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| Rachid Kaci La République des lâches - La faillite des politiques d'intégration Editions des syrtes 2003 / 18 € - 117.9 ffr. / 214 pages ISBN : 2-84545-085-0 FORMAT : 14x23 cm
Préface de Jean Sévillia
L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de lI.E.P. de Toulouse, est titulaire dune maîtrise en histoire ancienne (mémoire sur Les représentations du féminin dans les poèmes dHésiode) et dun DEA de Sciences des Religions à lEcole Pratique des Hautes Etudes (mémoire sur Les Nymphes dans la Périégèse de la Grèce de Pausanias). Ancien élève de lInstitut Régional dAdministration de Bastia, il est actuellement professeur dhistoire-géographie. Imprimer
Rachid Kaci, homme politique médiatique invité sur de nombreux plateaux de télévision, surtout depuis la médiatisation de laffaire du «voile», nous offre ici son premier livre : un essai sur la faillite des politiques dintégration en France, qui nest pas sans avoir, parfois, des accents pamphlétaires. Un livre en tout cas qui ne laisse pas indifférent car il peut susciter des polémiques ; un livre également partisan qui pourfend surtout la gauche, même sil critique laction de Nicolas Sarkozy et regarde avec une grande méfiance le nouveau Conseil français du culte musulman (CFCM), politisé, divisé et majoritairement composé dinstances religieuses liées à des pays étrangers (pétromonarchies du Golfe, Algérie, Maroc essentiellement).
Le livre est préfacé par Jean Sévilia, rédacteur en chef adjoint au Figaro Magazine, auteur du polémique Historiquement correct (Perrin, 2003), que Rachid Kaci, renvoi dascenseur oblige, cite abondamment. Jean Sévilia souligne que lauteur «est de ceux qui regardent la réalité en face» (p.13). Immigré de la deuxième génération, Français et musulman dorigine kabyle (il est au reste lattaché de presse du chanteur Lounis Aït Menguellet), Rachid Kaci est dabord un jeune professeur de mathématiques, qui simplique dans une action de terrain à Nanterre et à Suresnes. Cest un ancien membre de France Plus (une idée de Charles Pasqua pour que la droite ait son SOS Racisme à elle, et doù est également issu Farid Smahi, conseiller régional Front National dÎle-de-France). Il fonde en 1994 Democratia, une association oeuvrant pour lintégration des jeunes dans les banlieues. Initiateur de lAppel de Mai en 2003 («Appel aux citoyens musulmans de France épris de paix, de justice, de liberté et de laïcité», reproduit en annexe de louvrage, et qui a été signé notamment par Soheib Bencheikh, le libéral grand mufti de Marseille, lanthropologue Malek Chebel ou Betoule Fekkar-Lambiotte, ancienne membre du CFCM). Il est le fondateur du courant La Droite Libre au sein de lUMP, qui a été condamnée en mai 2003 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris pour spam illégal des boîtes électroniques de plusieurs syndicats pour protester contre les mouvements de grève.
Le premier livre de Rachid Kaci souvre sur la déconvenue subie par Nicolas Sarkozy lors de sa visite à la 20e rencontre annuelle organisée au Parc des expositions du Bourget par lUnion des organisations islamiques de France (UOIF). Le ministre se fait copieusement siffler pour avoir rappelé quaux termes de la loi le titulaire dune carte didentité de la République française, quel que soit son sexe, doit figurer tête nue sur la photographie qui est apposée sur ce document. Rachid Kaci voit dans cette anecdote un symbole de léchec de lassimilation ou même de lintégration à la société française dune large fraction de la population dorigine immigrée, qui préfère se réfugier dans une approche de lIslam à la fois politique et communautaire.
Le premier chapitre expose un état des lieux de la religion musulmane en France, des différentes tendances, et un historique des tentatives dorganisation de lislam par les pouvoirs publics (depuis linitiative de Pierre Joxe en 1989, confronté alors à la première affaire du voile, jusquà la récente installation par Nicolas Sarkozy du CFCM, reprenant la première impulsion de Jean-Pierre Chevènement). Rachid Kaci critique la place importante donnée par lactuel ministre de lIntérieur aux fondamentalistes de lUOIF (liés aux Frères musulmans) dans ce nouveau CFCM.
Le second chapitre sattache à une défense de la laïcité, menacée selon lauteur par le risque communautariste. Il critique les concepts de laïcité «plurielle et évolutive» ou «ouverte» défendus par des personnalités comme le sulfureux «télécoraniste» Tariq Ramadan. Il évoque limplosion du CFCM et la démission de certains de ses membres, défenseurs dun Islam modéré et démocratique. Il se montre donc très sceptique sur le rôle que pourra jouer cette nouvelle institution pour une meilleure intégration des musulmans à la République. Il dénonce labandon des banlieues difficiles par les pouvoirs publics, qui fait le jeu des fondamentalistes qui y développent des actions associatives et caritatives.
Le troisième chapitre revient sur lhistoire des politiques dimmigration. Lauteur reconnaît que «la droite et la gauche se partagent la responsabilité des politiques catastrophiques que les gouvernements successifs ont menées», mais pour lui «la plus grosse part revient sans conteste au Parti socialiste» (p. 66), alors même quil reconnaît plus loin que le rapprochement familial est mis en place dès 1972. Le chapitre suivant concerne au reste les seules «années Mitterrand» sous lesquelles les pouvoirs publics firent preuve, selon lauteur, dun angélisme coupable et dune lâcheté sans précédents. Il règle au passage ses comptes avec Harlem Désir et Malek Boutih, anciens présidents de SOS Racisme. Il va même jusquà regretter, citant son préfacier Jean Sévillia, les mensonges (ou, plus pudiquement, les «mythes») historiques de lécole laïque, qui avaient lavantage de rendre les Français fiers de leur passé et de leurs héros nationaux. Cest justement cette fierté qui manque aujourdhui, selon lui, à la France. Il reproche aux intellectuels de gauche de systématiquement dénigrer, depuis mai 68, la France et le patriotisme, et y voit la cause principale de léchec des politiques dintégration : comment les immigrés dorigine maghrébine, par ailleurs systématiquement victimisés, pourraient-ils adhérer à une Nation que lintelligentsia leur apprend à mépriser ? Le discours de Rachid Kaci se fait cependant excessif, lorsquil évoque par exemple la supposée complaisance dont feraient part les tribunaux français face à des pratiques aussi barbares que lexcision.
Il dénonce ensuite le danger de lislamisme sur le sol même de la France, et analyse dans le port du voile la première tentative de renversement des valeurs laïques et républicaines, qui sera suivie dautres actions si la République cède sur ce symbole : «le foulard est ainsi devenu un instrument au service dune ambition politique, un moyen de tester les capacités de résistance de lEtat français» (p.129). La seule riposte efficace consisterait donc, selon lui, à voter une loi interdisant le port du voile dans les établissements scolaires, «au moins au nom de légalité entre hommes et femmes» (p.131). Dans le chapitre suivant, lauteur va même jusquà proposer une limitation du droit du sol pour laccès à la citoyenneté, et souhaite soumettre lobtention de la citoyenneté française à des conditions plus restrictives. Il revient sur le problème de limmigration clandestine, se prononce pour la double peine (qui prévoyait de renvoyer dans leur pays, au terme de leur peine de prison, les délinquants étrangers ayant sévi sur le sol français) et contre le droit de vote des étrangers aux élections locales. Dans le dernier chapitre sur «la faillite des creusets républicains», il dénonce léchec de lassimilation républicaine par larmée de conscription (aujourdhui disparue), la langue et lécole. Cette dernière, devenue parfois le théâtre daffrontements intercommunautaires, devenue aussi le lieu de cristallisation de laffaire du «voile», est particulièrement visée.
Dans sa conclusion, lauteur se montre inquiet, et renoue avec un scénario du déclin de lOccident bien connu depuis le XIX e siècle et Oswald Spengler. Loriginalité du propos est quil provient dun représentant de la seconde génération issue de limmigration maghrébine, ce qui permet de mettre laccent sur un nouveau phénomène : la séduction quopère la droite sur certaines populations dorigine immigrée. Certains analystes, comme Vincent Geisser (La Nouvelle Islamophobie, La Découverte, 2003) vont même jusquà parler de «musulmans islamophobes», ce qui est sans doute exagéré, même si lambition politique nest pas forcément étrangère à une certaine surenchère des propos. Il nen reste pas moins que Rachid Kaci se prononce sans ambiguïté pour lassimilation et non pour lintégration, quil juge trop molle.
Sébastien Dalmon ( Mis en ligne le 12/12/2003 ) Imprimer
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