avec cette croisade pour une justice de gauche.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 20/11/2013 )
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