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Belle comme une image ?
Nancy Huston   Reflets dans un oeil d'homme
Actes Sud - Domaine français 2012 /  22,80 € - 149.34 ffr. / 250 pages
ISBN : 978-2-330-00587-0
FORMAT : 11,5 cm × 21,7 cm
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Romancière connue, Nancy Huston livre un essai virulent contre les discours prônant les différences hommes femmes sur le mode uniquement de la différence culturelle. Ce qui était d’ailleurs une des grandes convictions à l’époque où Nancy Huston se lançait avec ardeur dans les combats féministes : les années 1970… Tout son discours se dresse contre le courant de pensée exprimé pour la première fois par Simone de Beauvoir en 1949 (Le Deuxième sexe : «on ne nait pas femme on le devient»), poursuivi de nos jours par E. Badinter, F. Héritier ou encore les théoriciennes du «genre». Dans ce vieux débat, Nancy Huston se place résolument contre les tenants du «genre».

Pour elle, bien davantage que culturelle, la différence - pour ne pas dire le fossé - qui sépare les hommes des femmes est d’origine «naturelle», biologique. Le mâle serait biologiquement déterminé par la nécessité absolue de fréquenter un maximum de partenaires, la nécessité pour les femmes étant de trouver le meilleur reproducteur.

Pour démontrer son analyse, elle s’appuie sur un aspect précis : l’image ; image du corps des femmes, images que les femmes se font d’elles-mêmes, de leur beauté, images qui se construisent par rapport aux hommes, pour eux. Totalement aliénées, les femmes n’existeraient plus que pour le regard des hommes. L'auteure reprend des arguments assez courants sur l’industrie de la beauté féminine et la domination que celle-ci finit par exercer sur les femmes occidentales qui abdiquent de leur plein gré leur liberté au profit de chimères. Et le XXe siècle qui en Occident a vu les progrès de la photographie et l’invention du féminisme, loin d’être un temps de libération des femmes, aurait plutôt été le moment de nouvelles soumissions, plus subtiles.

«Dire que la maternité n’est plus, comme ce fut le cas au long de l’Histoire, la culmination de la féminité, c’est peu dire. Elle est devenue son envers. Pourquoi ? Parce que l’accouchement est l’un des rares moments dans la vie d’une femme où elle cesse d’être une image» (p.238). L’idée étant que, de nos jours, érotisme et maternité peuvent être séparés grâce aux progrès médicaux et à l’évolution des mœurs, et que les femmes sont plutôt perdantes dans ce jeu car ceci entraîne pour elles l’exigence absolue de la beauté selon des normes qu’elles ne maîtrisent pas.

Nancy Huston pense que, loin d’y gagner de l’autonomie, les femmes au contraire sont désormais dans une situation de dépendance accrue, qui se traduit entre autres par l’explosion actuelle de la pornographie. A l’appui de ses propos, des exemples : la vie de Nelly Arcan (prostituée, auteur d’un roman Putain, suicidée à 36 ans) à qui elle dédie son essai ; ou encore la lettre d’une jeune femme désignée par une initiale, «O», qui pour plaire à un vieil amant s’est pliée à tous les sévices…

Reste une question : combien de femmes se reconnaissent dans ces deux exemples ? Les hommes, à dire vrai, ne sont pas beaucoup mieux servis : voyeurs obsessionnels, dispersant leur semence à tout vent, et aujourd’hui essentiellement entre masturbation et pornographie, les rôles qui leur sont attribués ne sont guère positifs, exploiteurs, suborneurs ou proxénètes, pères absents ou trop présents…

Sa conclusion : «Nous autres Occidentales incarnons bien moins que nous le pensons, dans notre arrogance naturelle et candide, la femme libre ou libérée. (…) L’industrie de la pornographie et celle de la beauté font des profits faramineux en diffusant pour leur public respectif des images qui charcutent, compriment, décorent, contiennent, exhibent, lacèrent, punissent, badigeonnent, dessinent, mutilent, triturent et tringlent à l’infini des corps de femmes stériles… diffusant et renforçant ad vitam aeternam, de façon hilarante si on est martien, deux idéaux antinomiques : le mannequin et la putain» (p.298).

En fait, on sort un peu désarçonné de cette lecture : en premier lieu car le tout est assez mal construit, les chapitres se succèdent de façon assez décousue, les argument sont jetés en vrac, souvent excessifs, trop pour finalement adhérer sans réserves, même lorsque certains séduisent ! Mais aussi car cet essai qui prétend défendre les femmes – contre elles-mêmes éventuellement – est d’une certaine façon assez méprisant à leur encontre en les présentant comme incapables de gérer leur image, des femmes nécessairement objets… Enfin ces arguments déroulés en 2012 ont déjà été entendus et lus des dizaines de fois, dans un débat sans cesse reposé depuis les années 1970 ; rien de bien neuf donc...

Cependant le livre est écrit avec tant d’ardeur qu’il peut aussi avoir des défenseurs passionnés… Il irrite ou séduit : au lecteur - à la lectrice - de choisir s’il (elle) apprécie l’analyse des contradictions internes à la société occidentale sur la question de la place et de l’apparence des femmes ; ou s’il (elle) est exaspéré(e) par les arguments et le ton.


Marie-Paule Caire
( Mis en ligne le 20/07/2012 )
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