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Ecole, machine à produire de l’ethnicité ?
Françoise Lorcerie   L'Ecole et le défi ethnique - Education et intégration
ESF - Actions sociales 2003 /  26 € - 170.3 ffr. / 333 pages
ISBN : 2-7101-1592-1

L'auteur du compte rendu: Géraldine Bouchindhomme est professeur des écoles. D'abord directrice d'école, elle a été confrontée à la diversité des problèmes sociaux dont certains cas de divorce particulièrement difficiles à gérer. Actuellement sur un poste CLIN (classe d'intégration), elle enseigne le Français Langue Seconde à des ENA (Elèves Nouvellement Arrivés, anciennement appelés primo-arrivants), et leur apporte les repères scolaires et socioculturels nécessaires à leur adaptation.
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Les tensions ethniques sont de plus en plus marquées autour de l’Ecole mais aussi dans l’Ecole. Pourquoi et comment se manifestent-elles ? Comment lutter contre la discrimination ethnique ? Quelle action publique peut-on fonder le plus justement possible ? Telle est la problématique soulevée dans L’Ecole et le défi ethnique, de Françoise Lorcerie, chercheur au CNRS en sciences politiques et spécialiste des questions d’éducation et d’intégration.
L’ouvrage donne un éclairage très pointu à travers quatre parties : après un apport théorique sur le paradigme de l’ethnicité, plusieurs faits concrets sont observés, ouvrant sur une large discussion afin de comprendre comment se joue le processus de discrimination ethnique à l’Ecole ; pour finir, est menée une réflexion sur les moyens d’action.

Si le concept même d’ethnicité est défini comme «production et activation de certaines formes d’identité communautaire au cœur des sociétés modernes», c’est surtout le concept de croyance ethnique qui est développé en tant que «sentiment subjectif qu’ont les individus, qu’ils appartiennent ou que d’autres appartiennent à une communauté d’origine». C’est ce que montre l’auteur à travers plusieurs études de cas à différents niveaux.

Elle donne l’exemple de quelques «manifestations ethniques» dans un lycée professionnel parisien, nous livre le récit d’une expérience scolaire, nous promène d’un lycée professionnel à l’autre, décrit l’effet de l’organisation scolaire dans un collège… Les jeunes issus de l’immigration y sont nombreux et l’ethnicité prégnante conditionne une partie des relations scolaires. L’auteur montre que l’on observe des processus d’ethnicisation dans beaucoup d’établissements et que les politiques de ces derniers induisent les relations interethniques dans le sens d’une accentuation ou d’un apaisement des tensions. L’auteur explique également comment et pourquoi certains adolescents créent «des microsociétés de survie», microsociétés de repli, en concurrence avec les valeurs de la société dominante, et entravant leur insertion sociale.
Bref, un groupe ethnique se dessine dans une structure et des interactions sociales, à partir de facteurs complexes, et développe alors des particularismes culturels et un besoin d’affirmation identitaire, pouvant se manifester, entre autre, par le repli.

Une discussion centrée sur le cadre scolaire et les processus ethniques s’ouvre alors, notamment sur les acteurs sociaux, élèves, parents, agents scolaires, mais aussi sur la question des frontières et des catégorisations ethniques, sur celle de certains malentendus autour de l’origine, pour finir par une remise en question de l’Ecole, plus précisément de son institution et de sa politique.
Si la dernière partie du livre semble plus intéressante concernant la pédagogie, tout ce qui précède n’est pas inutile dans cette optique pour autant : le lecteur aborde la suite avec une vision éclairée de la situation, telles autour des notions de «culture commune», de «mémoires de l’immigration», d’«éducation interculturelle»… et il peut apprécier le bien-fondé (ou non) de certaines pratiques pédagogiques contre l’ethnicisation.

Tout au long du livre, les thermes d’ethnicité, ethnicisation, discrimination ethnique, sentiment ethnique et groupe ethnique se précisent à travers différents domaines, les sciences sociales, la psychologie sociale, la philosophie politique et plus particulièrement la philosophie politique de l’éducation. Le lecteur chemine du paradigme théorique aux faits observables, à la discussion, puis à l’interrogation ; ainsi l’ouvrage propose une approche très complète du sujet. Outillé des concepts de base, lesquels sont appuyés par des témoignages divers et complémentaires, le lecteur se trouve mieux à même de saisir la problématique, la discussion qui en découle, et les nouvelles questions qui se posent alors sur le que faire et le comment faire.
Ce livre aborde la problématique de l’ethnicité dans le domaine scolaire parce que l’école est l’un des grands espaces civils où se déploient les processus d’ethnicisation, mais aussi parce qu’elle est le lieu d’une possible réaction contre eux. Il permet de saisir l’enjeu d’une politique scolaire et éducative par rapport aux tensions ethniques et au conflit des valeurs, à l’heure où laïcité, identités communautaires et port du voile à l’école sont au centre du débat politique.


Géraldine Bouchindhomme
( Mis en ligne le 19/01/2004 )
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