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Billet de mauvaise humeur | | | Oriana Fallaci La Rage et l'Orgueil Plon 2002 / 15 € - 98.25 ffr. / 195 pages ISBN : 2-259-19712-4 Imprimer
On aura eu avec Naipaul le "Nobel du 11 septembre" (et dune certaine hostilité à lIslam, notamment avec son Jusquau bout de la foi, Plon, 1998). Avec Marc-Edouard Nabe, encore tout imbibé des visions apocalyptique devinées à Patmos où il séjournait à la fin de lété 2001, on a lu la vison "rock" et hallucinée des "événements". Oriana Falacci, quand à elle, offre une relecture pleine de furie des attentats, et au-delà, du Djihad dont elle dit la menace. Volubile, la journaliste tempête et clame la rage et lorgueil de vivre à New York, cible dimbéciles tout droits venus du Moyen Âge planétaire, et dont laction a été trop souvent justifiée voire psychologiquement préparée - par les "anti-impérialistes" occidentaux, rejoignant ainsi le diagnostic de Jean Baudrillard, pour qui le 11 septembre avait été mille fois rêvé par les Occidentaux
Oriana Fallaci, aujourdhui âgée de soixante-dix ans, avait la plume rare. Cette très grande dame de lépopée politico-journalistique des années soixante et soixante-dix navait pas livré une ligne depuis dix ans ! Cet ouvrage est donc un événement en soi. Pourtant Oriana Fallaci a gêné dans la "botte", et sans doute le phénomène se répètera-t-il en France ; quelques éditorialistes italiens y sont allés de leur "Adieu Oriana Falacci", sur le mode de "lAdieu à Régis Debray"
Car la rumeur présente Falacci comme une raciste et une nouvelle thuriféraire du choc des civilisations, théorie sinon douteuse, du moins discutable. Et dans tout les cas trop caricaturale pour une femme aussi subtile que Falacci même emportée par sa rage et son orgueil.
Le livre, développement dun article paru dans un journal italien, se révèle non seulement brûlot contre les "fils dAllah", mais également attaque, parfois sans nuances, contre lEurope contemporaine. Oriana Fallaci, qui se présente comme une exilée volontaire aux Etats-Unis, règle ainsi ses comptes avec une Italie, une Europe, quelle juge malade de ses élites ("les cigales"), constipée par la tyrannie des post-soixante-huitards. Qu'Oriana Fallaci irait jusqu'à soupçonner davoir ri des malheurs américains du 11 septembre dernier.
Quant à la haine de Falacci pour lIslam, ce sentiment qui déborde et charrie le livre, il appelle quelques commentaires qui, précisons-le, ne valent pas adhésion. Tout dabord, cette haine, expression de la défiance dune athée vis-à-vis dune religion particulièrement expansionniste hic et nunc, rappelle les discours anticléricaux de lEurope du XIXe siècle. Songeons à la France de lépoque de la séparation de lEtat et de lEglise
Enfin, cette haine, pour nêtre pas fondée sur des arguments théologiques ou dialectiques très poussés (cest le moins quon puisse dire !), na rien de comparable aux démonstrations anti-coraniques des livres de Ibn Warraq (Pourquoi je ne suis pas musulman, LÂge dHomme, 1999) ou de René Marchand (La France au péril de lIslam, chez le même éditeur !) On relèvera tout de même des passages consternants au cours desquels Oriana Fallaci pousse lart de lamalgame à son "apogée" : Arabes, musulmans et trafiquants de drogue sont pour elle synonymes ; ainsi que, parfois, musulmans et terroristes. Oriana Fallaci, qui réussit souvent à émouvoir le lecteur, ici agace : le métier de provocatrice dans lequel elle excelle, ne peut tolérer de pareilles imbécillités.
Ce livre secoue-t-il les consciences, ainsi que lannonce son éditeur ? Est-il "inoubliable" ? Comme il est loin, pourtant, des précédents ouvrages de Fallaci tels Inchallah, Un homme... Il sagit plutôt dun billet de (très mauvaise) humeur, entremêlé de détails sur la vie personnelle de son auteur (qui ne sont pas sans intérêt, dailleurs). Un énorme pavé dans la mare du politiquement correct.
Vianney Delourme ( Mis en ligne le 03/06/2002 ) Imprimer | | |
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